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Journée d’études : "Pour une histoire comparatiste des médias", 14 Juin 2002.

A quoi peut-on comparer la presse d’ancien régime ?, Jeremy D. Popkin, professor of history, University of Kentucky

Vers le début de ma carrière, j'avais commencé une étude comparée de la presse française et de la presse allemande du dix-huitième siècle. Je ne suis jamais avancé très loin avec ce projet, essentiellement pour des raisons pratiques, mais je me suis aperçu très vite qu'il y avait aussi une difficulté plus fondamentale. C'est qu'on ne peut pas parler, ni d'une presse française à cette époque, ni d'une presse allemande, si l'on entend par “presse française†ou “presse allemande†des réseaux de périodiques publiées sur le sol d'un seul pays, plus tournés vers les affaires de leur (...) Lire la suite

Enjeux et écueils d’une histoire comparatiste des médias, Michèle Martin

Depuis quelques années, ma recherche porte sur l'histoire comparée des médias sur le plan international. Le comparatisme international, dont on parle en tant que tel au moins depuis Marc Bloch, c'est à dire depuis 1928, sans trop souvent le pratiquer, m'a révélé des enjeux nouveaux quant à la compréhension de l'histoire des médias. Mais cela m'a aussi obligée à faire face à de nouvelles difficultés. Ce sont ces deux points qui constituent une sorte de tension que j'aimerais soulever dans ce débat, car le peu de recherches comparatistes qui existe actuellement, particulièrement en France ( et au Canada, surtout au Québec) où (...) Lire la suite

Économie des comparaisons, Juan Carlos Miguel de Bustos, Universidad del Pais Vasco Fac. CC. Sociales y de la Comunicacià³n

La perspective dans laquelle je m'inscris est celle d'un disciple de l'histoire contemporaine des médias et mes réflexions s'appuient sur l'économie des industries culturelles et/ou de la communication. Mes fonctions de professeur et de chercheur reposent sur la notion de comparaison. Il ne peut en être autrement car la comparaison – avec la classification, la catégorisation, la hiérarchisation ainsi que l'élaboration de concepts – constitue l'une des méthodes fondamentales de la démarche scientifique au sein des industries culturelles.

Dans le cadre de l'enseignement, je m'intéresse à l'économie de la communication (...) Lire la suite

Styles et modèles nationaux de communication. Histoires de médias, histoire des médias. , Peppino Ortoleva, Mediasfera, Florence - Université de Turin

Dans mes recherches sur l’histoire des médias, je me suis intéressé soit à quelques formes de communication prises singulièrement (la radio, la télévision, les télécommunications), soit à l’évolution du cadre général du système des médias. Il s’agit de deux perspectives à mon avis complémentaires ; mais ma thèse est que, à l’inverse de ce qu’on pourrait penser, c’est l’analyse de la dynamique de chaque média qui est mieux comprise si l’on la situe dans un cadre systémique, tandis que l’histoire des médias en tant que système n’est pas réductible (...) Lire la suite

Espaces médiatiques et acteurs sociaux : transversalité et synchronicité, Michel Sénécal

L'interdisciplinarité qui est à l'origine même du domaine d'études des sciences de l'information et de la communication, oblige tôt ou tard les chercheurs à s'intéresser de plus près à la perspective historique, celle-ci étant en quelque sorte devenue une dimension essentielle voire incontournable à la compréhension approfondie des phénomènes médiatiques et communicationnels qui unissent ou opposent les peuples, les nations, les cultures, tantôt sur une durée étendue, tantôt sur des segments temporels plus circonscrits.

La longue durée (temps long) implique d'emblée l'articulation (...) Lire la suite

La Posture comparatiste, Marie Thonon, Maître de Conférences, Département Infocom. Université Paris 8

Comparer (Dictionnaire historique de la langue française. Direction Alain Rey ) est issu du latin comparare, apparier, d'où assimiler et confronter. Il signifie rapprocher des objets de nature différente pour en dégager un rapport d'égalité et examiner les rapports de ressemblance et de dissemblance entre des personnes et des choses. De ce sens, procèdent quelques emplois spéciaux en droit (1718), en sciences de la nature (Cuvier 1805 Anatomie comparée) et en littérature (comparée 1900). C'est ainsi qu'apparait le comparatisme et ce, de manière relativement récente dans l'histoire intellectuelle.Cette histoire elle-même serait à interroger, alors que, dans le contexte de la mondialisation, survient la nécessité de comparer l'histoire des pays, nations, souverainetés, états, systèmes, cultures à travers des objets spécifiques, ici, en l'occurence, les médias. Il s'agirait donc, pour le comparatiste, d'être l'entremetteur (au sens d'apparier, à savoir de faire rencontrer pour assortir et marier) impossible entre les territoires, les époques, les cultures, d'être en situation de comparer horizontalement, verticalement et transversalement soit dans une posture d'équilibre épistémologique acrobatique sans cesse au bord de la rupture.

Il nous semble que le monde actuel porte ce défi à l'analyse historique, si tant est qu'on s'accorde sur sa nécessité pour chercher le sens du présent. “Pour moi, historien des pratiques et des œuvres de l'âge moderne, entre 16è et 18è siècles, les catégories et méthodes pertinentes sont celles qui permettent de comprendre la double historicité des textes : l'historicité qui gouverne leurs conditions et lieux de production et leur relation avec l'objet qu'elles visent ; et l'historicité, plus fondamentale peut-être, qui leur vient des modalités propres de leur “matérialité†, qu'elles soient écrites, orales ou électroniques†. (Roger Chartier. Revue MEI N° 10 L'Harmattan 1999) “Au défi de l'interdisciplinarité se somme celui de l'interculturalité†(Armand Mattelart MEI N° 10)

Il faudrait ici ajouter, à propos des médias, celui de l'interhistoricité qui raccorde les textes ou autres objets observés au contexte global de leur inscription historique précisément.

Étre “entre†, “parmi†, “au milieu de†voici donc la difficile position du comparatiste de l'histoire des médias, objets et phénomènes par nature cristallisateurs d'échanges qu'une approche strictement disciplinaire ou strictement nationale ne pourrait que réduire.

Dans l'état actuel des recherches qui commencent à être nombreuses dans ce champ, nous voudrions proposer de relever quelques principes sur lesquels les comparatistes pourraient s'accorder et, quelques problématiques communes sur lesquelles ils pourraient s'appuyer. Il nous semble que pour l'ensemble, il faille faire confiance aux chercheurs dans leurs pratiques et leurs confrontations.

1- Nécessité des historiens, au sens disciplinaire du terme. Les chercheurs en sciences humaines, politiques ou en communication ont besoin des historiens, de leurs savoirs et de leurs méthodes pour l'histoire des techniques, l'histoire économique, l'histoire des professions, l'histoire des usages, des administrations, des entreprises etc..

2- Nécessité d'approfondir l'histoire des médias sur un plan national pour élaborer les modèles nationaux d'inscription et de développement des médias. “Le retour au “génie du lieu†(local national) s'avère nécessaire pour donner un sens à ce processus de “globalisation†que d'aucuns d'entre -nous présentent comme une fatalité, devrait favoriser la rencontre d'un couple impossible. Pour preuve, les recherches sur la spécificité “ethnique†des “genres†ou des “modèles†télévisuels sur un marché dit global“. (Mattelart MEI N° 10)

3- Nécessité de l'attention aux échanges, dispositifs, moyens et équipements de communication et de commerce des objets, des idées et des personnes au plan international. Retrouver et rassembler les savoirs en la matière qui sont abondants mais dispersés ou oubliés, permettrait de fabriquer un socle de fondation solide à l'histoire internationale croisant celle des grands continents de référence.

Les recherches généalogiques que nous avions menées sur les équipements de communication en France, procédant là à un croisement entre les divers équipements (postes, routes, chemins de fer, télégraphe, téléphone, phonographe, photographie, cinématographe etc..) sur une problématique commune nous avaient permis de retenir plusieurs axes de réflexion.

  • L'étude de la configuration institutionnelle avait mis en évidence le rôle prépondérant joué par les Grands Corps Techniques et cerné leurs rapports avec les forces politiques nationales ou locales -spécificité franco-française si puissante et si peu perceptible- (Routes et chemin de fer).
  • L'étude de la configuration spatiale des équipements avait permis d'expliciter certains choix de développement en matière d'infrastructures de communication (Télégraphe, téléphone).
  • L'étude de la configuration socio-culturelle qui a servi de filtre à l'émergence de techniques à large diffusion s'est avérée utile pour appréhender certains thèmes moteurs de la diffusion. (Phonographe, photographie, cinéma).
  • L'étude des divers objets et supports de la communication a permis de mettre en relief la progressive dématérialisation du corps à leur profit et ainsi, permis de poser les lourdes questions de leur humanisation et de la virtualisation des relations et des identités. Ceci est un exemple de recherche au plan national (la France) où le comparatisme s'effectuait entre les équipements eux-mêmes et les approches disciplinaires convoquées.La recherche a permis ainsi de rencontrer l'international à partir d'autres bases que celles, par exemple, du progrès et donc du retard technologique qui en est le pendant. Elle a permis encore de comprendre les effets des dispositifs et interventions strictement internationaux sur le territoire national, que ce soit sur le plan du politique, du droit, de l'économie ou de la communication en comparant plusieurs modèles nationaux européens.

A ce point, il nous importe de savoir comment l'hétérogénéité des territoires et des cultures a pu, depuis déjà un siècle, composer avec l'homogénéisation internationale des formes et des contenus. Encore une fois, l'entremetteur comparatiste peut jouer son rôle entre l'histoire internationale et l'histoire nationale.

Entre l’Etat et le marché : l’analyse comparée des médias en France et en Angleterre, Jean Chalaby, City University

La recherche comparée présente quatre types de difficultés. Il y a premièrement les difficultés d'ordre matériel, notamment la disponibilité des archives, les coûts associés au déplacement, les problèmes de langue et de traduction. Ces difficultés sont telles qu'elles pèsent souvent un poids déterminant sur le champ de la comparaison, sur le choix des objets comparés.

Le deuxième type de difficulté est d'ordre méthodologique. Ce type de difficulté est particulièrement aigu lors de l'analyse quantitative. Souvent, les statistiques ne recouvrent pas les mêmes périodes ou les mêmes (...) Lire la suite

Presse allemande et presse française. Coups de projecteurs sur quatre siècles d’histoire, Ursula E. Koch

Ayant enseigné, en tant que germaniste, l'histoire de la presse allemande à l'Université de Paris-X-Nanterre et ensuite, dans ma fonction d'enseignant-chercheur à l'Université de Munich, l'histoire des médias en France, c'est l'approche comparatiste qui m'a de plus en plus passionnée.

J'ai orienté mes recherches comparatistes dans deux directions :

  • Des études portant sur une période courte et un sujet bien circonscrit, par ex. la presse parisienne et la presse berlinoise (tous types de médias réunis) à l'époque de la révolution de 1848/49.
  • Des études prolongées (...) Lire la suite

Eléments pour une histoire comparatiste de la presse quotidienne en Europe, Patrick Eveno

Mon approche de l’histoire de la presse et des médias est centrée sur l’économie des entreprises et, au-delà, sur la notion de marché global de la presse, des médias, voire des industries culturelles.

Les réflexions que je souhaite vous proposer portent donc sur les déterminants et les évolutions des marchés de la presse dans plusieurs pays européens. En effet, à partir d’une genèse qui semble commune, avec la création au XIXe siècle d’une presse politique puis d’une presse de masse, les marchés nationaux de la presse évoluent différemment selon l’histoire propre de chaque pays. Cette histoire propre est d’abord marquée par le politique, dans la mesure où les Etats de l’Europe occidentale ont connu une évolution économique et sociale plus ou moins similaire. Mais, cette histoire propre à chaque nation est également le résultat d’une histoire des marchés et des réactions des entreprises de presse à l’égard de ces marchés.

On peut ainsi mesurer les césures chronologiques qui sont directement dépendantes du politique : la démocratisation, l’adoption du suffrage universel et de la pleine liberté de la presse, les régressions dictatoriales (Allemagne, Italie, Espagne, France) et les renouveaux démocratiques.

Mais on peut également réfléchir aux césures propres aux entreprises et aux marchés de la presse : la naissance de la presse de masse, la différenciation entre presse « de qualité » et presse « populaire », l’évolution et la segmentation de cette presse populaire : les quotidiens d’information nationale, les régionaux et locaux, la « presse de caniveau » (gutter press) à grand tirage. Ceci nous amène par exemple à poser une question : pourquoi les Anglais et les Allemands disposent d’une presse populaire vivace et à grand tirage (Sun et Bild), alors qu’en France elle a disparu ? Le déclin de la presse quotidienne française depuis 1945, beaucoup plus rapide et plus affirmé que celui de ses consœurs, doit être interrogé, de même que l’émergence des magazines d’information, qui occupent un champs abandonné par la presse quotidienne.

L’histoire politique et l’histoire des marchés de la presse se rejoignent lorsqu’on envisage les modalités et les conséquences des épurations de la presse après la Seconde Guerre mondiale. On peut ainsi esquisser une typologie des entreprises de presse et des orientations rédactionnelles et politiques des quotidiens dans différents pays, typologie qui est, en Europe continentale, le résultat des politiques d’épuration et de reconstruction du paysage médiatique dans les années 1945-1950. Les conséquences des choix décidés au cours de cette période pèsent encore sur les paysages médiatiques de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, etc. Enfin, il est intéressant d’étudier les recompositions de la presse et des médias dans les Etats ayant connu une sortie tardive des systèmes autoritaires, l’Espagne post-franquiste et le Portugal post-salazariste.

On peut ainsi aboutir à une typologie comparée des journaux dans les pays d’Europe occidentale. En conclusion, si les paysages médiatiques européens sont fortement contrastés en ce début de XXIe siècle, c’est parce qu’ils sont le résultat d’une longue histoire propre à chacun des pays, dans laquelle histoire politique et histoire des entreprises de médias sont également actives.


Mon approche de l'histoire de la presse et des médias est centrée sur l'économie des entreprises et, au-delà , sur la notion de marché global de la presse, des médias, voire des industries culturelles.

Les réflexions que je souhaite vous proposer portent donc sur les déterminants et les évolutions des marchés de la presse dans plusieurs pays européens. En effet, à partir d'une genèse qui semble commune, avec la création au XIXe siècle d'une presse politique puis d'une presse de masse, les marchés nationaux de la presse évoluent différemment selon l'histoire propre de chaque pays. Cette histoire propre (...) Lire la suite