Comptes rendus
Patrick Eveno
Eléments pour une histoire comparatiste de la presse quotidienne en Europe
Mon approche de l’histoire de la presse et des médias est centrée sur l’économie des entreprises et, au-delà, sur la notion de marché global de la presse, des médias, voire des industries culturelles.
Les réflexions que je souhaite vous proposer portent donc sur les déterminants et les évolutions des marchés de la presse dans plusieurs pays européens. En effet, à partir d’une genèse qui semble commune, avec la création au XIXe siècle d’une presse politique puis d’une presse de masse, les marchés nationaux de la presse évoluent différemment selon l’histoire propre de chaque pays. Cette histoire propre est d’abord marquée par le politique, dans la mesure où les Etats de l’Europe occidentale ont connu une évolution économique et sociale plus ou moins similaire. Mais, cette histoire propre à chaque nation est également le résultat d’une histoire des marchés et des réactions des entreprises de presse à l’égard de ces marchés.
On peut ainsi mesurer les césures chronologiques qui sont directement dépendantes du politique : la démocratisation, l’adoption du suffrage universel et de la pleine liberté de la presse, les régressions dictatoriales (Allemagne, Italie, Espagne, France) et les renouveaux démocratiques.
Mais on peut également réfléchir aux césures propres aux entreprises et aux marchés de la presse : la naissance de la presse de masse, la différenciation entre presse « de qualité » et presse « populaire », l’évolution et la segmentation de cette presse populaire : les quotidiens d’information nationale, les régionaux et locaux, la « presse de caniveau » (gutter press) à grand tirage. Ceci nous amène par exemple à poser une question : pourquoi les Anglais et les Allemands disposent d’une presse populaire vivace et à grand tirage (Sun et Bild), alors qu’en France elle a disparu ? Le déclin de la presse quotidienne française depuis 1945, beaucoup plus rapide et plus affirmé que celui de ses consœurs, doit être interrogé, de même que l’émergence des magazines d’information, qui occupent un champs abandonné par la presse quotidienne.
L’histoire politique et l’histoire des marchés de la presse se rejoignent lorsqu’on envisage les modalités et les conséquences des épurations de la presse après la Seconde Guerre mondiale. On peut ainsi esquisser une typologie des entreprises de presse et des orientations rédactionnelles et politiques des quotidiens dans différents pays, typologie qui est, en Europe continentale, le résultat des politiques d’épuration et de reconstruction du paysage médiatique dans les années 1945-1950. Les conséquences des choix décidés au cours de cette période pèsent encore sur les paysages médiatiques de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, etc. Enfin, il est intéressant d’étudier les recompositions de la presse et des médias dans les Etats ayant connu une sortie tardive des systèmes autoritaires, l’Espagne post-franquiste et le Portugal post-salazariste.
On peut ainsi aboutir à une typologie comparée des journaux dans les pays d’Europe occidentale. En conclusion, si les paysages médiatiques européens sont fortement contrastés en ce début de XXIe siècle, c’est parce qu’ils sont le résultat d’une longue histoire propre à chacun des pays, dans laquelle histoire politique et histoire des entreprises de médias sont également actives.
Mon approche de l'histoire de la presse et des médias est centrée sur l'économie des entreprises et, au-delà , sur la notion de marché global de la presse, des médias, voire des industries culturelles.
Les réflexions que je souhaite vous proposer portent donc sur les déterminants et les évolutions des marchés de la presse dans plusieurs pays européens. En effet, à partir d'une genèse qui semble commune, avec la création au XIXe siècle d'une presse politique puis d'une presse de masse, les marchés nationaux de la presse évoluent différemment selon l'histoire propre de chaque pays. Cette histoire propre est d'abord marquée par le politique, dans la mesure où les Etats de l'Europe occidentale ont connu une évolution économique et sociale plus ou moins similaire. Mais, cette histoire propre à chaque nation est également le résultat d'une histoire des marchés et des réactions des entreprises de presse à l'égard de ces marchés.
On peut ainsi mesurer les césures chronologiques qui sont directement dépendantes du politique : la démocratisation, l'adoption du suffrage universel et de la pleine liberté de la presse, les régressions dictatoriales (Allemagne, Italie, Espagne, France) et les renouveaux démocratiques.
Mais on peut également réfléchir aux césures propres aux entreprises et aux marchés de la presse : la naissance de la presse de masse, la différenciation entre presse « de qualité » et presse « populaire », l'évolution et la segmentation de cette presse populaire : les quotidiens d'information nationale, les régionaux et locaux, la « presse de caniveau » (gutter press) à grand tirage. Ceci nous amène par exemple à poser une question : pourquoi les Anglais et les Allemands disposent d'une presse populaire vivace et à grand tirage (Sun et Bild), alors qu'en France elle a disparu ? Le déclin de la presse quotidienne française depuis 1945, beaucoup plus rapide et plus affirmé que celui de ses consœurs, doit être interrogé, de même que l'émergence des magazines d'information, qui occupent un champs abandonné par la presse quotidienne.
L'histoire politique et l'histoire des marchés de la presse se rejoignent lorsqu'on envisage les modalités et les conséquences des épurations de la presse après la Seconde Guerre mondiale. On peut ainsi esquisser une typologie des entreprises de presse et des orientations rédactionnelles et politiques des quotidiens dans différents pays, typologie qui est, en Europe continentale, le résultat des politiques d'épuration et de reconstruction du paysage médiatique dans les années 1945-1950. Les conséquences des choix décidés au cours de cette période pèsent encore sur les paysages médiatiques de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, etc. Enfin, il est intéressant d'étudier les recompositions de la presse et des médias dans les Etats ayant connu une sortie tardive des systèmes autoritaires, l'Espagne post-franquiste et le Portugal post-salazariste.
On peut ainsi aboutir à une typologie comparée des journaux dans les pays d'Europe occidentale. En conclusion, si les paysages médiatiques européens sont fortement contrastés en ce début de XXIe siècle, c'est parce qu'ils sont le résultat d'une longue histoire propre à chacun des pays, dans laquelle histoire politique et histoire des entreprises de médias sont également actives.