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Atelier doctoral 2005

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Emilie Roche (Université Lyon 2) : "Étude des discours de presse écrite française sur les violences et les tortures pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962."

Thèse sous la direction de Jean-François TETU, Université Lyon 2, Médias-identités.

L'objectif de cette recherche est de comprendre quelles représentations politiques, sociales et culturelles ont été mobilisées par les médias autour des actes de violence et de torture perpétrés pendant la guerre d'Algérie.
L'élément primordial qui a conduit ce travail est l'immanence de la violence, à la fois physique, politique et symbolique ; aussi bien sur le terrain des affrontements que dans la bataille institutionnelle qui se joue dans les années cinquante et que dans les réactions engendrées par la seule idée de l'accès à l'indépendance de l'Algérie. Il nous semble qu'il y a en effet des enjeux forts derrière la question des médias et de leur traitement de la violence en temps de guerre. Le discours médiatique est porteur d'enjeux et de symboles très importants dans l'espace public. Pour les journaux, se pose alors la question de comment traiter et rendre compte d'une violence quotidienne sur le terrain des affrontements, comment dénoncer ou ne pas dénoncer la torture, comment traiter la question du fait colonial et quelle posture idéologique adopter face au colonialisme et aux revendications d'indépendance du FLN ? Comment représenter la réalité de la société en Algérie ? Comment enfin rendre compte du discours et de l'action de l'Etat, de l'armée durant ces « événements » ? La violence de l'Etat en démocratie, telle qu'elle est définie par le droit, est en tension avec les mesures d'exceptions appliquées durant toute la guerre d'Algérie. L'Etat étant responsable des violences physiques, il s'expose, si celles-ci sont révélées, à une contestation forte au sein de la société civile. Ces contestations affaiblissent l'Etat ; qui a donc intérêt à dissimuler la réalité des violences et à faire taire les contestataires. Pour cela, il prend entre autres des mesures de censure par rapport à la presse et aux publications. Dès lors, peut s'installer un silence autour des questions de la violence et des tortures.
Les médias, pour leur part, participent à la cohésion du lien social, ils sont "L'un des lieux essentiels où le pouvoir social concrétise, par la parole, par le symbole, sa propre définition du social, qu'il l'explicite : par leur intermédiaire, la connaissance que la société se donne d'elle-même lui est retournée, la représentation lui revient et devient partie de sa réalité, elle contribue à la transformer." Les journaux français des années cinquante hésitent à remettre en cause l'autorité de l'Etat. S'ils le font la gestion de l'opinion publique peut devenir plus délicate pour l'Etat fragilisé. Les médias intègrent donc plus ou moins cette contrainte dans leur discours et il est intéressant d'observer sur quelles bases idéologiques et référentielles ils s'autocensurent ou pas. L'enjeu de ce sujet se situe donc pleinement dans une triple relation presse écrite, Etat et société civile.

Le corpus est constitué de trois quotidiens nationaux, Le Monde, Le Figaro, L'Humanité et de deux hebdomadaires, L'Express et France Observateur.
Les trois quotidiens permettent de mener une analyse complète sur le déroulement de la guerre d'Algérie. Cette guerre ayant duré huit ans, il semble indispensable de pouvoir saisir dans l'analyse, à la fois un temps court, celui de l'événement au jour le jour, mais aussi un temps long, celui de l'enlisement de ce conflit, des changements politiques qu'il a entraînés, des luttes idéologiques qu'il a suscitées. A travers Le Monde, L'Humanité et Le Figaro, il s'agit d'une presse intellectuelle et d'opinion et d'un spectre représentatif d'une opinion française « éclairée » de ces années cinquante et soixante.
Les deux hebdomadaires ont été choisis car leur temporalité est différente du journal quotidien, on trouve donc des articles plus longs qui tentent de revenir de façon plus distancée sur les événements, c'est une autre mise en récit de l'événement. Il s'agit ici de deux hebdomadaires sélectionnés pour le rôle qu'ils ont joué dans le traitement et la dénonciation de la torture tout au long de la guerre d'Algérie. Ils témoignent d'une opinion engagée contre la guerre d'Algérie, contre la décolonisation, ils incarnent le mouvement tiers-mondiste qui émerge dans ce contexte de décolonisation et de guerre froide propre aux années cinquante.
Les journalistes de L'Express et France Observateur refusent le journalisme de parti mais pas celui des idées, fondé sur la vérité de l'information. L'étude de ces deux hebdomadaires plongés dans la guerre d'Algérie permet d'appréhender la façon dont ils se sont engagés, au nom de quoi, et ce que cela nous apprend sur les mentalités, les représentations les prismes, les paradigmes de pensées de l'époque.
Le choix de ce corpus permet donc de rendre sensible un spectre assez large des représentations françaises intellectuelles mobilisées quant à cette guerre d'Algérie et les actes de violence dont elle est accompagnée.
Enfin, l'objectif de ce travail se situe dans une perspective comparatiste des représentations construites par l'ensemble des journaux.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Etude-des-discours-de-presse.html