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Atelier doctoral 2005

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Alexandre Borrell (univ. d’Orléans) : "A la recherche du « problème des banlieues » dans les bases documentaires de l’Inathèque de France"

Thèse en cours sous la direction du Professeur Jean Garrigues (université d’Orléans) : le journal télévisé de 20 heures et la construction d’une question de société : le « problème des banlieues », des années soixante à 2002.

Chacun possède une vision personnelle de la « question des banlieues », nourrie de son expérience propre et de représentations médiatiques (images, événements, lieux…). Pour autant, il est difficile d'en donner une définition précise, à tel point que les vocables pour la désigner se bousculent : « « quartiers/banlieues sensibles », « quartiers difficiles », « cités », « grands ensembles »… et qu'on peine à trouver les critères urbains ou sociaux qui permettraient de dessiner les contours précis du « problème des banlieues ». Travaillant à une histoire des représentations, on entend étudier ce qu'en dit et en montre le média étudié, en l'occurrence le journal de 20h des deux premières chaînes hertziennes de télévision.

Afin de mieux analyser les évolutions des représentations à l'œuvre on a évité le travail par sondage pour privilégier l'étude intégrale sur un temps long. Cependant, il est matériellement impossible de visionner l'ensemble des journaux télévisés. L'Inathèque de France met à disposition des chercheurs l'interface hyperbase pour interroger les deux bases documentaires d'archives de la télévision qu'elle offre à la consultation. Il a donc fallu mettre au point une méthode permettant de trouver dans ces deux bases les reportages relevant de notre objet de recherche et ainsi réunir un corpus cohérent et fidèle à la production d'information. C'est cette recherche qu'on présente ici.

La recherche dans ces bases est étroitement liée aux objectifs qu'on leur assigne et à leurs modes de production. Il a donc d'abord fallu, par apprentissage progressif, discussion avec les documentalistes et lecture de la littérature grise disponible, comprendre les modes d'élaboration de cet outil de recherche. La base « archives », d'abord à visée professionnelle, rassemble plusieurs fonds constitués à la RTF-ORTF puis à l'INA pour permettre de retrouver des images d'archives en vue de leur réutilisation. Pour cette raison, les notices comportent avant tout des notations d'ordre visuel (description de plans, d'objets et de lieux visibles) qui portent d'abord sur des émissions d'actualité. On passe de fiches manuelles à un système semi-informatisé à partir de 1975, et à une base de données en tant que telle à partir de 1985, avec une indexation par mots clés beaucoup plus développée. L'INA reçoit en 1992 la mission d'assurer la création, la conservation et la consultation des programmes relevant du dépôt légal de la radio-télévision. Pour ces raisons, une nouvelle base, dite « base dépôt légal », est mise en œuvre à partir du 1er janvier 1995. Les documentalistes de l'INA renseignent donc une nouvelle base, qui s'attache plus au contenu même des reportages et propose l'indexation de plus en plus détaillée d'une édition par chaîne et par jour (le JT de 20h pour TF1 et France 2).

Une première étape a consisté à utiliser les descripteurs, mots clés mis en œuvre par les documentalistes pour indexer les documents. Les premières recherches, intuitives, ont permis d'établir une liste de descripteurs (« banlieue(s) », « grand(s) ensemble(s) »…). Mais les résultats étaient lacunaires, notamment parce que tous les reportages de la base « archive » ne s'étaient pas vu attribuer de descripteurs et que la nature floue et évolutive de notre objet de recherche empêchait l'usage systématique des mêmes mots clés. On a donc élargi la recherche à d'autres champs renseignés dans les deux bases, à savoir les titres donnés aux reportages par les rédactions et les résumés de la main des documentalistes, en privilégiant les mots décrivant les éléments visuels (« HLM », « tour »…). Un premier tri de pertinence, pour évacuer le bruit lié à la polysémie de certains termes utilisés, a retenu environ 2800 reportages des 9000 obtenus par cette recherche.

Mais certains documents, trouvés par d'autres voix, n'apparaissaient pas dans ces résultats. On a donc convenu d'exploiter ceux-ci pour établir la liste des communes qui y étaient évoquées au moins à deux reprises, la localisation communale étant l'un des éléments les mieux renseignés dans les deux bases. 207 des 335 communes évoquées étaient concernées, pour lesquelles on a cherché tous les reportages les évoquant. La comparaison des résultats obtenus pour chaque commune, de sa taille et de sa situation spatiale (ville centre/périphérique/de la banlieue parisienne) a permis d'établir une typologie sur laquelle on s'est basé pour finalement retenir tous les reportages pour les villes de banlieue – qu'il s'agisse de villes de banlieue “typiques†(Sartrouville) ou qu'on les évoque aussi sous d'autres angles (Montreuil) – et seulement les reportages pertinents pour les grandes villes, soit au total 7800 occurrences.

Le déplacement de la borne chronologique ultime de notre étude d'une date arbitraire (31 décembre 1999), liée au moment où le sujet avait été délimité, à une date plus pertinente (fin de l'été 2002, pour inclure les mois précédant la campagne présidentielle de 2002 et ceux qui ont suivi l'élection), a gonflé encore de 800 reportages notre base de données, la portant à 8600 documents.

Il est évidemment impossible de raisonner en volumes généraux et de faire des statistiques globales sur un corpus qui rassemble des reportages de types divers (de la brève sans image au long reportage), sur des thèmes et des modes narratifs variés (du compte-rendu de fait divers à l'enquête à visée sociologique sur tel élément de la question). D'autant que les bases interrogeables à l'Inathèque ont leurs propres limites : validité relative de l'indexation et des résumés proposés, augmentation de la quantité d'éléments du JT indexés, lacunes dans les bases de données (qu'il s'agisse de l'absence de résumé et/ou de descripteurs ou de l'absence pure et simple de fiches, notamment pour le 20h de la 2e chaîne pendant ses trois premières années d'existence). De fait, le corpus rassemblé n'est pas le reflet exact des discours produits dans les JT sur les « banlieues ».

Pour autant, les fiches documentaires des bases « archive » et « dépôt légal » nous semblent être de précieuses sources secondaires, en particulier devant l'impossibilité matérielle de visionner certains reportages. Il est certes impossible de dater ces documents (la base est complétée régulièrement, et donc en réécriture permanente) et d'en connaître les auteurs. Mais une bonne connaissance de leurs modes de productions et de leurs rôles et la conscience de leurs lacunes doivent permettre de les considérer pour eux-mêmes, comme des documents de seconde main précieux à l'étude des contenus de la télévision.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/A-la-recherche-du-probleme-des.html