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Séminaire "Identités numériques", 19 février 2013

Enjeux socio-politiques de la recherche d’information sur Internet

Dominique Cardon, Laboratoire SENSE, Orange Labs « D’une métrique des documents aux métriques des personnes : le PageRank et le web social » Dans cette communication, on proposera une réflexion sur les propriétés organisationnelles, et notamment algorithmiques, de l’espace public numérique. Le web que nous connaissons ne serait pas le même s’il n’avait pas été profondément nourrie, domestiquée et organisée par l’algorithme qui le classe. L’organisation du web par les métriques de classement ne cesse d’interagir avec la forme des énonciations dont le web fait document. C’est parce que ces documents s’adressent entre eux des liens de reconnaissance que la métrique du PageRank a pu construire une représentation de l’information proche de celles qui prévalaient dans l’espace public traditionnel. Cependant, la domination du PageRank sur l’ordre du web apparaît aujourd’hui de plus en plus fragile. S’appuyant sur une conception de la qualité des documents, inspirée par les métriques d’autorité issues de la communauté scientifique, il se voit concurrencé par la multiplication des classements affinitaires personnalisés, comme le « Fil d’actualité » (newsfeed) de Facebook ou la « Chronologie » (timeline) de Twitter, lesquels deviennent, pour certains internautes, la principale porte d’entrée vers les informations. Le web documentaire et le web des réseaux sociaux sont en effet en train de définir deux écosystèmes différents. La diversification des usages, et notamment le tournant conversationnel des réseaux sociaux, a guidé les internautes vers d’autres modes de navigation, de signalement et d’exposition aux informations qui n’empruntent pas le chemin des moteurs de recherche, mais celui des réseaux d’affinités qu’à construits l’internaute pour personnaliser les informations qui viennent vers lui.

Pour analyser ce qui constitue le cœur de cette compétition, on propose d’explorer ensemble le fonctionnement des algorithmes et les formats d’énonciation empruntés par les internautes. A travers les procédures de calcul qu’elles mettent en œuvre, les métriques de classement de l’information sculptent les formats d’énonciation d’une manière qui leur est propre. Elles prennent appui sur un ensemble choisi de signes extraits des pages du web tout en en écartant d’autres. Elles déploient une manière spécifique de leur donner du sens à travers les calculs qu’elles opèrent. Elles les hiérarchisent, les rendent visibles et les mettent en circulation en visant des types de réceptions différentes. De façon performative, les métriques du web contribuent à dessiner un format propre qui s’impose aux énonciations des internautes. Elles bâtissent un écosystème de publication qui imprime sa marque jusque dans leurs stratégies d’écriture. Mais, en même temps, l’incessante activité expressive des internautes dont les usages ne cessent de déborder, de contourner et de jouer avec la grille de calculs que les algorithmes superposent à leurs activités exerce aussi des pressions invitant les acteurs du web à adapter leurs algorithmes aux nouveaux usages ou à inventer d’autres familles de services. C’est précisément ce jeu d’interactions entre dire et dits, d’une part, métrique d’affinité et métrique d’autorité, d’autre part, que l’on voudrait explorer ici en articulant étroitement la forme des énonciations au fonctionnement des artefacts qui les mesure tout en les conditionnant.

Hervé le Crosnier, Université de Caen, ISCC « Trier ou être trié, il faut choisir son algorithme » L’usage des moteurs de recherche, et les succès que nous leurs attribuons, nous font souvent oublier qu’il s’agit de structures sociales et communicationnelles. Au chapitre social, il y a l’exploitation du graphe documentaire posé sur la toile par les producteurs d’information, et qui se matérialise par les liens et la folksonomie (tags). Pour le reste, c’est l’existence d’un marché double face, dans lequel la structure médiante vend l’attention et le travail (intellectuel) de l’usager auprès des annonceurs.

Du monde des médias, le web a hérité d’une forte concurrence entre annonceurs, prêts à tout pour toucher leur cÅ“ur de cible. Quitte à oublier l’indépendance professionnelle du documentaliste pour lui substituer la manipulation du « search engine optimization ».

Dès lors se met en place une "industrie de l’influence » sans commune mesure avec les formes antérieures de pression médiatique et publicitaire. Il s’agit de mieux connaître l’usager, et notamment d’anticiper sur les zones de sa personnalité qui peuvent devenir autant de failles pour des influences adaptées. C’est bien une question éthique qui est en jeu : en devenant calculable, l’individu devient une « production d’influençabilité » que l’on peut revendre sur le grand marché de l’influence. Quand on connaît l’impact des méthodes artisanales du XXe siècle sur les mouvements des foules et les passions collectives, on peut redouter celui de médias de persuasion qui sauraient traiter chacun selon un modèle d’influence qui lui serait propre.

Informations pratiques

Le séminaire est ouvert à toute personne intéressée par les enjeux associés aux identités numériques - chercheurs, praticiens, enseignants, militants... - et désireuse de s’enrichir des différentes approches de cet objet complexe !

Inscription gratuite mais demandée pour des raisons d’organisation auprès de Alexandre Coutant et Thomas Stenger.

Mardi 19 février 2013, 14h à 16 h

Maison des sciences de la communication et de l’interdisciplinarité (MSCI) 20 rue Berbier-du-Mets, Paris 13e Métro 7 ou bus 27, 47, 83, 91, « Les Gobelins »

Citer cet article : https://www.histoiredesmedias.com/Seminaire-Identites-numeriques-19.html