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Colloque international « Genre et diversité : les enjeux de la représentativité dans les médias », organisé par le Réseau Théophraste, Dakar (29-30 novembre 2014)

A l’occasion de son 20ème anniversaire, le réseau Théophraste organise un colloque international sur le genre et la diversité en association avec le Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI), et avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie. La manifestation se tiendra en marge du XVe Sommet de la Francophonie, les 29 et 30 novembre 2014, à Dakar.

Argumentaire
Depuis quelques décennies, les médias de masse ont acquis un important pouvoir, à la fois réel et symbolique, pour rendre compte de la « réalité du monde ». Producteurs de discours et d’images, de sens et de significations qui nous sont quotidiennement renvoyés au moyen d’innombrables technologies d’information et de communication, ils ont un apport crucial dans l’appréhension que la société, dans son ensemble, se fait de la réalité sociale. En même temps que des faits, les médias véhiculent ainsi des opinions implicites qui nous permettent de nous représenter les différends et les différences, notamment en ce qui concerne les questions de genre et de diversité. Ces représentations participent au fonctionnement de la pensée sociale. Leur importance est majeure car elles fournissent des grilles de décodage, d’interprétation et d’explication de la réalité.
De même, les représentations qui concernent les femmes sont construites et reconstruites par les moyens de communication de masse. Les médias ne fonctionnent pas sans un quelconque rattachement à la vie sociale ; pour faire sens, ils doivent forcément se nourrir de représentations qui débordent de la sphère médiatique elle-même.
Que l’on soit tenté ou non de penser que les médias de masse constituent aujourd’hui une matrice quasi autoréférentielle, nous sommes obligés d’admettre d’emblée que, pour produire de l’information, créer la nouvelle et ainsi assurer leur propre fonctionnement et reproduction, ces médias doivent nécessairement se nourrir de représentations sociales, mentales ou institutionnelles (politiques, scientifiques, etc.) qui ont une certaine substance, consistance, stabilité et permanence dans la société.
Des représentations qui ont une histoire sociale, culturelle, politique voire civilisationnelle.
Les femmes sont beaucoup moins visibles que les hommes dans les médias d’information. Lorsqu’elles sont interviewées, elles le sont principalement en qualité de mères, de simples témoins ou de victimes. Sur la scène médiatique, les rôles de l’expert, de l’intellectuel ou du professionnel restent largement préemptés par les hommes. Comme le soulignent Michel Reiser et Brigitte Gésy, « les représentation symboliques stéréotypées, qui s’inscrivent dans nos têtes par le biais de médias constituent bien après le droit, la morale et la politique, la dernière frontière de l’inégalité » (voir le Rapport sur les femmes dans les médias, présenté par la Commission de réflexion sur l’image des femmes dans les médias, France 2008). Ainsi, tout système de représentation est aussi un système de valeurs. Il est important de souligner que les représentations ne sont pas le reflet de l’état de la réalité mais donnent à voir sa mise en forme visant à expliciter un ordre établi et à le légitimer.
Par ailleurs, les médias ont un impact significatif sur la représentation publique des identités et des inégalités sociales. Ils contribuent à rendre plus vulnérables et sujets à discriminations certains groupes. Ils fonctionnent souvent comme des miroirs biaisés, incapables de refléter de façon juste et réaliste la diversité sociale et culturelle de nos sociétés. La diversité est présentée à la fois comme état de nos sociétés et comme valeur à promouvoir dans différents espaces politiques, culturels, éducatifs, etc. Si l’expression est figée, elle est en revanche particulièrement polysémique. La notion de diversité renvoie, au-delà des dimensions différentes, au pluralisme de l’information. La diversité peut ainsi renvoyer à celle des points de vue, des formats ou des thèmes abordés. L’idée sous-jacente est que les médias doivent être capables de répliquer la société dans toute sa diversité, d’en faire un reflet plus ou moins fidèle du social.
Il s’agira ici de voir en quoi la construction médiatique de la « diversité » porte sur des représentations et des rapports que la machine médiatique entretient avec la société. Qu’en est-il de l’analyse du genre dans les médias et de leur rapport aux idéologies et aux pratiques hégémoniques : en termes de résistance face aux représentations dominantes, de possibilité d’expression des femmes, et d’accessibilité au travail journalistique. Enfin, il existe des liens ténus entre la qualité de l’information et le bon fonctionnement démocratique. La diversité de l’information est ici associée à l’idée de qualité, la première renvoyant davantage aux dimensions politiques, alors que la seconde a une dimension éthique. Dès lors, la diversité est un élément essentiel de la démocratie, en relation avec la promotion d’une pluralité de voix, de faits et d’opinions au sein de la sphère publique. Autant d’éléments qui sont nécessaires au droit du public à l’information comme à la réalisation de choix sociaux et politiques informés.

Objectifs
Ce colloque international se veut interdisciplinaire, et entend soulever les différents problèmes que posent le genre et de la diversité comme catégories d’analyse des médias. Il s’agit de l’analyse de la dialectique entre la société et des médias qui, par leurs caractères descriptifs et prescriptifs, ne se contentent pas de refléter le réel, mais contribuent à sa fabrication. Ce colloque aura une double ambition : mieux appréhender le fonctionnement des entreprises et des dispositifs médiatiques contemporains d’une part, et chercher d’autre part à comprendre les nouvelles formes d’interdépendance qui lient l’univers médiatique aux autres espaces sociaux dans un contexte démocratique. L’enjeu est alors de saisir ce que les logiques de la représentation et de la représentativité font à la démocratie et également ce que les logiques de la vie démocratique font aux médias.
En définitive, le postulat autour duquel s’articule ce colloque est celui de savoir comment nos interrogations actuelles sur la construction des identités de genre et la diversité structurent ou renouvellent l’analyse du champ médiatique. Les médias fabriquent-ils le genre et la diversité ? Quelles représentations du masculin, du féminin voire de la diversité sont à l’oeuvre dans les médias ? Contribuent-ils à forger ou à faire évoluer des modèles et des normes du genre ? Y a-t-il une législation et des politiques médiatiques par rapport au genre et à la diversité, ? Quels sont leurs impacts ? Autant de questions qui peuvent servir de base aux réflexions sur les messages médiatiques sous leurs différentes formes – discursive, iconique – et la constitution ou la structuration de la profession journalistique dans une perspective de la diversité.
Il est de la responsabilité des écoles de journalisme, qui forment les journalistes de demain, de montrer que la représentation des diversités de la société est fondamentale : diversités culturelle et linguistique, diversité des segments de la société, autant de composantes à prendre en compte dans le traitement de l’information et dans la formation des journalistes. Ce à quoi va s’atteler le Réseau Théophraste, à l’occasion de son 20e anniversaire et particulièrement dans le cadre du XVe Sommet de la Francophonie, à Dakar, dont le titre générique porte sur les femmes et les jeunes.

Axes de réflexion
La légitimité toute relative des questions sociales s’adossant au genre et à la diversité se fonde sur deux présupposés. Le premier montre que l’exclusion médiatique des femmes révèle et renforce leur exclusion symbolique et sociale. Le second présupposé, qui fonde la question sociale de la représentation des femmes, est celui qui attribue aux médias la fonction de refléter la société et de contribuer à la cohésion sociale.
Il devient essentiel de réexaminer dans une perspective critique les concepts de genre et de diversité dans leurs rapports aux médias. Il s’agira principalement de décrypter les modalités de la représentation et de l’expression du genre et de la diversité à travers l’analyse des modes de catégorisation, des performances, des traces (ou l’absence de traces) corporelles dans les différents dispositifs médiatiques. L’analyse des médias au prisme du genre et de la diversité fera appel non seulement aux sciences de l’information et de la communication (analyse linguistique, analyse de discours, analyse sémiotique, analyse sociologiques des représentations), mais aussi à des disciplines connexes (histoire, sociologie, science politique, etc.). Les communications seront adossées aux axes suivants :

Axe 1 : Les représentations médiatiques du genre.
On a reconnu depuis longtemps le caractère socialement construit du genre mais on trouve peu de recherches sur la performativité du genre en lien avec les représentations médiatiques des femmes. Dans les années 1960, les féministes accusaient les médias de conforter la domination masculine et la société patriarcale en maintenant les femmes dans des jeux de rôles convenus. Cinquante ans plus tard, si l’étau des assignations du genre s’est resserré, la place des médias dans la socialisation des individus s’est affirmée, rendant leur analyse plus que jamais nécessaire. Dans la mesure où la représentation médiatique des hommes et des femmes s’ancre sur des stéréotypes de genre ne correspondant ni aux pratiques sociales, ni aux définitions scientifiques et juridiques qui leur sont concomitantes, on peut parler d’une assignation de genre. Les médias font circuler des représentations des sexes. Ils constituent également un lieu très important de la redéfinition de cette différence. Ils favorisent de même les constructions identitaires, les identifications sociales et politiques, proposent des codes de déchiffrement du monde, fournissent des modèles de vie au quotidien, introduisent de nouvelles valeurs et de nouvelles formes culturelles et artistiques. Enfin, ces médias diffusent aussi des préjugés, des résistances aux transformations. Une littérature fournie nous renseigne sur les représentations stéréotypées des femmes dans les médias de masse. Nombre d’auteurs, proches des courants marxistes et des courants féministes, ont dénoncé une instrumentalisation des rapports sociaux de sexe à des fins marchandes, par une mise en scène stéréotypée des identités sexuelles (femme-objet). Comment les médias parlent-ils des hommes, des femmes, du masculin et du féminin ? Quels cadrages ou constructions médiatiques sur le genre ? Quel(s) corps normé(s) trouve-t-on dans les médias ? Quel rôle joue l’assignation du genre dans les médias et quels sont les impacts socio-politiques et culturels d’une telle représentation ?

Axe 2 : Diversité et pluralisme dans les médias
La « diversité » est une expression qui bénéficie d’une forte publicisation depuis quelques années. Dès lors, il n’est pas déraisonnable de demander que les médias reflètent la diversité de la société, afin de remplir leur mission ou fonction démocratique. La diversité sociale a de nombreuses facettes : le sexe, l’âge, la race, l’appartenance ethnique, la caste, la langue, les convictions religieuses, les aptitudes physiques, l’orientation sexuelle, les revenus, la classe sociale, etc. Les médias peuvent façonner de manière considérable l’expérience de la diversité au sein de la société. Ils peuvent faire part des préoccupations de chaque groupe de la société. Les médias permettent également à chaque groupe de gagner en visibilité et de se faire entendre. Cependant, ils peuvent aussi susciter la méfiance et la peur, accentuer la discrimination et les stéréotypes, attiser les tensions linguistiques et certains groupes de prendre part au débat public. Quelle doit être l’implication des médias en faveur de la diversité ? Existe-il une régulation des médias concernant la représentation des minorités visibles ou non ?

Axe 3 : Le genre et la diversité dans les politiques publiques des médias.
Si le constat de la place croissante des femmes dans les médias est largement partagé, l’analyse des politiques publiques du genre et de la diversité mérite d’être approfondie ainsi que leurs effets et leurs enjeux dans la production journalistique. Il existe des engagements du genre aux plans régional et international. Il y a eu, en fonction des pays et des aires géographiques un important développement des politiques en faveur des femmes, en rapport avec leurs droits et en réponse à une certaine marginalisation. C’est tout le sens des politiques du genre qui, à l’instar des politiques générales des médias en matière de genre et de diversité, sont formulées dans les instances dirigeantes, par les responsables de la ligne éditoriale. Principalement, ces politiques de genre sont destinées à protéger les droits des femmes au sein des médias, mais aussi à veiller à ce que l’image de la femme à travers les productions journalistiques soit représentée de façon positive. Plusieurs études indiquent que, dans les médias dominants, les femmes travaillent majoritairement dans des domaines informationnels considérés comme une extension de leurs responsabilités domestiques et du rôle qui leur est socialement assigné, dans la mesure où leur visibilité est surtout importante dans les thématiques sociales, la santé, l’éducation, etc. Les thématiques phares que sont la politique, l’économie ou la science sont celles où l’on donne moins à voir les femmes. L’accès à la profession et la féminisation du métier de journaliste permettent-ils d’enrayer les phénomènes de distribution des thématiques en rapport avec le sexe, spécialités et compétences journalistiques ? Est-ce qu’il existe des politiques du genre dans les médias ou organes de régulation et comment ces politiques sont-elles formulées ? Les médias ont-ils mis en place une politique de genre ou appliquent-ils une politique éditoriale sur le genre et la diversité ? Quel est le rôle des organes de régulation et d’autorégulation dans cette application de la législation et des politiques médiatiques du genre ? Quelles sont les modalités pratiques d’incorporation du genre et de la diversité dans les organisations médiatiques ?

Références bibliographiques
BLANDIN, Claire et MÉADEL, Cécile (dir.), 2009, « Dossier : la cause des femmes », Le temps des médias, N° 12, pp. 6-186.
BOSSHART, Louis, 1991, « Femmes et médias », Fribourg, Université de Fribourg, 194 p. (Communications sociales, Cahiers de travaux pratiques ; 24)
COULOMB-GUILLY, Marlène, 2010, (dir.), « Les médias : la fabrique du genre », Revue Science de la société, n° 83, pp. 45-67.
HERNE, Claude, 1993, La définition sociale de la femme dans la publicité, Paris, L’Harmattan, 214 p.
LAVOISIER, Bénédicte, 1978, Mon corps, ton corps, leurs corps : le corps dans la publicité, Paris : Seghers, 255 p. NEVEU, Eric, 2000, « Le genre du journalisme. Des ambivalences de la féminisation d’une profession », Politix, vol.13, N° 51, pp. 179-212.

Appel à communications
Les chercheurs intéressés à participer à ce colloque international francophone doivent faire parvenir un résumé de 300 à 500 mots exposant leur problématique, leur méthodologie et, le cas échéant, les résultats anticipés.
Il faut faire parvenir les titre et résumé de leur communication à l’attention de Marc-François Bernier (mbernier@uottawa.ca), avant le 1er mai 2014.
Une réponse sera donnée au plus tard le 16 juin 2014 par le comité scientifique, après un processus de lecture en double aveugle. Veuillez indiquer votre nom dans le sujet de votre message, et vos autres références (affiliation, université ou institution, adresse électronique, numéro de téléphone et titre de communication) dans le corps de votre message.

Citer cet article : https://www.histoiredesmedias.com/Colloque-international-Genre-et.html

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