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Appel àcontributions pour le Temps des Médias "Amour, toujours Du Cantique des Cantiques … àMeetic", n° 19 (automne 2012).

« Enfant de Bohème » ou dans la version de Georges Perec, « petit anarchiste tchèque en 5 lettres », l’amour semble insaisissable, par définition. Elégiaque, platonique, charnel, spirituel, bestial, conjugal, adultère, maternel, divin, fraternel, filial, hétérosexuel, homosexuel, voire queer : toutes ces variantes, dont la liste est loin d’être exhaustive, suggèrent la diversité infinie des figures de l’attachement, suivant, par exemple, l’identité des personnes concernées, le statut juridique et social de leur relation, la nature et la qualité de leurs liens affectifs, ou les transpositions symboliques suscitées.

L’étude n’est pas neuve des formes et des mouvements littéraires voués à l’amour, qu’il s’agisse de l’invention de l’amour passion sous l’essor du roman courtois médiéval (de Rougemont, 1939), du néoplatonisme des épigones de Pétrarque (Vianey, 1969), de l’exploration de la carte du Tendre par les Précieuses (Dufour-Maître, 1999), ou encore, plus récemment, de l’histoire des romans d’amour de Pierre Lepape (2011). De même, au moins depuis Jean-Louis Flandrin (1975, 1981, 1983), des historiens se sont-ils penchés sur les pratiques et les discours de l’amour, notamment sur l’éducation sentimentale de la jeunesse au XIXème siècle (Houbre, 1997), et les comportements sexuels taxés de déviance (Corbin, 1978 ; Rossiaud, 1988 ; Tamagne, 2000). Depuis l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault (1976-1984), c’est dans l’ensemble des sciences humaines que l’accent a été mis, au demeurant, sur la dimension socialement et culturellement construite des émotions et des sentiments. Reste que les liens entre amour et médias ont été, jusqu’à présent, assez peu investigués. Dans L’esprit du temps (1962, note p. 141-148), Edgar Morin souligne le rôle des médias, de la publicité et du cinéma, en particulier, dans la promotion de l’« amour », « thème obsessionnel de la culture de masse » : encensé comme idéal et moyen de l’épanouissement individuel, l’amour serait devenu une valeur « qui fait vendre », associée à des images de famille idéale, de beauté, de jeunesse… et d’argent. Cette analyse porte sur la société d’après-guerre, mais le procès d’une instrumentation de l’amour par les médias est en réalité aussi vieux que les médias de masse : dès le XIXème siècle, on s’offusque de l’utilisation de la thématique amoureuse pour faire vendre du papier journal ou du roman à grand tirage, d’autant que cette utilisation est souvent jugée contraire au maintien des bonnes mÅ“urs.

L’objectif premier de ce dossier du Temps des Médias (n°19) sera donc de sonder ces affinités supposées entre amour et médias et d’interroger la normativité qui leur semble inhérente : l’amour dans les médias renvoie souvent, en effet, à une représentation des rôles masculins et féminins conforme à la norme hétérosexuelle, voire sexiste. Il semble pourtant difficile de statuer sur un éventuel rôle prescripteur des médias dans l’évolution des mÅ“urs : oscillant entre un rappel des conventions sociales et l’exaltation du bonheur individuel, ceux d’entre eux qui n’hésitent pas à afficher un rôle pédagogique sont-ils plutôt porteurs d’une idéologie émancipatrice ou conservatrice ?

Loin de vouloir faire triompher une conception de l’amour sur toutes les autres, il s’agira, dans ce dossier, de faire droit à la diversité des amours et surtout de mettre au jour les relations complexes entre certains discours et/ou comportements amoureux, d’une part, et les transformations, au fil de l’histoire, des genres, modèles, institutions et publics médiatiques, d’autre part.

Une attention toute particulière sera portée, bien entendu, aux « médias de l’amour », ceux, autrement dit, qui lui sont spécifiquement consacrés : on pense notamment aux romans roses (Constans, 1999), dont les usages ont été examinés par Janice Radway (1984), aux romans photos (Giet, 1997), aux films sentimentaux ou, à la télévision, aux soap operas états-uniens et aux novelas d’Amérique latine. Plus récemment, des messageries tout aussi « roses » et des sites de rencontre mettent en Å“uvre une communication « horizontale » et une interactivité dont les prémices se trouvent dans le courrier du cÅ“ur de revues où les lecteurs – lectrices pour la plupart – sont invité(e)s à se mettre en relation et à échanger points de vue et expériences personnelles.

D’une façon plus générale, il s’agira d’aider à comprendre ce que des médias – spécialisés ou non – peuvent faire à l’amour : comment ils le décrivent, l’exaltent ou, à l’inverse, l’encadrent voire combattent certaines de ses formes, comme en témoigne, hier comme aujourd’hui, la lutte de certains organes de presse pour promouvoir la chasteté. Du côté de la réception, on pourra aussi analyser comment certains médias sont mis à profit dans l’apprentissage des codes amoureux, ainsi que l’avait montré Dominique Pasquier (1999) à propos du succès, chez les 7-12 ans, des séries « collège » d’AB Productions.

D’une longueur de 35000 signes maximum (espaces compris), les contributions pourront donc :

- soit étudier comment un média spécifique défend une certaine acception de l’amour. Il faudra alors dégager les enjeux (sociaux, moraux ou politiques), les usages ou les effets avérés de ce type de discours amoureux, afin de dépasser le stade de l’approche descriptive du type « La représentation de l’amour dans … ». On peut également concevoir de montrer comment une évolution des comportements amoureux a pu donner naissance à des genres ou organisations médiatiques spécifiques : les liens entre la libération sexuelle et l’essor de la presse de charme aux Etats-Unis, sous l’impulsion de Hugh Hefner ou Larry Flint, ou en France par l’entremise de Daniel Filipacchi, mériteraient à ce titre d’être creusés, entre autres pistes.

- soit, en élargissant le champ de l’analyse, mettre en évidence la circulation, synchronique ou diachronique, de personnages emblématiques, de formes de récits typiques ou encore de conceptions cardinales de l’amour, d’un média à l’autre.

Ces contributions devront être adressées à Jamil Dakhlia (jamil.dakhlia@univ-nancy2.fr) et Géraldine Poels (geraldine.poels@gmail.com) avant le 15 avril 2012.

Elles seront ensuite évaluées anonymement par le comité de rédaction de la revue ainsi que par des experts extérieurs. Les propositions retenues devront ensuite être corrigées par leurs auteurs et renvoyées aux deux responsables du dossier pour le 1er juin 2012 au plus tard.

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Citer cet article : https://www.histoiredesmedias.com/Appel-a-contributions-pour-le.html

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