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Appel à contributions, « S’engager sur Internet  », revue Politiques de communication
Date limite : 15 mai 2014
Le développement des outils numériques et plus particulièrement d’internet s’accompagne de nombreuses promesses en termes de renouvellement des possibilités de communication dans différents domaines et notamment en politique. Le web grâce à son architecture orientée vers l’interaction et l’exposition de soi (Cardon, 2010) serait susceptible de créer les conditions favorables pour le dialogue et le partage d’informations. Pour les plus optimistes, sa structure réticulaire permettrait de faire tomber certaines barrières qui traditionnellement freinent l’engagement politique (spatiales et temporelles par exemple), ce qui permettrait à un public élargi de s’exprimer et de s’engager en politique (Castells, 2002). Le concept même de « participation » serait amené à évoluer pour intégrer des dimensions dites « expressivistes » (Monnoyer-Smith, 2011) et favoriser l’apparition de communautés thématiques, susceptibles de s’investir dans leurs champs de compétences. Les dispositifs traditionnels de participation du public en politique, soucieux d’assurer leur légitimité par l’inclusion d’un public toujours plus large, tentent de plus en plus d’intégrer dans leurs procédures ces outils amorçant ainsi une démarche « d’équipement de la démocratie dialogique » (Benvegnu, 2006). Le numérique est bien souvent porté par les acteurs comme un vecteur de changement, capable de donner une matérialité aux discours sur l’évolution de l’activité politique en « faisant exister » différents modèles politiques en fonction des choix techniques effectués (Wright, 2007 ; Monnoyer-Smith, 2010) et en affichant certaines valeurs, à l’image de la transparence (Noveck, 2008). Pour certains auteurs, c’est le concept même de démocratie qui serait en train d’évoluer (Dahlberg, 2011) en faisant notamment muter les formes de la relation gouvernants/gouvernés (Coleman et Shane, 2012).
Mais cette logique qui s’appuie sur les outils pour « améliorer » la mobilisation politique et renforcer sa légitimité suscite de nombreuses interrogations : quels rapports les pratiques engendrées peuvent-elles entretenir avec les formes de l’engagement politique traditionnel ? Leurs médiatisations influence-t-elle les trajectoires d’engagement des acteurs (articulation des actions en ligne et hors ligne, inclusion de nouveaux publics …) ? En effet, d’autres travaux ont souligné le risque de faire en ligne de la politique « as usual » (Wright, 2010), comme d’habitude, et de voir perdurer les mêmes inégalités de ressources entre acteurs, participant ainsi au maintien des positions des groupes dominants. Des travaux ont par exemple démontré que les participants qui investissent les dispositifs numériques sont ceux qui disposent d’un capital militant hors ligne important (Norris, 2003). L’exposition à l’information sur Internet serait même la source d’une polarisation des opinions (Sunstein, 2001) qui renforcerait la « balkanisation » de l’espace public. Les discussions entre personnes de mêmes opinions seraient facilitées, au contraire des confrontations avec la différence.
Nous proposons pourtant dans ce numéro de prendre la « démocratie électronique au sérieux » (Wojcik, 2011) et saisir ce que ce « concept valise » renferme en réalité une grande diversité de pratiques qui demande d’être analysées finement. En effet, cette même étiquette peut à la fois désigner les pratiques de vote électronique, de participation entre citoyens ou des formes du dialogue entre élus et citoyens.... Des pratiques difficilement assimilables à priori. Ce dossier souhaite s’inscrire dans le prolongement des travaux qui cherchent à dépasser la question de « l’impact » pour mieux comprendre comment Internet et les outils numériques sont mobilisés par les acteurs pour actualiser les formes de leurs engagements politiques. Il sera également l’occasion de s’émanciper de l’opposition entre « permanence » d’un côté et « rupture » de l’autre des pratiques numériques dans le champ politique. De nombreux travaux ont préalablement étudiés les ressorts de l’engagement politique (Fillieule, Mayer, 2001 ; Bargel, 2008 ; Sawicki, Siméant, 2009), et nous proposons de prolonger ces réflexions en interrogeant ce que la médiation numérique fait aux logiques de mobilisation. Est-elle parvenue à faire émerger de nouvelles formes d’engagements militants ? A activer de nouveaux publics politiques ? Dans quelle mesure sa configuration technique vient-elle contraindre les pratiques ? Quelles sont les pratiques réelles des acteurs ?
Pour suivre ces nouvelles pratiques qui naviguent entre des dimensions « en ligne » et « hors ligne », la recherche est dans l’obligation de renouveler ses cadres de pensées et ses méthodes d’analyses. Après des critiques principalement issues de la sociologie et de la science politique (Blondiaux et Cardon, 2010) les rapports complexes noués par Internet avec le fonctionnement de la démocratie ouvrent ainsi de nouveaux fronts susceptibles de mobiliser diverses disciplines des SHS. L’objectif de ce dossier est donc de faire un point sur les recherches en cours et de proposer des pistes pour mieux saisir l’évolution du concept de l’engagement en politique lorsqu’il est confronté au monde numérique.
Axes thématiques Les propositions d’article devront s’inscrire dans l’un des deux axes suivants :
Pratiques et espaces militants partisans sur Internet
Les logiques de mobilisation des publics en ligne
AXE 1 : Pratiques et espaces militants partisans sur Internet Internet a timidement fait son entrée dans le domaine politique au début des années 1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un outil indispensable en communication politique, « un obligatoire de campagne » (Lefebvre, Ethuin, 2002, p.155-177). Le succès de mybarackobama.com, outre-Atlantique, a encore renforcé l’intérêt des hommes politiques européens pour la Toile. La plupart ont désormais leur propre blog (Greffet, 2007), leur page sur Facebook (Small, 2008), leur compte Twitter (Small, 2010) pour rester visibles même hors des périodes électorales (Blanchard, 2007). Mais, il n’y a pas que les figures politiques (élus, cadres du parti) qui sont incités par l’institution partisane à utiliser Internet. Des espaces virtuels destinés spécifiquement aux militants voient le jour tels que les réseaux sociaux partisans (Coopol). Pourquoi ces réseaux émergent ces dernières années ? Quel est leur valeur ajoutée pour l’activité militante ? L’opposition Online/Offline est-elle vraiment pertinente pour saisir les enjeux de leur déploiement ? Les militants s’emparent-ils de ces outils numériques mis à disposition par l’institution partisane ? Sont-ils intégrés à des stratégies politiques plus large et si oui lesquelles ? Ces réseaux induisent-ils de « nouvelles » formes de militantisme ?
Cet axe nous invite à explorer les usages et pratiques militantes, individuelles ou collectives, et leur lien avec les stratégies de communication politique globale. En effet, les contours du militantisme sur Internet semblent subir des fluctuations : comme par exemple la dissolution des frontières entre sympathisants et militants. De nombreux sympathisants sont fortement engagés sur la Toile notamment en période de campagne électorale. Les TIC permettent-elles un renouveau de l’engagement citoyen ? Voit-on arriver une un nombre important de profanes susceptibles de renouveler la composition du personnel politique et du public « traditionnel » de la politique ? Ou au contraire ces arènes numériques sont-elles investies par des acteurs disposant d’une expertise préalable souhaitant profiter de nouveaux espaces d’expression pour faire valoir leurs intérêts ? Une réflexion sur les profils sociodémographiques ou de trajectoires des « cyber-militants/sympathisants », ou plus largement des nouveaux acteurs engagés sur le numérique, sera bienvenue.
AXE 2 : Les logiques de mobilisation des publics en ligne Les possibilités offertes aux citoyens pour s’investir en ligne sont de plus en plus nombreuses. Mais la caractérisation de ces formes d’engagement est encore largement à définir afin de saisir les opportunités offertes en termes d’actions collectives de participation politique.
En effet, l’engagement dans les arènes numériques pose à nouveaux frais un certain nombre de questions comme celle de l’empowerment du public : quel est l’impact de la médiation numérique sur la compétence politique des participants ? Les « publics faibles » sortent-ils renforcés de leur engagement via ce type d’outils ? Il semble en effet nécessaire de mieux cerner le rôle joué par l’information disponible en ligne sur la découverte de la thématique et la montée en compétence du public ainsi que les limites imposées par la manipulation des outils techniques en termes de contraintes et de literacy.
Des travaux récents ont montrés que les dispositifs renferment des principes normatifs qui contribuent à mobiliser un type de public correspondant aux attentes des concepteurs, « le bon citoyen », prêt à venir donner son avis (Coleman, 2005). La nature des outils mobilisés, dans la mesure où ils contribueraient à structurer les dynamiques d’expression, peuvent-ils favoriser l’engagement de certains types de publics ? Peut-on faire un lien entre la nature du dispositif et les dynamiques d’engagements ?
L’analyse des pratiques en ligne permet également de sortir du prisme individuel de l’engagement citoyen pour venir interroger la dimension collective des pratiques politiques en ligne, les dynamiques du « faire public » peuvent ainsi être questionnées : l’entrée dans la participation se fait-elle systématiquement par les intérêts particuliers ? Ne voit-on pas apparaître d’autres ressorts de l’engagement ? Il s’agira ici de venir questionner la pluralité de l’expérience des publics en démocratie.
Modalités d’envoi des propositions Les contributions de 60 000 signes maximums (espaces compris) devront être envoyées
pour le 15 mai 2014 à la fois à la rédaction (politiquesdecom.revue@uvsq.fr) et à l’un des coordinateurs du numéro (a.theviot@gmail.com et clement.mabi@utc.fr).
Les articles comportent un résumé en français et sa traduction en anglais. Ils sont accompagnés de cinq mots-clés et devront préciser dans quel axe ils s’inscrivent. L’auteur est invité à se conformer à la feuille de style de la revue, avant toute soumission.
On rappellera que la revue accueille tout article quel que soit l’ancrage disciplinaire de son auteur à la condition qu’il apporte des données empiriques originales, gage de production de connaissances, et engage une analyse distanciée des phénomènes observés.
Conseil scientifique Loïc Blondiaux (U. Paris 1), Eric Darras (IEP de Toulouse), Joelle Farchy (U. Paris 1), Charles Gadéa (UVSQ), Didier Georgakakis (U. Paris 1), Fabien Granjon (U. Paris 8), Pascal Lardellier (U. de Bourgogne), Chistian Le Bart (IEP de Rennes), Jean-Baptiste Legavre (U. Paris 2), Brigitte Le Grignou (U. Paris Dauphine), Erik Neveu (IEP de Rennes), Caroline Ollivier-Yaniv (U. Paris Est), Yves Poirmeur (UVSQ), Rémy Rieffel (U. Paris 2), Jean-Claude Soulages (U. Lyon 2).