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Appel àcommunications, colloque "Médias et identités : acteurs ou instruments de la construction des appartenances communautaires, ethniques et nationales ?", Bruxelles, 16-17 décembre 2013

Date limite : 30 juin 2013

Il n’y a qu’un journal, disait déjà Tocqueville en 1840, qui puisse venir déposer au même moment dans mille esprits la même pensée (626).Les médias de masse occupent, depuis qu’ils existent, une position d’acteurs, parfois d’instruments, dans les processus de formation des identités communautaires, ethniques et nationales ainsi que dans la formation des « communautés imaginées » induites généralement par les acteurs politiques aux prises avec les évolutions historiques (Anderson, 1996). Aux 19ème et 20ème siècles, les médias de masse ont notamment contribué à l’unification linguistique des Etats-nations qui se créaient. Ils ont également été mobilisés dans le cadre de stratégies de conquête et/ou de maintien au pouvoir des élites politiques qui entendaient instrumentaliser ces identités (Gazibo et Thiriot, 2009 :116 ; Brass, 1991 ; Breuilly, 1994). De ce fait, les médias contribuent activement à la formation, la cristallisation ou le renforcement des identités.

Toutefois, pour comprendre ces processus, il importe de replacer les contenus médiatiques dans leur contexte de production afin de cerner la dynamique d’ensemble, le « système » qui préside à leur émergence. Si la notion de « quatrième pouvoir » est souvent utilisée pour décrire les médias et celle d’ « indépendance » pour qualifier la profession de journaliste, il n’en reste pas moins que les journalistes sont engagés dans des réseaux d’interdépendances qui influencent leur façon de travailler, et donc l’information produite (Chupin et Nollet, 2006 : 16). Quelle est la place effective des journalistes et des médias dans la création, le renouvellement et le maintien des identités communautaires, ethniques ou nationales ? Le « pouvoir » que l’on attribue souvent aux journalistes est davantage un « pouvoir » exercé par un réseau de protagonistes qui ne se réduit en rien aux titulaires d’une carte de presse (Neveu, 2004 : 80). L’exploration des univers de production de l’information permet de mieux saisir la relation qui unit le journalisme aux sphères économiques et politiques, notamment (Maigret, 2003).

Le discours des médias sur la communauté, l’ethnie ou la nation[i] n’est jamais autonome, mais toujours une production collective qui renvoie à l’un ou l’autre réseau d’acteurs. Cette dynamique systémique peut être cernée en particulier dans la formation des « identités meurtrières », construites sur la peur d’un autre diabolisé. Ainsi, un « nous » inclusif est créé, destiné à cimenter la communauté, contre un « autre » qui est forcément exclu (Spencer, 1998 : 255-274). S’alimentant de la haine d’un autre aux contours flous ou, au contraire, très précis, le discours des médias sert les intérêts de certains leaders ou groupes en quête de légitimité ou de profit. Les effets dévastateurs que les médias peuvent alors provoquer ont été souvent observés, en particulier à travers les exemples tristement célèbres de la Télévision nationale serbe et de la Radio Télévision libre des mille collines au Rwanda (Chrétien, 1995). Les provocations relayées par ces médias se sont transformées en prédictions créatrices et ont mené à des affrontements prétendument nationaux ou ethniques.

Si les effets directs des médias restent difficiles à observer (Van Dijk, 1991 : 226-227), le contenu des messages diffusés constituent souvent le principal objet d’analyse. De ce fait, l’élucidation des relations d’interdépendance qui lient les journalistes à leur « milieu » tend à être négligée. Ce sont bien les journalistes qui obtiennent l’information, la sélectionnent et la mettent en forme pour la transmettre à leurs lecteurs. Ils jouent un rôle déterminant quant à la disponibilité de l’information. Si les médias traditionnels sont aujourd’hui souvent précédés ou contournés par les modalités alternatives de la circulation de l’information, en particulier à travers les réseaux sociaux, ils fonctionnent toujours comme une autorité morale parlant au nom de la société et décidant des sujets qui seront mis à l’avant de la vie publique. De cette manière, les médias définissent les termes des débats publics : ses structures internes, ses aspects importants ainsi que les limites idéologiques des représentations sociales. Ils offrent alors des modèles, des faits et des opinions, qui sont utilisés par les lecteurs (Ibid. : 244). D’où l’intérêt d’une identification des acteurs-sources sous-jacents, des relations d’influence qui amènent les journalistes à renforcer une certaine lecture des réalités sociales (Pollak, 2007 : 2-12).

Ce colloque est organisé en collaboration avec le Département des sciences de l’information et de la communication de la Faculté de philosophie et lettres, le Département de science politique de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’université libre de Bruxelles, le ReSIC, le CEVIPOL et la Faculté de science politique, économiques et de la communication de l’université catholique de Louvain.

Il se tiendra les lundi 16 et mardi 17 décembre 2013 à l’université libre de Bruxelles.

Notes

[i]Une mobilisation communautaire peut se définir comme mettant l’accent sur un groupe et soulignant la cohésion et la solidarité qui unissent les membres du groupe qui s’identifient comme faisant partie d’une telle communauté. Les individus sentent d’une façon subjective qu’ils ont des traits communs avec les membres de leur communauté. La mobilisation ethnique, quant à elle, peut être définie comme une action politique organisée qui consiste à agiter des symboles identitaires pour exercer une pression sur les autorités publiques et obtenir d’elles des concessions ponctuelles ; elle n’est pas référée directement à un Etat. Enfin, une mobilisation nationaliste, est un combat pour l’acquisition ou le renforcement de la souveraineté politique et économique d’une collectivité ; les nationalistes revendiquent le droit pour leur collectivité de maîtriser son destin politique et économique et de défendre ses intérêts propres. Ils définissent leurs mots d’ordre en référence à un Etat qui peut être déjà constitué et demander seulement à être raffermi mais qui n’est parfois qu’un projet en attente de réalisation.

Voir : Luque, Fidel Molina, « Entre l’identité et l’identification : un problème complexe de la recherche sociologique dans le domaine de l’interculturalité », Sociétés, 2002/2 n° 76, p. 59-70 ; Weber, Max, Economie et société, Paris, Agora, 1995 et Roger, Antoine, Les grandes théories du nationalisme, Paris, Armand Colin, 2001, p. 2.
Bibliographie
De Tocqueville, A., De la démocratie en Amérique. Œuvres, Paris, 1840.
Anderson, B., L’image national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996 [1983].
Braas, P., Ethnicity and Nationalism. Theory and Comparison, New Delhi, Sage, 1991.
Breuilly, J., Nationalism and the State, Chicago, The University of Chicago Press, 1994.
Chupin, I., et Nollet, J., Journalismes et dépendances, Paris, L’Harmattan, 2006.
Chrétien, J.-P., Les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995.
Fowler, R., Language in the News. Discourse and Ideology in the Press, Londres, Routledge, 1991.
Gazibo, M., et Thiriot, C., Le politique en Afrique : état des débats et pistes de recherche, Paris, Karthala, 2009.
Maigret, E., Sociologie de la communication et des médias, Paris, Armand Colin, 2003.
Neveu, E., Sociologie du journalisme, Paris, Découverte, 2004.
Pollak, A., « The Myth of the Untainted Wehrmacht : The Structural Elements of Wehrmacht Mythology in the Austrian Press since 1945 », in : Heer, H., Manoschek, W., Pollak, A., et Wodak, R., The Discursive Construction of History. Remembering the Wehrmacht’s War of Annihilation, New York, Palgrave, Macmillan, 2007.
Spencer, P., et Wollman, H., « Good and Bad Nationalisms : A Critique of Nationalism », in : Journal of Political Ideologies, n°3, vol.3, Octobre 1998, pp. 255-274.
Van Dijk, T., Racism and the Press. Critical Studies in Racism and Migration, Londres, Routledge, 1991.

Axes thématiques
Sur base de ces premiers repères théoriques, les organisateurs de la conférence proposent une réflexion sur le rôle des médias dans la construction des identités politiques, qu’elles soient de nature communautaire, ethnique ou nationale, en suivant quatre axes majeurs de réflexion :

l’étude du discours des médias, notamment dans sa contribution à l’inclusion ou à l’exclusion des membres de la communauté, de l’ethnie ou de la nation (en particulier les continuités ou résonnances entre le discours médiatique et d’autres discours émanant du monde politique ou de la société civile et circulant dans l’espace public pourront être identifiées) ;
l’analyse des liens entre médias et stratégies politiques, entre acteurs médiatiques (journalistes, éditeurs, patrons) et acteurs politiques (partis, mandataires), en particulier dans les cas de recours aux identités communautaires ;
la mise en perspective des modes de fonctionnement internes de l’organisation médiatique qui contribuent à configurer le discours médiatique autour de ces questions identitaires (modes de collecte et de sélection de l’information, hiérarchies internes, recours aux discours d’expert, exploitation des réseaux sociaux, …) l’approche des dynamiques économiques des médias qui influencent la manière dont les différents acteurs participent à la construction des identités (actionnariat, annonceurs, …). Les organisateurs invitent à l’envoi de toute proposition de communication plaçant l’approche de la contribution des médias (traditionnels ou nouveaux médias) à la construction politique des identités communautaires, ethniques et nationales dans l’un de ces quatre axes. Les papiers, comparatifs ou non, portant sur un espace géographique spécifique ou plus général, peuvent comporter un apport soit théorique, soit empirique à la question : « médias : acteurs ou instruments de la construction des identités communautaires, ethniques et nationales ? »
Modalités de soumission
La conférence étant organisée conjointement par un centre de recherche en sciences politiques et un centre de recherche en sciences de l’information et de la communication, il s’agit également de susciter une fertilisation mutuelle des objets, méthodes et concepts mobilisés dans ces deux disciplines qui s’entrecroisent moins souvent qu’on pourrait le croire ou l’espérer. Les approches issues de la linguistique, de la psychologie sociale, de l’histoire ou de la sociologie des médias sont les bienvenues, le colloque se voulant fondamentalement interdisciplinaire.

Les propositions, comportant un titre et un résumé de 500 mots, en français ou en anglais, doivent être envoyées

à bellarminus.kakpovi@ulb.ac.be

et à jdaneroi@ulb.ac.be

avant le 30 juin 2013.

Les auteurs des propositions retenues seront informés dans le courant du mois d’août 2013.
Le transport et le logement sont à la charge des participants.

Comité d’organisation
Julien Danero Iglesias Marie Fierens Marie-Soleil Frère Bellarminus Kakpovi (ULB) Marc Lits (UCL) Comité scientifique Laura Calabrese Ramona Coman Jean-Michel De Waele Irene Di Jorio Corinne Gobin François Heinderyckx Laurent Licata Florence Lecam Sharon Weinblum (ULB) Dave Sinardet (VUB)

Citer cet article : https://www.histoiredesmedias.com/Appel-a-communications-colloque,4562.html

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