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Appel à communications, Colloque "Télé en séries. De la fascination populaire à l’observation critique", Université de Montréal, 22-24 mai 2014
Date limite : 15 avril 2013
Premier grand colloque québécois dédié aux séries télévisées contemporaines, Télé en séries souhaite poser les fondements d’une réflexion actuelle sur les fictions épisodiques de toute provenance géographique en privilégiant une variété d’approches théoriques.
Comité organisateur
Jérôme-Olivier Allard (Université de Montréal),
Elaine Després (Université de Bretagne Occidentale),
Simon Harel (Université de Montréal) et
Marie-Christine Lambert-Perreault (Université du Québec à Montréal)
Argumentaire
Que l’on parle de fictions épisodiques (Buxton), de fictions plurielles (Bénassi), de fictions télévisuelles (Jost) ou de genre sériel (Esquenazi), la série télé est une forme narrative unique qui semble faire vibrer de façon singulière la sensibilité contemporaine. Si la télévision n’a pas tué le cinéma, tout comme celui-ci n’avait pas tué le livre, les grands films qui marquent le XXIe siècle se font rares et les séries semblent de plus en plus à même d’être les témoins de l’imaginaire historique (Buxton) et de marquer leur époque de manière pérenne. Si la série télé partage avec le cinéma sa forme plastique, c’est la temporalité qu’instaure la sérialité qui la rend unique et lui offre la possibilité d’explorer ce qu’aucune autre forme fictionnelle ne peut aborder avec autant de pertinence : le quotidien d’une société dans la durée. Tout comme les romanciers réalistes français qui aspiraient à reproduire le réel au XIXe siècle ou les romanciers américains qui rêvent toujours de leur great american novel, les séries télé du XXIe siècle contribuent à construire une fresque narrative et visuelle d’une société infiniment complexe et plurielle, tout en variant les formes et les sous-genres. Car la série télé permet à la fois l’introspection et la critique sociale, le réalisme et la représentation allégorique.
Pour François Jost, le succès mondial des séries télés tient essentiellement au sentiment de familiarité qu’elles parviennent à susciter chez les spectateurs, malgré leur extranéité (altérité linguistique, culturelle, sociale), et ce, grâce à trois ouvertures : l’actualité, qui peut se présenter sous la forme d’une dispersion ou d’une persistance, l’universalité anthropologique et la médiatisation. Pour lui, « la force des séries américaines est de combler deux aspirations contradictoires : l’envie d’explorer le nouveau continent, […] et, en même temps, de trouver dans ces mondes construits la familiarité rassurante d’une actualité qui est aussi la nôtre, […] et, enfin, des héros qui, comme le téléspectateur, accèdent à la vérité par l’image plus que par un contact direct. » (Jost, 2011, p. 16) De son côté, Jean-Pierre Esquenazi suggère que c’est la capacité des séries à faire partie du quotidien de leur auditoire et la facilité avec laquelle il est possible d’en discuter qui les rend aussi rassembleuses : « en d’autres termes, la première grande réussite du genre sériel, c’est d’être parvenu à nous proposer des mondes fictionnels qui réussissent à partager notre intimité. » (Esquenazi, 2009, p. 8)
Si plusieurs chercheurs (dont Aubry, Bouchard, De la Garde, Demers, Desaulniers, Legris) se sont intéressés à l’importance du téléroman dans la culture populaire québécoise, l’étude de la série télévisée contemporaine semble encore embryonnaire au Québec lorsqu’on la compare aux recherches qui ont cours depuis plusieurs années dans les départements américains d’études culturelles et de media studies ou dans les départements de communication et d’anglais des facultés françaises. Pourtant, le public québécois est au rendez-vous, les médias commentent les séries télé de façon ponctuelle et les universitaires en font leur plaisir coupable et le sujet d’innombrables discussions informelles. Il incombe à présent de se pencher sur cette forme narrative unique, d’y réfléchir plus en profondeur et de proposer des analyses soutenues. À l’instar de David Buxton, nous pensons qu’il faut s’éloigner des simples descriptions de contenu, éviter « l’accumulation de détails empiriques [qui] tend vers l’érudition descriptive au détriment d’une analyse critique » (Buxton, 2010, p. 6), pour s’intéresser à la forme et à l’idéologie, parce que « c’est en aimantant des débats politiques et esthétiques qu’une forme culturelle gagne ses lettres de noblesse. » (Ibid., p. 7)
À l’occasion de ce premier événement académique québécois dédié aux séries télé contemporaines, nous ne souhaitons pas d’emblée limiter notre objet d’étude afin de favoriser l’émergence d’un portrait des diverses avenues de recherche qui pourront être explorées dans un futur rapproché. Toutes les approches sont les bienvenues, qu’il s’agisse de critiques idéologique, esthétique, thématique, psychanalytique, sémiotique ou culturelle. Nous pourrons ainsi chercher à définir la série télévisée et ses enjeux, les formes et les genres qui la caractérisent, interroger la réception dont elle fait l’objet (qu’on pense par exemple au phénomène culte), les spécificités de sa création et de sa production, discuter les motifs thématiques ou formels qui font retour de manière récurrente dans ses manifestations récentes (par exemple la représentation du posthumain, de la cuisine, des figures de l’horreur, etc.), analyser les fins de séries (ouvertes, précipitées ou ratées), et évaluer la série télévisée sous les angles de l’interculturalité (adaptations, traductions, transferts culturels) ou de l’intermédialité (diversité et mobilité des supports). Si les séries américaines contemporaines occuperont certainement une place de choix dans nos discussions (la production anglo-saxonne faisant l’objet d’une réception populaire particulièrement favorable à l’échelle mondiale depuis une dizaine d’années), aucune limitation nationale du corpus n’interdit aux conférenciers de s’intéresser aux séries québécoises, britanniques, françaises ou autres. Toute fiction ayant été diffusée depuis 2000 sur une chaîne télévisée constitue un objet d’étude admissible (incluant tous les sous-genres qui peuvent émerger des formes théoriques que sont la série et le feuilleton, voir Bénassi, 2000).
Modalités de soumission
Le colloque Télé en séries prévoit diverses activités de création et de réflexion, en plus des nombreuses conférences, qui prendront la forme
1) de communications classiques de vingt minutes,
2) de communications éclair de cinq minutes et
3) de commentaires d’épisodes.
Réalisés en soirée devant public, en solo ou en équipe, les commentaires d’épisode reproduiront, dans une formule libre et moins académique, l’esprit des commentary tracks intégrées aux versions DVD de plusieurs séries.
Les chercheurs souhaitant prendre part au colloque sont priés d’envoyer leurs propositions de communication par courriel aux organisateurs (tele.en.series@gmail.com)
avant le 15 avril 2013.
Les propositions devront contenir les renseignements suivants : le type de conférence prévu (classique, éclair ou commentaire), le titre de la présentation, un résumé d’environ 250 mots, les titres de la série en version originale et de l’épisode qui feront l’objet du commentaire (le cas échéant), ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique de quelques lignes.
Bibliographie sélective
Aubry, Danielle. 2006. Du roman-feuilleton à la série télévisuelle. Bern : Peter Lang.
Benassi, Stéphane. 2000. Séries et feuilletons TV. Pour une typologie des genres fictionnels. Liège : CEFAL.
Buxton, David. 2010. Les séries télévisées : Forme, idéologie et mode de production. Paris : L’Harmattan.
Carrazé, Alain. 2007. Les séries télé, l’histoire, les succès, les coulisses. Paris : Hachette.
Esquenazi, Jean-Pierre. 2009. Mythologie des séries télévisées. Paris : Cavalier Bleu.
Jost, Francois. 2011. De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ?. Paris :CNRS.
Moran, Albert. 2009. TV Formats Worldwide : Localizing Global Programs. Bristol / Wilmington : Intellect Books.
Saint-Gelais, Richard et René Audet (dir.). 2007. La fiction, suites et variations. Québec : Nota Bene / Rennes : PUR.
Saint-Maurice, Thibaut de. 2010. Philosophie en séries saison 2. Paris : Ellipses.
Sepulchre, Sarah (dir.). 2011. Décoder les séries télévisées. Bruxelles : de Boeck.
Winckler, Martin. 2001. Les miroirs de la vie : Histoire des séries américaines. Paris : Le Passage.