SPHM Infos
Appel à communication Colloque "Les Médiations de l’Europe politique", 30-31 mai 2011, Maison des Sciences de l’Homme –Alsace (MISHA -Strasbourg).
Organisateurs : Philippe ALDRIN (GSPE et ERMES) et Jean-Michel UTARD (GSPE) dans le cadre du programme MISHA « La Production des Espaces publics en Europe »(PrEsPE).
La problématique de l’information des populations ‒ et les enjeux politiques qui lui sont traditionnellement associés ‒ naît avec le projet d’intégration communautaire. Ce que l’on appelle alors « la politique d’information » est d’ailleurs au cœur des débats qui traversent les cabinets de la Haute Autorité et fait l’objet de plusieurs résolutions de l’Assemblée parlementaire des Communautés (en 1960, 1962, 1972 et 1986). A partir des années 1980, cette question télescope celle du « déficit démocratique » de l’Europe politique et devient un thème privilégié des controverses sur le fait communautaire. La dramatisation que connaissent les débats autour de l’information européenne peut donc se lire comme un des effets immédiats de la mutation du processus d’intégration. Après la réalisation du Marché unique, les entrepreneurs d’Europe entendent imposer cette dernière comme le niveau pertinent de régulation des sociétés européennes, en tant que centre décisionnel à la fois inter-étatique et supranational et en tant que « lieu » de définition et de résolution des problèmes publics. Or, il apparaît très vite que cette nouvelle frontière de l’ordre politique européen n’impose pas seulement une transformation des cadres juridiques et culturels de la décision communautaire ; elle suppose également la construction d’un lien politique fort entre l’« Union européenne » et les (ses) « eurocitoyens ».
Le traité de Maastricht (TUE 1992) consacre juridiquement la citoyenneté européenne. Mais la séquence qui s’ouvre avec les CIG de négociation du traité et se prolonge après sa difficile ratification traduit la difficulté que rencontrent les institutions de l’UE à donner une signification politique et symbolique à cette citoyenneté européenne. Remis en 1993 à la Commission, le rapport de Clercq – rédigé avec des professionnels de la communication et du journalisme – propose justement des pistes pour lui procurer la charge affective sans laquelle les ressortissants des pays membres peineront à l’investir effectivement. La poussée de l’abstention et la montée des partis eurocritiques voire europhobes aux élections européennes de 1994 (double phénomène confirmé par les scrutins suivants) confirment rapidement que la légitimité populaire de l’UE ne procédera pas naturellement de sa légitimité juridique et procédurale. Dès lors, selon la conception systémique qui nourrit la vision dominante de la marche à l’intégration, la conquête de l’« opinion européenne » prend le caractère d’un problème existentiel de l’Europe politique. Pour gagner l’opinion, la solution semble encore et toujours résider dans l’engendrement d’un « espace public européen » qui, malgré les efforts engagés dès les années 1950, reste fragmenté en entités politiques et médiatiques structurées par l’horizon national, et donc spontanément peu concernées par les affaires publiques européennes.
Avec la « crise » (puis la démission) de la commission Santer et un nouveau record d’abstention aux élections européennes, l’année 1999 marque un nouveau seuil dans la dramatisation de cette question qui devient alors une des priorités de l’agenda politique communautaire. Tendance que renforceront les échecs des référendums en France et aux Pays-Bas en 2005 puis en Irlande en 2008. A travers divers programmes d’action, les institutions de l’UE, et en premier lieu la Commission, cherchent alors le moyen d’établir un rapport plus direct avec les eurocitoyens. L’examen des divers instruments qui donnent corps à cette politique (le renforcement du service EuropeDirect, le programme Debate Europe, les conférences-débats et les forums électroniques du « Plan D », etc.) montre que cette relation directe avec les populations des Etats membres vise pour l’essentiel à dépasser une politique de communication fondée sur les médiateurs « naturels » de l’action communautaire : journalistes internationaux (notamment ceux accrédités auprès des institutions de l’UE), les « leaders d’opinion » supposément europhiles, les milieux du militantisme fédéraliste, eurodéputés. A bien des égards, cette évolution récente de la politique de communication de l’UE consiste dans la mise en dispositifs de la « gouvernance » théorisée dans le Livre blanc publié par la Commission en 2001. Le « Livre blanc pour une politique de communication européenne » (février 2006) propose ainsi « une transition radicale » en la matière, par la transmutation de la politique de communication en « politique européenne à part entière, au service des citoyens », en imposant d’une part un « code de conduite européen sur la communication » aux différents partenaires institutionnels et en créant d’autre part une agence européenne d’information administrée par la Commission elle-même. Si, face à la résistance des eurodéputés, des autres partenaires du système institutionnel de l’UE et aussi des associations professionnelles de journalistes, cette proposition n’a pas abouti, sa conception comme sa formulation indiquent assez clairement le « tournant délibératif » amorcé – au moins dans les déclarations officielles et les plans d’action de la Commission Barroso I – par la communication publique de l’UE.
Au-delà des débats sur la réalité du déficit de légitimité de l’Europe politique – dont l’argument sert sans doute autant les Etats dans leur disqualification des velléités supranationales de la Commission que celle-ci dans sa justification à investir davantage les espaces publics et médiatiques des pays membres – on observe la persistance d’un impératif à légitimer l’Europe. Impératif qui, en tant qu’enjeu et principe d’action de la scène politique européenne, peut être interrogé sous différents angles : 1/ celui de la rationalisation et de la professionnalisation du travail de légitimation politique ; 2/ celui de l’expertise et des instruments conceptuels, programmatiques ou expérimentaux qui sous-tendent ce travail de légitimation ; 3/ celui enfin des représentations (conceptions ou croyances) d’institution tant à propos des effets performatifs des outils de communication que concernant la nature du lien politique européen. Ce colloque interdisciplinaire entend donc réunir les chercheurs qui, en France et en Europe, spécialistes des European Studies ou d’autres champs de connaissance, questionnent les enjeux sociopolitiques et les transformations de la mise en public de l’action communautaire.
3 principaux axes de questionnement
1- Professionnalisations
Les organisateurs privilégieront les communications qui, à partir de travaux empiriques, se proposeront d’analyser la production de l’information européenne, c’est-à-dire qui s’intéresseront aux acteurs qui, à l’intérieur des milieux communautaires (pris ici au sens large, c’est-à-dire en incluant des instances dont la communication est rarement interrogée comme le Conseil ou la BCE) comme à l’extérieur, conçoivent, mettent en forme et publicisent l’information sur l’UE. Comment analyser et mettre politiquement en perspective les démarches et les pratiques professionnelles, mais aussi les jeux relationnels des producteurs de l’information européenne ?
2- Co-productions
Seront également privilégiées les communications qui se proposent d’étudier au concret la diversification de l’expertise en matière d’information-communication européenne. Qu’il s’agisse d’une conception traditionnelle (relations publiques, relations-presse, communication médiatique) ou d’une conception plus contemporaine (expériences délibératives, forums électroniques, BDD et renseignement en ligne, web-TV), le travail de légitimation des institutions de l’UE s’appuie sur l’appel à une expertise spécialisée (e.g. : la compétence rédactionnelle des journalistes pour la fabrication de brochure ; la maîtrise méthodologique et théorique de chercheurs pour la mise en œuvre d’un sondage délibératif). Aujourd’hui l’offre d’expertise et de problématisation sur ces questions ne provient plus seulement des professionnels « classiques » de l’information et/ou de la communication ou des spécialistes du fait communautaire. Comment et avec quelles conséquences s’effectue l’introduction d’autres spécialistes des affaires européennes (agences-conseil, think tanks, lobbies, etc.) dans la coproduction de l’information européenne ?
3- Représentations
Dans les derniers programmes d’action de la Commission (Communiquer l’Europe sur Internet, 2007) ou du Parlement (Europarl-TV), certains spécialistes observent les effets d’une nouvelle croyance d’institution dans les vertus de l’Internet ou de la « démocratie participative » à incarner la sphère publique européenne, en parallèle ou en substitution d’une conception instrumentale des médias conçus comme relais de diffusion. Aux instruments classiques de présence de l’institution sur Internet (le portail Europa) se sont en effet adjoints des dispositifs et des interfaces en phase avec les pratiques du public utilisateur de l’Internet (l’exemple le plus visible et le plus sujet à controverses étant EUTube). Cette transformation des cadres cognitifs de la communication publique de l’UE semble résulter de la prise en considération de l’existence d’une "blogosphère" qui parle d’Europe et avec laquelle sont explorés des moyens inédits de fonder ou refonder un lien avec les eurocitoyens. Quels premiers enseignements peut-on tirer des modalités et des stratégies institutionnelles d’investissement du Net ?
Comité scientifique
Olivier Baisnée (LaSSP, Sciences Po Toulouse),
Gilles Bastin (TRIANGLE, Sciences Po Grenoble)
Dorota Dakowska (GSPE, Sciences Po Strasbourg),
François Foret (Département de Science politique, Université libre de Belgique),
Didier Georgakakis (IUF, Chaire Jean-Monnet),
Nicolas Hubé (CESSP, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne),
Hélène Michel (GSPE, Sciences Po Strasbourg),
Erik Neveu (CRAPE, Sciences Po Rennes),
Caroline Olivier-Yaniv (CEDITEC, Université Paris 12),
Denis Ruellan (CRAPE, Sciences Po Rennes),
Philip Schlesinger (CCPR, University of Glasgow),
Stéphanie Wojcik (CEDITEC, Université Paris 12)
Soumission des propositions (4000 signes), avant le 17 décembre 2010 Mentionner nom, prénom, et établissement de rattachement
Réponses du comité scientifique : 5 janvier 2011
Les communications (60 000 signes max.) des propositions retenues devront être envoyées avant le 9 mai 2011
Contacts : philippe.aldrin@misha.fr et jeanmichel.utard@misha.fr