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AAC section thématique n°72 "Politique(s) des dystopies", organisée dans le cadre du 15ème Congrès de l’AFSP (Bordeaux, 2-4 juillet 2019)
Date limite : 12 décembre 2018
Les propositions de communication en français ou en anglais (3000 caractères maximum, sans les références) sont à envoyer pour le 12 décembre 2018 aux organisateurs, Cécile Leconte (cecile.leconte@sciencespo-lille.eu ) et Cédric Passard (cedric.passard@sciencespo-lille.eu).
ST n°72 : Politique(s) des dystopies
Le succès récent de romans mettant en scène l’avènement d’une théocratie en France (Soumissionde Houellebecq) ou bien le fonctionnement de la notation sociale dans une société totalitaire (La zone du dehors de Damasio) mais aussi celui d’adaptations cinématographiques (Hunger Games, Divergente) ou télévisuelles (The Handmaid’s Tale, Black Mirror) décrivant des mondes du futur terrifiants nous interroge sur la place des récits dystopiques dans l’imaginaire politique des sociétés contemporaines.
Fiction d’anticipation représentant un avenir cauchemardesque et/ou post- apocalyptique, la dystopie, bien qu’étant un genre ancien, connaîtrait une nouvelle fortune depuis les années1980 (Claeys 2016). Dans un monde où « l’absence d’alternative » a été mise en formule,l’optimisme des anciennes utopies aurait ainsi laissé place au désenchantement de récitsdystopiques, très variés dans leur forme, leur contenu et leurs supports (littérature, cinéma,télévision, jeux vidéo…). Reflets de préoccupations éthiques et d’inquiétudes présentes, ces récitsouvrent un espace de réflexion et invitent à une prise de conscience voire à une réaction politique.
Si l’utopie est un thème classique de la pensée philosophique et sociologique, l’étude des dystopies a suscité un engouement plus récent, dans la littérature anglophone principalement, aucroisement de la théorie politique et des cultural studies (e.g. Bagchi 2013 ; Claeys 2016 ; Vieira2013). L’ambition de cette section thématique consiste à s’intéresser davantage à leurs usages etmises en forme, en programme, en slogan dans l’univers politique, perspective peu traitée jusqu’àprésent. Trois ensembles de questionnements seront privilégiés :
1) Le premier interroge les ressorts et les caractéristiques politiques et idéologiques des récits dystopiques contemporains. Peut-on aller jusqu’à les envisager comme « une protestation réactionnaire » (Angenot 1985) par nature ? Quelle place accorder alors aux dystopies « critiques » qui problématisent des questions comme les droits des femmes et des minorités ou les inégalités ? On questionnera également la vogue contemporaine de ces récits : est-il pertinent de parler d’un « moment dystopique » ou alors d’un « retour » des dystopies ? Faut-il mettre en relation cette vogue avec l’éventuel déclin des utopies collectives ou avec un malaise dans la démocratie ?
2) Un deuxième axe concerne les appropriations et réceptions politiques de ces récits. Comment les références aux dystopies circulent-elles entre les champs de la production médiatique, littéraire et culturelle et le champ politique ? Si certains auteurs de dystopies se sont reconnus dans le rôle de producteurs et de diffuseurs d’idéologies, ces récits font l’objet d’interprétations plurielles (cf. la mobilisation d’Orwell par les « néo-conservateurs »). On analysera les usages stratégiques qui en sont faits (les militantes féministes étasuniennes regroupées dans la Handmaid’s Coalition ; les masculinistes s’appropriant Fight club ; les militants écologistes avec Les Temps futurs d’Huxley ou Fahrenheit 451...). On pourra également étudier les circulations internationales de ces récits (e.g, à l’extrême-droite, la diffusion des imaginaires du « grand remplacement »).
3) Une dernière piste consiste à poser la question d’un lien entre politiques publiques et récits dystopiques. Ces derniers s’apparentent à des « dispositifs de problématisation » qui peuvent animer le débat public et conduire à explorer des scénarios alternatifs, voire des possibilités d’agir (Rumpala 2010, 2018). On peut donc faire l’hypothèse que ces futurs noirs participent à la fabrication de référentiels publics (cf. le principe de précaution). Ils sont aussi appropriés afin d’imputer des responsabilité s (comme dans les « écodystopies » (Paik 2010)), de cadrer certains « problèmes » publics. Divers cas sont susceptibles d’être étudiés : la démographie (Domingo 2008), l’usage des nouvelles technologies, la sécurité (Ragazzi 2004)...