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AAC revue Jeunes et Médias, les cahiers francophones de l’éducation aux médias, "Naître et grandir en terres publicitaires Stratégies et cultures publicitaires au fil de l’âge et des médias"
Date limite : 1er octobre 2016
Fils et filles de pub’, les jeunes sont confrontés aux messages commerciaux depuis le berceau et héritent d’un patrimoine publicitaire. Ils grandissent dans un environnement médiatique et publicitaire en forte mutation, notamment du fait de la prégnance des supports numériques qui recomposent les stratégies publicitaires et les pratiques médiatiques juvéniles. Un écosystème communicationnel prend forme, brouillant les traditionnelles frontières entre contenus éditoriaux et commerciaux, mais aussi entre les publics et les professionnels. La création partagée est au cœur de nouveaux dispositifs de communication à l’heure où le marketing veut devenir média (Guével & Bô, 2009) et où la jeunesse est définitivement reconnue comme cible de choix dès le plus jeune âge. L’espace publicitaire contemporain est symptomatique d’un processus double : les démarches se font plus invisibles (dépublicitarisation) et dans le même temps sont permanentes (hyperpublicitarisation) (Berthelot-Guiet et al. 2013).
Quel bilan peut-on faire de ces évolutions publicitaires en rapport au champ de l’enfance et de la jeunesse ? Les propositions s’inscriront dans un des 4 axes suivants :
Axe 1 : Stratégies publicitaires Nous souhaitons explorer les stratégies des marques en direction de la jeunesse (Bree, 2012 ; Gassman & Damay, 2011) dans toutes leurs diversités, tant au niveau de l’âge des cibles visées (du bébé au tout jeune adulte), qu’au niveau des canaux retenus. Un examen des secteurs, marques et produits qui s’adressent, par l’intermédiaire de leurs communications, plus spécifiquement aux jeunes, peut introduire ce dossier. Au-delà des articles ‘pour’ juniors vantés dans une communication junior (carte bancaire pour étudiants, jouet pour enfants), se glissent des publicités qui passent par les enfants pour des produits ou services qui ne les concernent pas directement (automobile) et ceux qui passent par les parents pour des biens qui concernent les petits (puériculture). Toute recherche portant sur des stratégies communicationnelles en direction de la jeunesse est utile ici en ce qu’elle contribue à l’éclairage du ‘marché’ de l’enfance et de l’adolescence. Deux pistes peuvent par exemple être traitées :
Extension des territoires publicitaires Un enfant devant un spot diffusé sur le petit écran est une situation qui est loin de résumer aujourd’hui les rencontres possibles entre une publicité et son petit public. Si des études sur les messages commerciaux télévisuels et print sont intéressantes pour ce dossier car toujours d’actualité, nous attendons aussi des travaux portant sur d’autres territoires publicitaires tels que les espaces numériques bien sûr mais aussi les espaces urbains et commerciaux. Les stratégies cross et transmédiatiques, les placements de produits et les parrainages relèvent également de ce champ d’interrogation qui cherche à mieux cerner les espaces dans lesquels les marques cherchent à atteindre l’enfance et la jeunesse.
Du produit à la relation Parce que la publicité ne se limite plus à la diffusion d’un message descendant mais à la l’instauration d’une conversation avec des cibles actives, il est important de visiter les nouvelles manières de s’adresser aux jeunes. Création de contenu (brand content), d’expériences (marketing expérientiel) et de relations (participation du consommateur), les publicitaires visent à instaurer au-delà de l’achat, une culture de marque (valeurs et imaginaires véhiculés par des marques « pourvoyeuses de sens » (Heilbrunn, 2014)), un univers émotionnel censé créer un attachement. Utiliser leurs idoles (entrée en scène des youtubeurs notamment), les licences et les bloggeuses de mode (relevons également l’explosion des tutos), écrire des web séries et sagas publicitaires, proposer des advertising game ou des expériences urbaines, organiser des castings, autant de cartes utilisées par les « nouveaux » marketings (Cova & Cova, 2003) qu’il est important de mieux connaître afin de saisir l’environnement publicitaire contemporain des jeunes.
Axe 2 : Représentations publicitaires Les publicités montrent la vie, les gens, des enfants. Leurs messages s’enroulent autour de représentations d’un certain monde, idéalisé ou exagéré, déformé ou réaliste, simplifié ou onirique. Elles participent à la construction sociale d’images d’enfants et d’adolescents mais aussi de familles dans lesquelles les marques leur prêtent un statut, des rôles, des attitudes (Pecolo & Bahuaud, 2014). Quels sont les visages renvoyés aujourd’hui des plus jeunes d’entre nous ? Peut-on dégager des stéréotypes d’âges et de genre ? Quels rapports avec les adultes sont mis en scène ? La bande de copain(ine)s est-elle représentée et sous quelles formes ? Trois grandes orientations peuvent-être retenues pour examiner ces portraits de jeunes :
Figures publicitaires de l’infantile et du juvénile Représentations de l’enfant et du jeune au sein de sa famille Entre pairs : images des groupes amicaux et/ou couples amoureux Axe 3 : Perceptions publicitaires Il est primordial de scruter ce qui se passe du côté des premiers concernés quant à leurs relations aux contenus publicitaires. S’il ne s’agit pas de savoir si la publicité alimentaire fait grossir, il paraît en revanche fructueux de déchiffrer la publicité telle qu’ils la parlent et la vivent.
La ‘participation’ sur les réseaux Via leurs ordinateurs, smartphones ou tablettes, les jeunes peuvent liker, partager ou même participer plus activement aux sollicitations des marques. La presse professionnelle en communication ne cesse de présenter ces ‘coopérations’ comme impératives pour engager une « génération Z » (dite ‘digital addict’) en attente de collaboration. Rares en revanche sont les études visant à nous informer sur la participation effective des jeunes aux stratégies digitales. De telles approches seront particulièrement appréciées.
Attitudes face aux spots et affiches La télévision, pour être concurrencée par les réseaux, est loin d’avoir disparu pour autant du paysage médiatique et ce, même pour les plus âgés. Si l’adolescence est une cible privilégiée pour les stratégies numériques, les enfants sont particulièrement attachés à leur poste et en contact avec les spots publicitaires. Qu’en font-ils, qu’en pensent-ils et qu’y voient-ils ? Peut-on aujourd’hui faire un point nuancé, après des années de publications sur les ‘impacts’ (Buckingham, 2010), sur les relations, au fil de l’âge, qu’entretiennent les jeunes avec les messages publicitaires ? Des travaux sur l’affichage urbain seraient aussi enrichissants.
Faire publicité Les entreprises peuvent compter sur les jeunes eux-mêmes pour promouvoir leurs biens et univers communicationnels. Amateurs de marques, symboles d’intégration sociale et de récits identitaires (Le Breton, 2008 ; Heilbrunn, 2015 ; Lachance et al, 2015), les enfants et les adolescents sont les meilleurs promoteurs d’articles dès lors que les produits dérivés envahissent leurs cartables et les logos recouvrent leurs corps. Les paroles juvéniles sur leurs pratiques (lucidité sur les démarches commerciales associées ?) sont riches d’enseignement et les recherches explorant cette sociabilité construite autour des marques (de la pression des pairs aux communautés de marques) sont intéressantes en ce qu’elles questionnent une forme intégrée et appropriée de publicité.
Axe 4 : Cultures publicitaires Enfin nous tenonsà donner un corps historique et culturel à la publicité en interrogeant le processus de transmission publicitaire à l’œuvre et le phénomène de « culturalisation » des marques (Marti de Montety, 2013), repérable dans les librairies comme aux musées, et auquel les jeunes se confrontent.
Passages : quand la pub se fait culturelle et éducative Des jeux pour enfants centrés sur la reconnaissance des logos de marques, des livres de recettes « cultes » à base de Nutella ou de Carambar, un musée de la publicité au sein du musée des arts décoratifs à Paris, un conservatoire Citroën et un musée du bonbon Haribo, des vêtements Petit Bateau aux couleurs d’auteurs de littérature de jeunesse (Claude Ponti ou Hervé Tullet)… Autant de manifestations d’une recherche de légitimation culturelle des marques qu’il est fondamental de considérer pour mieux percevoir le bain publicitaire dans lequel nos enfants grandissent. C’est aussi toute la sphère éducative que l’on peut interroger à travers les kits pédagogiques proposés aux écoles (Purina pour mieux connaître les animaux) ou aux collèges (Vania pour les années puberté). Se former à l’hygiène bucco-dentaire grâce à Signal impacte-t-il sur le choix d’une marque de dentifrice ? Les enseignants utilisent-ils vraiment ces supports en classe ?
Métissages : comparaisons interculturelles Nous comptons sur des propositions qui posent des regards interculturels autour de thèmes tels que la réglementation qui encadre les pratiques publicitaires, les expériences menées autour de l’éducation à la publicité et plus largement les initiatives de médiation scolaire et associative. Ces contributions permettront avec richesse de dessiner l’horizon éducatif d’ici et d’ailleurs (les perspectives comparatives seront les bienvenues), car il est entendu que la publicité est bien un domaine dans lequel rien ne sert de pleurer (force des puissances économiques), il faut « citoyennement » agir (puissance de l’esprit critique).
Héritages : publicité et transmission Pour finir, il est possible aujourd’hui de dresser une histoire de la publicité pour l’enfance et la jeunesse (De Iulio, 2010). Des contributions sur l’évolution des modes d’approche, discours et segmentations communicationnelles, depuis l’émergence des ‘cultures jeunes’ dans les années 60 (Sohn, 2001) et la reconnaissance des jeunes comme un marché lucratif, enrichiraient le dossier d’une dimension historique. Les enfants actuels sont habillés par ailleurs d’un passé publicitaire transmis par leurs aînés (culture des marques, patrimoine publicitaire, publicités cultes) mais aussi par les marques elles-mêmes qui ont tendance à raviver (mouvance nostalgique) les mémoires. Enquêter sur cet héritage est passionnant en ce qu’il contribue à (pré)former des consommateurs en culottes courtes (Intartaglia, 2014) qui aborderont la galaxie publicitaire équipés de capitaux culturels préalables. Ce mécanisme d’imprégnation, plus ou moins conscient, fonctionne également au sein du quotidien. Les parents contribuent à l’assimilation de marques qui deviennent familières et à ce titre importantes (marquages de l’enfance), simplement en achetant (ou pas) certaines enseignes. La publicité se glisse subrepticement dans les frigidaires et placards, sur les tables ou dans la salle de bain. C’est aussi la transmission intergénérationnelle au sein de la famille, processus dynamique tant descendant qu’ascendant (prescription enfantine), qui mérite d’être étudiée.
Bibliographie Berthelot-Guiet, K., Marti de Montety, C., & Patrin-Leclère, V. (2013). Entre dépublicitarisation et hyperpublicitarisation : une théorie des métamorphoses du publicitaire. SEMEN, (36), 53‑68.
Bô, D., & Guével, M. (2009). Brand content : comment les marques se transforment en médias. Paris : Dunod.
Brée, J. (2012). Kids marketing. Paris : Management et Société Eds.
Buckingham, D. (2010). La mort de l’enfance. Grandir à l’âge des médias. Paris : Armand Colin, INA.
Cova, B., & Cova, V. (2006). Alternatives Marketing : réponses marketing aux évolutions récentes des consommateurs. Paris : Éditions Tec & Doc.
De Iulio, S. (2010). Notes pour une histoire de la publicité destinée aux enfants  : théories, méthodes et pratiques en France (1900-1970). In Sociological Quarterly. Maison Française d’Oxford. Consulté à l’adresse mtpf.mlab-innovation.net
Gassmann, S. D., Coralie. (2011). Quand l’enfant prend ses marques... Il bouscule les conventions. Caen : EMS (Editions).
Heilbrunn, B. (2014). La marque (3e édition). Paris : PUF.
Heilbrunn, B. S., François de. (2010). La consommation et ses sociologies. Paris : Armand Colin.
Intartaglia, J. (2014). Générations pub De l’enfant à l’adulte, tous sous influence  ? Paris : De Boeck Supérieur.
Lachance, J., Mathiot, L., & Saint-Germain, P. (2015). Marques cultes et culte des marques chez les jeunes. Penser l’adolescence avec la consommation. Québec : Presses Universitaires de Laval.
Le Breton, D. (2008). La passion des marques commerciales. In D. Le Breton, Cultures adolescentes (p. 62‑74). Paris : Autrement.
Marti de Montety, C. (2014). Les marques, acteurs culturels - dépublicitarisation et valeur sociale ajoutée. Communication & management, 10(2), 22‑32.
Pecolo, A., & Bahuaud, M. (2014). La transmission à l’heure du brouillage des âges et des générations : Visite en terrain publicitaire. Epistémé, (12), 35‑56.
Sohn, A.-M. (2001). Âge tendre et tête de bois : histoire des jeunes des années 1960. Paris : Hachette littératures.
Calendrier Les propositions de contribution (3 000 signes maximum hors bibliographie, format.doc) sont à envoyer
avant le 1er octobre 2016
en copie aux deux coordinatrices du numéro.
Elles doivent mentionner l’axe auquel elles se rattachent, comprendre un titre ainsi qu’une présentation de(s) l’auteur(s) : nom, prénom, fonction, affiliation, e-mail.
Les auteurs dont la proposition d’article aura été retenue seront avertis à partir du 1er novembre 2016. Les articles complets (entre 25 000 et 35 000 signes espaces et bibliographie comprise), devront être envoyés, anonymisés, au plus tard le 15 janvier 2017 en copie aux deux coordinatrices du numéro. Ils devront alors respecter les consignes qui seront jointes. Notification aux auteurs des retours des évaluateurs jusqu’au 30 mars 2017. Date limite de renvoi des articles corrigés le 30 avril 2017. Numéro à paraître à l’automne 2017.
Coordinatrices du numéro Myriam Bahuaud, Université Bordeaux Montaigne, Laboratoire MICA
myriam.bahuaud@u-bordeaux-montaigne.fr
Agnès Pecolo, Université Bordeaux Montaigne, Laboratoire MICA