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AAC Revue Sur le Journalisme "Ethnicité, classe et genre dans la fabrique de l’information. Comment penser les stéréotypes dans les processus de production journalistique"

Date limite : 30 juillet 2017
Coordinateurs : Laura Navarro – PhD (Universitat de València, Espagne), Karen Ross (Newcastle University, Royaume-Uni), Eugénie Saitta (Université Rennes 1, France) launagar@yahoo.es, karen.ross@newcastle.ac.uk, eugenie.saitta@univ-rennes1.fr


Si la question des représentations stéréotypées dans les médias d’information a alimenté de nombreux travaux, les recherches portant sur l’influence des stéréotypes (en termes de genre, d’ethnicité, de classe, d’âge, etc.) dans les processus de production de l’information (Schudson, 1989) sont beaucoup plus rares. Les travaux proposés porteront donc leur attention sur la fabrication de l’information, sur les processus qui, en amont, aboutissent à l’élaboration des contenus journalistiques finis. Il s’agira de penser ces stéréotypes comme s’imposant aux acteurs qui en sont l’objet (qu’il s’agisse des journalistes, de leurs sources, ou encore des individus et des groupes dont on parle dans les médias), mais aussi de prendre en compte la façon dont ces acteurs s’en saisissent, les instrumentalisent, les détournent.
Les propositions d’article pourraient notamment s’orienter dans quatre directions.

Le premier axe concernerait l’analyse des stéréotypes (en termes de genre, d’ethnicité, de classe, d’âge, etc.) dans l’organisation du travail journalistique, et plus particulièrement dans la division du travail journalistique, aussi bien verticale (attribution des positions dans la chaîne décisionnelle) qu’horizontale (répartition thématique des tâches). Monica Löfgren Nilsson (2010) a ainsi montré combien, au sein de la télévision publique suédoise, les attentes de genre participaient à l’assignation des femmes aux « soft news » et des hommes aux « hard news » : les premières, perçues de façon essentialiste par les rédacteurs en chef comme passives-prudentes-hésitantes, étaient affectées le plus souvent aux recherches documentaires, au « travail sur le fond », tandis que les seconds, perçus comme actifs-fiables-assurés, et capables d’« attraper la balle au vol et de courir », étaient généralement envoyés sur le terrain quand il s’agissait de couvrir un événement « à chaud ». De même, Alicia Ferrández Ferrer (2012) pour l’Espagne ou encore Eugénie Saitta (2016) pour l’Italie ont montré que les perceptions ethnicisées des (in)compétences des rédacteurs conduisaient à une ségrégation horizontale des tâches selon laquelle les producteurs de l’information issus de l’immigration se voyaient assigner majoritairement la couverture des sujets portant sur l’actualité des pays d’origine et sur la vie des migrants dans le pays d’accueil.

Le second axe s’intéresserait à la façon dont les stéréotypes (en termes de genre, d’ethnicité, de classe, d’âge, etc.) influencent les processus de recrutement des journalistes et, plus largement, l’accès à la profession journalistique, voire la mise en œuvre de politiques publiques en matière de médias et de communication (visant par exemple à la discrimination positive des « minorités visibles »). Ainsi, des « fixeurs » issus des quartiers populaires sont-ils incorporés dans les rédactions des chaînes de télévision françaises, afin de faciliter l’accès des reporters à ces lieux et la sélection des protagonistes des reportages, sans pour autant leur octroyer le statut de journaliste, leur habitus de classe étant perçu comme un obstacle (Berthaut, 2013). De même, en Espagne, les stéréotypes ethniques, combinés à d’autres facteurs, restreignent la participation des journalistes issus de l’immigration aux seuls espaces médiatiques que constituent les émissions audiovisuelles à destination des publics migrants (Navarro, 2015).

Le troisième axe pourrait porter sur le rôle des stéréotypes (en termes de genre, d’ethnicité, de classe, d’âge, etc.) dans les relations des journalistes aux sources. Les propositions pourront aussi bien s’intéresser aux stéréotypes déployés par les journalistes à l’égard des sources qu’aux stéréotypes déployés par les sources à l’égard des journalistes, et aux effets que cela produit sur la sélection de l’information. Ainsi certains travaux démontrent-ils que les journalistes femmes parviennent parfois à transformer les stéréotypes de genre en ressource professionnelle, opérant un retournement du stigmate. Lucie Schoch et Fabien Ohl (2011) expliquent par exemple comment elles s’appuient sur leur présumée incompétence dans le domaine réputé « masculin » du journalisme sportif pour obtenir plus de temps avec leur interlocuteur, sous couvert de se faire mieux expliquer. Einat Lachover (2005) montre que les journalistes femmes adoptent deux tactiques, « the tactic of flirting » et / ou « ‘help me’ tactic », pour se jouer des stéréotypes selon lesquels elles sont perçues par leurs sources comme des objets sexuels, faibles et maternantes.

Le quatrième axe pourrait s’intéresser à la façon dont les stéréotypes (de genre, ethniques, de classe, d’âge, etc.) nourrissent les « visions du monde » des producteurs de l’information, leurs cadres de pensée, leurs normes, et influencent ainsi les cadrages de l’information. Jérôme Berthaut (2013) montre combien le sens commun rattaché aux « banlieues » alimente la typification (Tuchman, 1978) utilisée par les journalistes pour représenter ces quartiers populaires comme des quartiers de tours et de barres dans les JT. De même, Laura Navarro (2007), à partir d’une analyse portant sur les médias dominants espagnols, montre comment une vision orientaliste (au sens de Saïd) du monde arabe et de l’islam contribue à la relégation de nombreux sujets comme le travail des intellectuels musulmans réformistes, les féministes islamiques ou les mouvements sociaux des droits humains dans les pays arabes.
Chacun de ces quatre axes pourra mettre en évidence les manières dont les stéréotypes, les contraintes de production et les normes professionnelles s’articulent, se renforcent, ou encore, entrent en contradiction.
Cet appel à publication entend ainsi contribuer à la compréhension de la fabrique de l’information et des principes de vision et de division du monde qu’elle intègre et véhicule à la fois. Il éclairera plus largement les systèmes de catégorisation et de classement des groupes et des individus, et les stéréotypes qui informent ceux-ci.

Les articles peuvent être proposés en anglais, espagnol, français ou en portugais. Merci de soumettre les textes finaux (de 30 à 50 000 signes tout compris) avant le 30 juillet 2017

Évaluation en double aveugle. Les articles proposés doivent faire apparaître un référencement théorique, une méthodologie de recherche, un matériau d’analyse.

Plus d’informations : http://surlejournalisme.com/rev

Citer cet article : https://www.histoiredesmedias.com/AAC-Revue-Sur-le-Journalisme.html

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