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AAC Industries culturelles dans les Suds àl’heure d’internet. Diversité des acteurs et des reconfigurations locales , Cahiers d’Outre-Mer n°277

Date limite : 1er mars 2018

Les industries culturelles ont été marquées par de profondes mutations liées aux développement d’internet et plus largement à celui des technologies de l’information et de la communication (TIC) (Anderson, 2004 ; Benghozi, 2006 ; Bouquillion et al., 2013). Les évolutions dans les modes de création, production et diffusion de contenus culturels locaux et internationaux au cÅ“ur de ces industries (film, musique, arts visuels, arts de la scène, littérature) sont en partie repensées à travers les nouvelles possibilités offertes par les TIC : des outils de production numérique (audiovisuel, graphique, imprimantes 3D, services, …), aux réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Youtube Channel) en passant par les plateformes de streaming et téléchargement (Deezer, Netflix), mais aussi par les blogs personnels, applications pour smartphone, etc. Ces technologies se diffusent rapidement à l’échelle mondiale et avec elles l’idée que les TIC seraient le vecteur d’une mondialisation linéaire et inéluctable, entachée par un processus d’homogénéisation culturelle au profit des pays anglo-saxons. Cette approche est critiquée et nuancée dès les années 1980 à travers des travaux qui insistent sur la diversité des structures industrielles nationales et des choix faits en terme de politiques publiques (Mattelart et Schmucler 1983 ; Delapierre et Zimmermann, 1986). Par ailleurs, comme l’on déjà montré des études sur les configurations industrielles liées aux technologies antérieures — le disque en Jamaïque (Power et Hallencreutz, 2002), la musique enregistrée en Inde (Manuel, 1991 ; Parthasarathi, 2013), la radiodiffusion au Brésil, (Rivron, 2010) — les modalités d’appropriation (De Certeau, 1980 ; Appadurai, 1996) des technologies liées au développement d’internet varient elles aussi considérablement d’un pays à l’autre.

Cependant, l’étude de la diversité des politiques de transition numérique et des configurations socio-techniques (Flichy, 2001) qui ont contribué aux mutations récentes des industries culturelles dans les Suds, reste relativement marginale et mérite d’être mieux mise en lumière. Dans la continuité de ces réflexions, il apparaît que les nouvelles technologies dessinent dans les Suds des industries culturelles et créatives qui s’ancrent dans des agencements d’acteurs, de services et d’usages qui diffèrent sensiblement de ce que les discours des institutions centrales du marché ou des médias internationaux sur l’innovation peuvent laisser voir (Harker, 1997). Ainsi d’un côté, nous assistons à une consolidation dans l’espace international des représentations des marchés culturels dans les Suds comme étant toujours entachés d’inefficience due au piratage (Liang, 2009 ; Mattelart, 2011), à la faible application des droits économiques et sociaux des artistes, à la domination de l’économie informelle et aux systèmes de clientélisme ou de corruption (Lobato, 2012 ; Forest, 2012). De l’autre, ces espaces se constituent en marchés et en territoires de plus en plus attractifs pour l’organisation de filières d’industries créatives, en raison de mouvements de libéralisation économique successifs, de la croissance du marché de consommation, du réseau de distribution de biens culturels que constitue l’internet, du nombre croissant de créateurs de contenus culturels en ligne ou encore du coût et de la flexibilité du travail.

Dans ce contexte, des dynamiques nouvelles sont particulièrement intéressantes à explorer, parmi lesquelles :

l’essor de la production audiovisuelle au Sud : Bollywood et Nollywood, de même que la production musicale ou télévisuelle du Brésil ou de l’Afrique du Sud, partent de la consommation locale et déploient des hégémonies culturelles Sud-Sud ; le réinvestissement récent des marchés africains ou asiatiques par les opérateurs historiques dominants (Sony Music Entertainment, la Fnac, Newscorp/Murdoch, Bertlesman) ; la compétition entre les plateformes internationales pour s’associer à des acteurs locaux (en Inde, alliances d’Amazon studio avec Yash Raj Films et de Netflix avec Red Chillies appartenant à la star Bollywood Shah Rukh Khan) ; l’utilisation des dernières technologies de communication (Facebook, Instagram, Youtube Channel) dans la réinvention de formes visuelles ou musicales traditionnelles ou appartenant à la culture populaire, la circulation et l’acquisition de savoir-faire et la possibilité de faire émerger des discours, des pratiques culturelles et des circuits alternatifs (Rivron, 2014). Ce numéro propose de rassembler des contributions permettant de mieux comprendre l’articulation entre évolutions de l’environnement numérique et reconfigurations locales des industries culturelles dans les Suds. Bien que le terme soit contestable, les Suds, constituent une catégorie d’analyse encore féconde aujourd’hui pour penser un certain nombre d’asymétries et d’inégalités à l’échelle du monde, leur construction à l’échelle du temps long, mais aussi leur traduction à des échelles d’analyse plus fine (Bautès et Chiros, 2012). Une attention particulière sera accordée aux formes de structuration émergentes et novatrices qui, même si elles peuvent être marginales, permettraient de montrer que les Suds sont aussi des territoires pour repenser les liens entre le numérique et les industries culturelles, à la fois dans leur autonomie, mais aussi par reflet, pour mieux envisager les mutations à l’Å“uvre dans les industries au Nord. S’il n’y a pas une mais de nombreuses définitions des industries dites culturelles, nous nous inscrivons dans une approche qui inclue les secteurs les plus communément reconnus ou appartenant aux "core cultural industries" (Throsby, 2001 ; Unesco 2013) : le cinéma, la musique, la radio, la télévision, les arts de la scène, les arts visuels, l’artisanat d’art, l’édition et la presse.

Trois axes de réflexion seront privilégiés dans ce numéro et peuvent éventuellement être combinés :

1. Transitions numériques et politiques de régulation

Quels sont les programmes de transition numérique mis en Å“uvre aux échelles nationales ou régionales (Mercosur en Amérique du Sud, BIMSTEC en Asie Pacifique, CEMAC en Afrique Centrale, mais aussi le groupe des puissances émergentes que constitue le BRICS) et leur impact sur les industries culturelles ? Y a-t-il circulation de modèles de politiques culturelles numérique entre les Suds ? Comment sont gérés les processus de "mise aux normes" internationales (copyrights, royalties) des industries culturelles aux Suds et quels sont les conséquences de ces régulations ? Sont-elles perçues comme des leviers de développement économique ou comme une menace envers la création et circulation de certaines expressions artistiques ? Quels embrayages technologiques endogènes (Latouche, 1989) peut-on observer et qui permettent l’émergence de nouvelles formes artistiques, pouvant toucher des publics à l’échelle locale ou internationale. 2. Espaces de création et réintermédiation du travail artistique

Comment les mutations liées à l’arrivée d’internet affectent-elles les trajectoires d’artistes et d’intermédiaires ? Comment les réseaux de coopérations anciens participant à la réalisation d’Å“uvres (visuelles, musicales, audiovisuelles etc.) sont-ils repensés avec l’évolution des TIC ? En d’autres termes, y a-t-il une nouvelle géographie de la production ? Ces configurations permettent-elles une certaine émancipation ou au contraire renforcent-elles la précarisation des travailleurs culturels ? Les espaces numériques représentent-ils des arènes de légitimation artistique, des espaces où se créent les carrières ? Les artistes sont-ils confrontés à de nouveaux gatekeepers et/ou à de nouveaux droits d’entrée dans la profession ? Quel rôle attribuer plus particulièrement aux plateformes professionnelles et aux médias sociaux dans la chaîne de valeur, les formes de reconnaissance et les circuits de distributions de biens et de messages ? Quels enjeux soulèvent le déploiement des plateformes locales ou internationales de distribution de films, de musique, ou d’autres biens artistiques, pour les filières des contenus et les acteurs historiques des industries culturelles ? Y a-t-il des évolutions singulières des logiques de financement dans les Suds (logiques de verticalisation, concentration à l’extrême, crowdfunding) ? Dans quelle mesure les smartphones transforment-ils la façon dont les contenus culturels circulent et se valorisent économiquement ? Quels rôles jouent les opérateurs téléphoniques dans l’offre de contenus et les modes de rémunération de la chaîne de production ? 3. Économies culturelles numériques et transformations des territoires des industries culturelles

Quelles articulations entre économie numérique et informelle observe-t-on ? Quelles sont les stratégies de territorialisation des acteurs mondiaux (Amazon, iTunes, Deezer etc.) en lien avec de nouveaux publics et nouveaux marchés dans les Suds ? Quelles sont les nouvelles formes d’asymétries sociales et territoriales (chaînes de valeur, marges des marchés et exclus des politiques de transition numérique) ? Les supports numériques permettent-ils vraiment l’intégration et la visibilité de territoires géographiquement en marge dans les dynamiques culturelles “mainstream”. Doit-on considérer ces configurations comme favorables à des formes nouvelles d’autonomie ou de dépendance des périphéries subalternes ? Y a-t-il délocalisation du processus de validation/valorisation par des agences du Nord ou réelle indépendance des industries ? Comment peut-on repenser le modèle classique des oligopoles à frange à l’heure du “cyber-espace” et de la mondialisation (Bénistant, 2017) ? Ce numéro est ouvert aux contributions originales permettant de mieux répertorier et appréhender la diversité de ces phénomènes à partir de terrains récents et d’analyses qui accordent une attention particulière aux dimensions spatiales et socio-anthropologiques (parcours de vie d’artistes, d’intermédiaires et de startups qui permettent de cartographier les expériences). Une partie comprenant un état de l’art sur l’approche des industries culturelles dans le(s) pays étudié(s) et des principaux enjeux liés à l’arrivée de l’internet sera particulièrement appréciée.

Conditions de soumission
1er Mars 2018 : envoi de résumés (500 mots) en français ou en anglais comprenant un titre et 5 mots-clés

1e Mai 2018 : date butoir pour la soumission des textes complets en français ou en anglais.

Les textes doivent être au format .doc et à 50 000 signes maximum (comprenant la bibliographie, les résumés, mot clés et présentation du/des auteurs). Plus d’information sur les formats et les recommandations aux auteurs : https://com.revues.org/7501

Procédure d’évaluation des articles soumis : https://com.revues.org/7499

Novembre/Décembre 2018 : date prévisionnelle de la parution du dossier dans les Cahiers d’Outre-Mer.

Les résumés et articles complets seront conjointement envoyés à vassili.rivron@unicaen.fr et christine.ithurbide@gmail.com

Citer cet article : https://www.histoiredesmedias.com/AAC-Industries-culturelles-dans.html

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