Accueil du site > Ressources > Mémoires et thèses > Villes rêvées, villes introuvables. Histoire des représentations audiovisuelles des grands ensembles à la télévision, au cinéma et dans les films institutionnels du milieu des années 1930 au début des années 1980

Mémoires et thèses

envoyer l'article par mail title= envoyer par mail Version imprimable de cet article Version imprimable Augmenter taille police Diminuer taille police

CANTEUX Camille, Villes rêvées, villes introuvables. Histoire des représentations audiovisuelles des grands ensembles à la télévision, au cinéma et dans les films institutionnels du milieu des années 1930 au début des années 1980, sous la direction de Annie Fourcault, Thèse de doctorat d’histoire, Univ. Paris I, 2008.

Au cœur des images actuelles de la banlieue, les grands ensembles n’ont pas toujours eu ce visage banlieusard fait de façades lépreuses, d’uniformité et de violence. Alors que la représentation de la banlieue de l’entre-deux-guerres ou des années 1980 et 1990 a été étudiée et que l’on n’ignore désormais peu de chose de l’histoire des grands ensembles, on méconnaît l’histoire de leurs représentations.
Celles-ci sont ancrées dans un registre légendaire, qui fait se succéder la légende rose du bonheur des premiers habitants, celle, grise, de la sarcellite, et celle, noire, d’une « racaille » qui peuple désormais ces cités assimilées à une banlieue effrayante. On ignore quand et comment l’image des grands ensembles a basculé de la modernité au monstre architectural. Au croisement de l’histoire urbaine et de l’histoire culturelle, cette recherche retrace l’évolution des représentations audiovisuelles des grands ensembles du moment où les premiers prototypes sont édifiés et filmés, au milieu des années 1930, à celui où l’on envisage leur démolition au début des années 1980. Elle s’appuie sur un grand nombre de films d’origines variées – télévision, cinéma, films institutionnels – pour montrer comment s’est construite, à l’image, la représentation des grands ensembles, en dégageant des temporalités, des ruptures, des continuités, tout en tenant compte des emprunts à des représentations plus anciennes des espaces urbains. L’attention à la circulation des représentations, qui met en évidence l’apparition, la diffusion et la disparition de certaines images et de certains thèmes, est au cÅ“ur de la démarche de cette thèse qui vise à comprendre le rôle des différents médias dans la construction des représentations des grands ensembles. Ce travail montre également dans quelle mesure les images, qui ont contribué à forger une réalité au départ mal définie, ont anticipé, voire influencé le rejet actuel des grands ensembles.
Les quatre axes autour desquels s’articule cette recherche répondent à ce questionnement.
Il s’agit tout d’abord de présenter le cadre historiographique dans lequel prend place ce travail, situé au carrefour de l’histoire urbaine du contemporain et d’une histoire des représentations fondée sur l’analyse de sources audiovisuelles.
La deuxième partie présente ce corpus original, composé de sources distinctes et hétérogènes dont la confrontation est légitimée par des apports théoriques, par la cohérence et la perméabilité du corpus et par des méthodes d’analyse qui, tout en prenant en compte les spécificités génériques des films, permettent de les mettre en relation. L’analyse synchronique, qui étudie l’ensemble des films comme s’ils n’en constituaient qu’un seul, sans considération chronologique, témoigne elle aussi de la cohérence du corpus. Elle révèle que le grand ensemble, des années 1930 aux années 1980, est montré à l’écran comme un lieu à part, non seulement par sa géométrie, son immensité et sa relation à la ville, mais aussi par la rupture qu’il constitue avec l’espace urbain traditionnel et par la population qui l’habite. Cette partie montre aussi que, tout au long de la période, les grands ensembles constituent, à l’écran, une ville toujours rêvée et toujours introuvable. Chaque nouveau grand ensemble cristallise l’espoir qu’une solution à la ville est trouvée et chasse ainsi les précédentes cités dans le domaine de la non-ville.
Les troisième et quatrième parties mettent à jour l’évolution des représentations audiovisuelles des grands ensembles sur l’ensemble de la période, en confrontant plusieurs échelles d’analyse, celle de l’ensemble des films, celle d’un média, d’une œuvre ou d’une série, chaque chapitre se concluant par une étude de cas. Jusqu’à la fin des années 1960 se construisent les premières images des grands ensembles, allant de l’adhésion au rejet. Les grands ensembles constituent dans un premier temps à l’image une solution à la crise du logement, à la crise de la ville et à celle des banlieues honnies. Ils représentent également l’entrée de la France et des Français dans la modernité. Pourtant, ils suscitent très tôt une inquiétude dont témoignent les sources dès le début des années 1960. Alors qu’en 1967 l’ensemble des cadres de la condamnation des grands ensembles à l’écran sont posés, le début des années 1970 marque un tournant dans leurs représentations, dans la mesure où ils sont progressivement associés à la banlieue et à la relégation. Les grands ensembles deviennent l’incarnation d’une ville et d’une banlieue que l’on rejette. Alors intimement liés à la précarité, ils s’apparentent à de nouveaux taudis et sont le cadre de tensions et de violences croissantes. Si, ponctuellement, des images de grands ensembles heureux demeurent, on s’interroge bientôt, à l’écran, sur le sort à réserver à ce legs devenu encombrant.
En savoir plus : http://corail.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SET=2/TTL=1/SHW?FRST=1
Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Villes-revees-villes-introuvables.html