Ouvrages de référence
DOUYÈRE-DEMEULENAERE Christiane, Séverine et Vallès : Le Cri du peuple , Paris, Payot, 2003.
« Je meurs de ce qui vous fait vivre, de révolte et de haine… Je meurs de n’avoir été qu’une femme alors que brûlait en moi une pensée virile et ardente, je meurs d’avoir été une réfractaire. » C’est avec ces mots forts, lancés comme un cri de détresse, que Caroline Rémy (1855-1929) - qui prendra comme nom de plume Séverine - se présente à Jules Vallès (1832-1885) qu’elle a rencontré à Bruxelles un jour de 1880. Lui, le vieil insurgé, le héros de la Commune de Paris, le proscrit, l’écrivain pourfendeur de l’ordre bourgeois ; elle, la jeune femme en rupture de ban, mariée trop jeune et trop vite à un mari brutal, en quête d’émancipation, d’idéal de justice et d’égalité sociale. Une étincelle se produit qui fusionne ces deux êtres ; il est le père dont elle a rêvé, elle est la fille qu’il n’a pas eue. Il est le maître, elle est l’élève. Coup de foudre ? Non, plutôt adoption mutuelle.
Pendant cinq ans, ils vont former l’un des couples les plus étonnants, détonants même, de la France des années 1880 et vont mener ensemble la lutte pour la Sociale. À l’école de Vallès, Séverine se forge « un cÅ“ur de citoyenne et un cerveau de citoyen ». À ses côtés, elle découvre la Révolution et elle apprend à voir, à entendre, à méditer sur les misères du peuple. Ils fondent le Cri du peuple, un journal populaire et engagé qui aspire aussi à fédérer tous ces courants rivaux du socialisme plus prompts à se déchirer qu’à s’unir. Ils inventent le journalisme moderne, publient reportages et interviews, enquêtent sur le terrain auprès des classes populaires. Ils sont à la presse ce que Zola est au roman, mais avec en plus l’authenticité et la flamme de ceux qui se battent et qui croient que le grand jour est pour bientôt.
Nous avons tous lu la trilogie de Vallès, L’Enfant (1881), le Bachelier (1881) et l’Insurgé (1886), mais nous connaissons moins le militant de la Sociale et le patron de presse à l’âme encore romantique. Dans une écriture musclée et un style alerte, Christiane Douyère-Demeulenaere retrace, sur fond de République opportuniste, de montée de l’anarchisme et du nationalisme, la passion intellectuelle qui lia durant cinq ans ces deux personnalités exceptionnelles, dont les sentiments étaient sincères et le cœur plein de générosité et d’amour pour l’humanité.
Lire la recension d’Odile Krakovitch
Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 31 (2005)
http://rh19.revues.org/index976.html
En savoir plus : http://www.payot-rivages.net/livre_Severine-et-Valles-Christiane-Douyere-Demeulenaere_ean13_9782228897082.html