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"La pensée du cinéma dans l’histoire"
1895. Revue d’histoire du cinéma
n°62, hiver 2011.
Le dernier numéro de 1895 est largement centré son sommaire sur des questions de théorie et d’esthétique du cinéma.
La partie « Point de vue », due à Laurent Le Forestier, est consacrée à ANDRE BAZIN envisagé tout autrement qu’on a coutume de le faire : non pour célébrer le penseur individuel, génial et précurseur mais celui qui se trouve aux croisements d’un ensemble de positions et de discours sur le cinéma des années 40-50 dont il donne en quelque sorte la synthèse tout en ouvrant à sa transformation. Empruntant son titre à une conférence de Michel Foucault sur le rôle de Cuvier dans l’histoire de la biologie, l’article fait ainsi l’hypothèse d’une « transformation Bazin ».
La partie dévolue aux « Etudes » est consacrée à deux penseurs majeurs du cinéma : Béla Balázs et Jean Epstein. BELA BALAZS, dont l’actualité éditoriale permet d’accéder à son premier ouvrage, Der sichtbare Mensch, demeure mal connu en France pour sa réflexion sur le medium à partir des liens entre le visible et l’invisible de l’image, qui l’a conduit à élaborer une physiognomonie des êtres et des choses. Dans son étude, « Profondeur du visible », le chercheur new-yorkais Mikhaïl Iampolski aborde Balázs dans le cadre des théories germaniques sur le cinéma des années 10-20, centrées sur le corps, la physionomie, le geste. Le cinéaste JEAN EPSTEIN se double, on commence à s’en rendre compte depuis quelques années, d’un penseur prolifique et fécond que la dominante critique d’après-guerre occulta à peu près totalement. Ses livres pourtant (le Cinéma du diable, Intelligence d’une machine, l’Esprit du cinéma...) envisagent le medium dans des catégories conceptuelles que la conjoncture actuelle retrouve ou croise avec les technologies numériques et leurs effets sur les définitions tant « ontologiques » qu’esthétiques (temps, espace, mouvement, répétition, etc.). Dans l’étude qu’il lui consacre à partir des notes manuscrites du cinéaste, Eric Thouvenel s’intéresse à « Epstein lecteur de Bachelard » et relève les points de croisement entre l’épistémologie
de la discontinuité du philosophe, opposant à la durée bergsonienne l’instant, l’arrêt, la césure, et l’auteur du Tempestaire réfléchissant aux propriétés du cinéma qu’induisent ses propriétés techniques. Janet Bergström, enfin, rouvre le dossier complexe et laissé à une certaine confusion du Carrosse d’or de JEAN RENOIR, à partir d’une recherche qui exploite avant tout la « piste » du producteur italien de ce film, Francesco Alliata, et l’ouvre aux différents « possibles » qu’il généra avant de devenir le film que nous connaissons.
Dans la partie « Archives » Eugénie Zvonkine – auteur d’une thèse sur cette réalisatrice roumaine et soviétique, aujourd’hui ukrainienne – étudie sur pièces les difficultés que rencontra KIRA MOURATOVA dans la production de son film Parmi les pierres grises dans les années 80. C’est un éclairage concret, documenté sur les mécanismes de la production en URSS, de l’élaboration des scénarios, du contrôle formel qui s’exerce et finalement de la censure idéologique et du rôle des instances politiques, mécanismes qui ont fortement modelé une production qui était l’une des plus importantes au monde avant 1991.
Dans la partie « Chroniques », comme de coutume (et toujours seule à le faire dans le paysage éditorial français), notre revue est consacrée aux recensions critiques d’ouvrages, de revues, de dvd concernant l’histoire du cinéma et ses différentes approches, ainsi qu’à des compte-rendus de manifestations savantes et patrimoniales en France et à l’étranger (expositions, festivals).
Tirant en outre un fil qui traverse la plupart des textes de ce numéro, la
situation de l’édition des livres de cinéma en France est abordée de front Ã
propos de quelques parutions récentes et des problèmes qu’elles posent.