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table-ronde animée par Patrick Eveno
"Pourquoi les journalistes ont-ils toujours eu mauvaise presse ?"
Animée par Patrick Eveno, maitre de conférence à l'université de Paris I, la dernière table-ronde proposait de s'intéresser, non pas au rejet de l'Etranger représenté, mais à celui de son étrange représentant en interrogeant une affirmation : « Pourquoi les journalistes ont-ils toujours eu mauvaise presse ? ». Un journaliste-historien et un historien du journalisme se sont d'abord penchés sur le « toujours » en dressant le tableau d'une profession à la fois hégémonique et fragile.
Pour Thomas Ferenczi, d'une part, directeur adjoint du Monde, le journaliste est l'homme « qui a d'autant plus de pouvoir qu'il a moins de savoir » et doit avant tout préserver sa « relation avec le public ». Profession manipulatrice ou manipulées ? Dans l'inconfort de son paradoxe, le journaliste doit subir le feu des critiques. Mais si les « maladies du journalisme » sont réelles depuis le XIXème siècle, leur cause est moins soumise aux circonstances immédiates qu'à la nature même d'une profession mal définie et prise entre deux héritages. Christian Delporte est donc revenu sur ces fondations fragiles avant d'envisager les remèdes et ses incessants balbutiements tout au long du XXème siècle. Injuste ou non, la critique n'en demeure pas moins une nécessité pour le journaliste. Elle lui permet, comme en a témoigné Pascal Arnauld, rédacteur en chef de la Nouvelle République, d'activer le lien entre le lecteur et son journal, celui-ci ouvrant volontiers ses colonnes pour accueillir le jugement public. Analysant cette « réactivation du processus démocratique au sein des entreprises » et de « l'interface avec le lecteur », le sociologue Cyril Lemieux y voit même l'un des principaux remparts contre la « transgression d'une déontologie ». Déontologie existante au sein de toutes les rédactions mais qui, en raison de contraintes liées à l'exercice journalistique et aux logiques de concurrences, font plier de gré ou de force le journaliste vers un retranchement critiquable. Et critiqué, pour le salut de nos démocraties !