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10 - Peopolisation et politique

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Positions de thèse

Le Temps des médias n°10, printemps 2008, p.224-227

Grégoire Kauffmann, Edouard Drumont, 1844 -1917, IEP Paris (dir. Jean-Pierre Azéma), 8 mars 2007

La présente étude se propose de retracer la carrière d'Edouard Drumont (1844-1917), de restituer les enjeux qui éclairent son action, de relier son itinéraire aux comportements collectifs de son temps et de comprendre, à travers lui, les causes profondes d'un phénomène historique – l'antisémitisme français – qui dépasse sa seule personne. Les relations contradictoires du polémiste avec la modernité, la spécificité de son catholicisme, ses liens avec les différentes composantes du socialisme français et son rôle dans l'émergence du nationalisme ont en particulier retenu notre intérêt. De la publication de La France juive (1886) au déclenchement de la crise dreyfusienne (1898), Drumont radicalise ses attaques contre les conservateurs et multiplie les contacts dans des milieux que tout oppose au catholicisme social, la famille de pensée dont il était jusqu'alors le plus proche. Il tente de rallier à ses thèses quelques leaders socialistes comme Benoît Malon ou Jules Guesde. Après le lancement de son journal La Libre Parole en 1892, il nouera des alliances ponctuelles avec Gustave Rouanet, Alexandre Millerand ou René Viviani. Ce jeu de séduction mutuelle prend fin en 1898. Au sortir de la crise dreyfusienne, l'antisémitisme fait figure de parent pauvre du nationalisme, lui-même condamné, pour survivre, aux alliances avec la droite conservatrice. Notre attention s'est plus particulièrement concentrée sur les années 1886-1902, de la publication de La France juive à la défaite électorale de Drumont en Algérie. Cette période couvre en effet les principaux temps forts de sa carrière et voit culminer sa popularité. De nombreuses sources manuscrites inédites ont été exploitées.

Grégoire Kauffmann

Claire Sécail, Le fait-divers criminel à la télévision française (1950-2006). Etude de la fabrique et de la mise en scène du récit, Université de Versailles Saint-Quentin (dir. Christian Delporte), 11 octobre 2007

La thèse [1] porte sur l'étude de deux objets de la culture de masse, le fait-divers criminel et la télévision, analysés sous l'angle d'une double problématique : le champ des pratiques journalistiques et celui des représentations. Autour de l'événement criminel s'active en effet toute une profession qui, du petit reporter au chroniqueur judiciaire, s'organise, se professionnalise et connaît des mutations au rythme des changements politiques, sociaux, culturels et médiatiques. Mais parce que l'écran renvoie l'image d'une société en mouvement et que le fait-divers reflète plus particulièrement les anxiétés collectives, les peurs réelles ou fantasmées qui interrogent et participent à la perpétuelle redéfinition des normes régulatrices des sociétés, la thèse analyse également les principales figures de la menace qui se dégagent de ces récits. Dans le sillage d'une historiographie désormais féconde sur le fait-divers, l'étude entend montrer plus distinctement, à la lumière de la longue durée, la particularité du petit écran dans la mise en scène de l'événement criminel, en plaçant l'image de télévision au cœur de la réflexion. La recherche s'organise en trois parties chronologiques, correspondant chacune aux trois différentes périodes observées et mises en lumière.

La première période, qui couvre les origines de l'information télévisée en 1949 jusqu'en Mai 68, est caractérisée par une marginalisation, voire un rejet de l'événement criminel. Il s'agit, à l'heure où la nation française vient de faire la douloureuse expérience de la guerre, de l'Occupation et de la division, d'œuvrer à l'entreprise de moralisation de la société. La télévision, instrument au service du pouvoir politique, devient le vecteur privilégié de cet impératif de reconstruction de l'unité nationale. Dans ce contexte, le fait-divers criminel, parce qu'on craint qu'il ne valorise des contre-modèles dangereux et vienne influencer le public et en particulier la jeunesse, fait l'objet d'un rejet collectif, de la part des responsables politiques comme des journalistes. Toutefois, à cette date parviennent néanmoins à Ã©merger, malgré les difficultés techniques et budgétaires inhérentes de l'information télévisée, les rubriques du récit criminel traditionnelles : l'information générale et la chronique judiciaire, cette dernière étant représentée pour la première au petit écran dès 1958 par le théâtral Frédéric Pottecher. La figure criminelle est donc peu visible à la télévision, mais lorsqu'elle apparaît, elle s'entoure généralement d'un discours humaniste qui cherche moins à condamner qu'à comprendre les causes de l'acte criminel, afin d'y remédier.

La deuxième période, qui s'ouvre au début des années 1970 et se prolonge jusqu'au milieu de la décennie suivante, est celle du développement du récit criminel à la télévision. Le contexte de concurrence, qui caractérise désormais le paysage télévisuel en particulier et médiatique en général, n'est pas sans effet sur cette plus grande exposition des faits-divers dans les journaux télévisés et les magazines d'information. L'émotion, sans surprise, reste un capteur d'autant plus puissant qu'elle est supportée par l'image. Toutefois, cette inflexion correspond également à un réel intérêt journalistique pour les sujets de sociétés et les grandes questions qui alimentent le débat national (peine de mort, sécurité, avortement…). La télévision, qui parvient – dans certaines limites - à s'affranchir au cours de la période de la tutelle politique, cherche désormais, à travers l'évocation de quelques affaires criminelles, à aborder et débattre de sujets dérangeants, objets de polémiques ou de division. Simultanément, on assiste à un renouvellement des hommes et des pratiques journalistiques : face au criminel, la nouvelle génération de chroniqueurs se montre ainsi plus prudemment impartiale, moins automatiquement encline à expliquer le geste criminel et plus aisément apte à le condamner.

La troisième période, qui s'amorce au cours des années 1980 et se prolonge jusqu'à la fin chronologique de notre étude, est caractérisée non plus par l'essor mais par une véritable inflation et un éclatement du récit criminel. La création de chaînes privées, la privatisation de chaîne publique, la concurrence de la radio et de la presse illustrée n'ont, au fond, fait que renforcer des évolutions déjà sensibles au cours de la période précédente. Si les journaux télévisés et les magazines d'informations restent l'espace privilégié du récit criminel, on voit ce dernier apparaître dans des genres plus aptes à exploiter le potentiel dramatique de l'événement : fiction, divertissement, reality show, talk-show, etc. revisitent les mystères présents ou passés, façonnant ainsi une mémoire télévisuelle de l'événement criminel. Le crime devient un spectacle d'autant plus télévisuel qu'il se nourrit désormais d'une figure jusqu'alors ignorée des récits : la victime, dont la parole se libère et trouve avec la télévision un puissant relais. Mais la spectacularisation favorise également les dérapages et le fait-divers devient alors quelquefois l'amorce d'une – rapide - réflexion déontologique sur les pratiques journalistiques. Celles-ci ont effectivement beaucoup évolué avec l'affirmation d'un journalisme audiovisuel et l'influence de la communication qui place le fait-diversier et le chroniqueur judiciaire dans une relation plus étroite avec les institutions concernées (police, gendarmerie, justice). Reste qu'au-delà des évolutions sensibles, le récit criminel télévisuel présente quelques permanences au fil des époques, au premier rang desquels la saisissante pauvreté du récit criminel télévisuel. Trop réalistes, constamment en retard sur l'événement, les images mêmes ne rapportent effectivement qu'une vision décalée et désincarnée de ces affaires qui, paradoxalement, génèrent régulièrement de véritables passions nationales. Comme la presse écrite du xixe siècle, l'essor du fait-divers à la télévision est finalement indissociable du contexte économique et de la mise en concurrence des industries culturelles : la rubrique reste un choix éditorial stratégique révélateur des volontés des journalistes et programmateurs de capter et séduire les publics.

Claire Sécail

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Positions-de-these.html

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