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Recensions d’ouvrages

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Ouvrages : Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France du Second Empire au régime de Vichy et Histoire du sport en France de la Libération ànos jours (Vuibert, 2007). Recension par Patrick Clastres.

En presque mille pages, Philippe Tétart réussit, là, une belle prouesse éditoriale qui reflète le rattrapage historiographique réalisé par les historiens du sport depuis une trentaine d’années. Venus d’horizons disciplinaires fort variés (histoire, sociologie, économie, staps), les trente auteurs sollicités mettent à la disposition de la communauté savante et du grand public une somme tout à fait lisible organisée en trente-trois chapitres thématiques, tous scrupuleusement périodisés. Rayonnement sportif national, culture de guerre, propagande, politiques publiques y compris municipales, genre, tourisme et bâtiment, violence et dopage, aventure et vertige, aucun aspect du phénomène sportif n’est vraiment négligé. Très souvent, un effort méritoire a été réalisé pour sortir d’une histoire autocentrée sur le sport et articuler les analyses aux problématiques plus générales de l’histoire de France. Forte de plus de quatre cents entrées et exclusivement consacrée au phénomène sportif, la bibliographie aurait assurément mérité une présentation raisonnée. Sinon, les nombreux graphiques et tableaux permettent une juste mesure de la conversion des Français à l’exercice et au spectacle sportif. Quant à l’index des personnages cités, il favorise de savoureuses cohabitations : Gino Bartali et Raymond Barre, David Ginola et Françoise Giroud, Laure Manaudou et André Malraux, Raymond Poulidor et Pierre Poujade, etc.

Outre la fabrique des héros et des stars du sport (Patrick Mignon, vol.2, chap.16) ou le déploiement des rituels sur « les étranges lucarnes » (Philippe Liotard, vol. 2, chap.17), deux chapitres retiendront tout particulièrement l’attention des historiens et des spécialistes des médias. Philippe Tétart s’intéresse à la « première médiatisation des passions sportives » qu’il fait courir de l’apparition, dans la décennie 1850, des premiers journaux hippiques, cynégétiques et mondains jusqu’au « sport radiophonique » des années 1930 (vol. 1, chap.12). Le même auteur, accompagné de Merryl Moneghetti et de Fabien Wille, reprend la plume avec la renaissance de L’Auto le 28 février 1946, qui titre désormais L’Équipe, pour aboutir à l’ère des chaînes thématiques sportives inaugurée en 1989 par la création d’Eurosport (vol. 2, chap. 9). Ces pages sont tout à fait neuves dans la mesure où, à ce jour, il n’existe aucune monographie sur la presse sportive française, aucune thèse d’histoire sur la place du sport dans les programmes radio de l’entre-deux-guerres ou sur les relations entre télévision et sport depuis les années 1950.

À la suite du turf, la vélocipédie et le cyclisme des années 1870-1890 font la presse sportive et inversement. C’est bientôt la Belle Époque des quotidiens et des périodiques sportifs particulièrement enrichis d’illustrations et, très vite, de photographies. Le patron de l’agence Havas Henri Houssaye peut alors déclarer en 1910 : « Aujourd’hui tout le monde est plus ou moins sportsman et les quotidiens nous demandent d’alimenter une chronique de plus en plus volumineuse. » Dans l’entre-deux-guerres, la concurrence s’aiguise entre la presse spécialisée, les quotidiens d’information générale qui accordent une pleine page aux rubriques sportives, et la TSF, au point de mettre à mal le leadership de L’Auto. Le Petit Parisien lance en 1924 le grand reporter Albert Londres sur les routes du Tour de France tandis que Radio-Toulouse-L’Intran innove avec des « quotidiennes » en 1929 et que Paris-Soir n’hésite pas à couvrir sa Une de photographies de sport. Le monopole du journal L’Équipe n’est entamé ni par la floraison des magazines sportifs dans les années 1960-1970 ni par l’offre sportive télévisuelle qui connaît une croissance exponentielle à partir de la naissance de Canal+ (232 heures par an en 1968, 989 heures en 1984, 56 118 heures en 2003). Par-delà ces quelques temps forts, on pourra reconstituer la trame de plusieurs genèses et développements : corporation des journalistes sportifs, course à l’innovation technique, concurrence et synergie entre médias, formes d’écriture.

Que le sport envahisse les pages du Monde depuis 1995, que le spectacle cathodique de la finale de la Coupe du monde de football 1998 rassemble jusqu’à vingt millions de Français, que les hommes politiques miment les sportifs, tout cela aura permis in fine à l’histoire du sport de trouver sa légitimité.

Patrick Clastres

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 10, printemps 2008, p. 259-260.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Ouvrages-Philippe-Tetart-dir.html