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Ouvrage : Simon J. Potter (dir.), Newspapers and Empire in Ireland and Britain. Reporting the British Empire, c. 1857-1921 (Four Courts Press, 2004). Recension par Michael Palmer.

Passé de mode à plusieurs égards encore que… l’empire et le discours impérial hantent les travaux de certains historiens anglophones des mentalités, de l’opinion et de la presse : « le fait colonial », et le rôle qu’y jouent les journaux et périodiques, les agences de presse, les réseaux télégraphiques, économiques et géopolitiques, mais aussi les liens de sociabilité, d’influence, et d’échanges professionnels, lorsque l’empire britannique était à son apogée, font l’objet de ce travail dont Simon Potter est le maître d’œuvre. Treize historiens explorent ici diverses facettes des rapports entre l’empire et l’opinion. La vision est décentrée en quelque sorte ; une vision « anglo-saxonne » est questionnée par une mise en avant des communautés « celtes » – au Pays de Galles, en Écosse, en Irlande (surtout) et à New York ; même le discours impérial du journal The Times de Londres est appréhendé, en quelque sorte, à partir du regard du journaliste irlandais, W.F. Monypenny (1866-1912), correspondant du journal à Johannesburg et rédacteur en chef du Johannesburg Star, hostile aux Boërs lors de la guerre de 1899 à 1902, et, à en croire Jacqueline Beaumont, « convaincu de la suprématie des colons britanniques ».

Scruter les écrits des journalistes dissertant sur l’« opinion » depuis des lieux-phares de l’empire à travers le monde anglophone permet de relativiser la rhétorique d’empire forgée par des politiques et des journalistes et véhiculée par la presse de Londres. Suggère-t-il aux historiens de l’empire français une manière prometteuse pour étudier les représentations du « fait colonial » ?

Ce serait un juste retour des choses car la publication en 1982 de An empire for the masses de William Schneider, ouvrage portant sur l’Afrique dans l’imaginaire français, stimula les chercheurs anglophones d’alors, qui exploraient le rôle de la presse dans les différentes colonies et possessions outre-mer. Schneider employa diverses techniques d’analyse de contenu, avec force mesure des papiers à la une et colonnes cm2 (pardon « pouces » carrées) consacrées à l’Afrique (p. 24). Ici, S.J. Potter revient sur l’apport et les limites des études lexicométriques. Il souligne surtout la conjonction entre l’abolition des impôts sur le savoir en Grande-Bretagne (1853-1861), l’accélération de la cadence des transmissions, ainsi que la réduction de « la barrière spatio-temporelle » qui en résulta, et la promotion du « fait impérial » dans la presse. Ce processus se dessine entre les années 1850 et 1900, et connaît un point d’orgue dans les années 1870, qu’exemplifient notamment les suppléments spéciaux du Illustrated London News.

Parmi les questions soulevées par les divers collaborateurs de l’ouvrage, relevons celles-ci : l’importance des colons eux-mêmes comme source d’information, aussi bien dans les années 1850 que dans les années 1900 ; le nombre limité de vecteurs d’information (le rôle de l’agence Reuters, par exemple, dont le futur dirigeant, Roderick Jones, débuta dans la presse d’Afrique du Sud) ; la prégnance d’un discours, plus implicite qu’explicite, sur les valeurs de la communauté anglo-saxonne, plutôt protestante, et la primauté, si l’on puit dire, de l’Afrique du Sud et des Indes dans la couverture des colonies et dans l’imaginaire colonial britannique : l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, parmi les possessions impériales dites de peuplement « blanc » d’importance, sont plutôt absents de ces pages.

Les chapitres de l’ouvrage traitent pour partie d’études de cas circonscrites (exemple : la couverture par la presse irlandaise de la mutinerie des sepoys en Inde, 1857) et pour partie de thématiques telles l’idéologie de l’empire, la presse vecteur de la propagande et composante parmi d’autres de l’opinion publique. L’ouvrage atteint son but : proposer une lecture décentrée et souvent iconoclaste de l’action de la presse dans le va-et-vient des échanges entre Londres et les lieux-phares de l’empire britannique.

Michael Palmer

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 5, automne 2005, p. 225-226.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Ouvrage-Simon-J-Potter-dir.html

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