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Ouvrage : Kai Hafez, The Myth of Media Globalization (Polity Press, 2007). Recension par Michael Palmer.

Professeur de Communication internationale et comparative à l’université d’Erfurt, Kai Hafez revient dans ce livre, qui est la traduction d’un ouvrage paru en allemand en 2005, sur l’émergence d’un espace public global que formeraient les médias, notion liée au débat sur la mondialisation/globalisation. Les acceptions complexes, parfois opposées, que revêtent les mots en français et en anglais sont ici enrichies par l’apport d’un chercheur publiant en allemand et en anglais, qui est au fait de la littérature actuelle sur le sujet et qui scrute les dimensions internationales, régionales et locales des flux de l’information et de la communication. Etudes de cas et tentatives de conceptualisation des logiques des acteurs de la « communication mondiale », à la différence de « la communication-monde », pour reprendre la formule employée par Armand Mattelart, sont menées de front. L’auteur revisite les débats sur la mondialisation d’une part et d’autre part sur les médias à rayonnement international ou à l’échelle des Régions-Monde, voire de bassins linguistiques de la planète. Plusieurs des travaux antérieurs de K. Hafez qui portent sur les flux et les stratégies des acteurs au Moyen-Orient, entre l’Occident et l’Asie, et dans les pays des espaces arabes et musulmans nourrissent son argumentation. Les perspectives depuis l’Allemagne, qu’il s’agisse du rôle de la Deutsche Welle ou de la question des médias de langue turque en Allemagne, influencent également sa manière d’aborder ces débats.

A lire K. Hafez, disséquer les intentions ou les retombées des stratégies des médias internationaux est non seulement nécessaire mais démontre – surtout – l’incapacité de ces mêmes médias à devenir des agents de la mondialisation et d’un éventuel « espace public international ». K. Hafez revient notamment sur les débats autour de la libre circulation de l’information dans les années 1940, sur une circulation libre et équilibrée de l’information dans les années 1970-1980, et sur le potentiel comme force de démocratisation des flux et des échanges liés à diverses technologies aux applications trans-front (al)ières : satellites de télévision et de télécommunication, Internet, téléphonie mobile ou cellulaire, etc. Or, les études empiriques – pour parcellaires qu’elles soient encore – démontrent l’écart entre le présupposé, « les médias, facteurs de globalisation », et la réalité. Le mythe de la globalisation tirerait ainsi son efficacité du fait d’allier des assertions fausses à des données factuelles.

La politique des médias, la législation des médias resteraient donc du domaine des Etats-nations, sauf lorsque ces derniers menacent des intérêts capitalistes globaux. Nonobstant la structure capitalistique de certaines transnationales de la communication, comme la News Corp de R. Murdoch, les groupes « globaux », dont le siège est le plus souvent dans un pays occidental – en Amérique du Nord, en l’Europe ou en Australie – ne sont que rarement des acteurs majeurs au Moyen Orient, en Asie, en Amérique latine ou en Afrique. Cette réputation d’empires globaux serait ainsi surfaite. Tout comme le serait celle des médias mondiaux comme agents de la démocratisation.

Pour nous en convaincre, K. Hafez allie modèles théoriques venus d’une approche systémique (systems theory) et études de cas dont la force provient de la diversité des thématiques abordées. Le postulat par exemple selon lequel l’impérialisme culturel américain ou occidental s’accompagne d’une forme de « glocalization » ou « d’hybridation » des cultures « locales » ne serait pas démontré. Dans les rares études de cas menées sur le terrain, on confondrait bien trop « globalisation » et « modernisation » ; en outre, dans les pays arabophones, hispanophones, sinisants, ou en Inde, ce sont les médias en langues vernaculaires qui connaissent l’expansion la plus vigoureuse. Par ailleurs, le potentiel « démocratisant » de l’Internet ou de la couverture que les médias occidentaux accordent au niveau international n’est pas démontré ; la vision et les pratiques des élites continuent à différer de celles qu’encourage un « media populisme ».

K. Hafez n’est pas historien mais revisite les débats qui ont marqué, depuis la Seconde Guerre mondiale, « l’internationalisation de la communication ». La recherche allemande – « la spirale de silence » d’Elisabeth Noelle-Neumann, par exemple - est convoquée pour traiter des rapports entre télévision globale et démocratisation. En quelque 200 pages, donc, l’auteur allie maîtrise de la littérature académique, connaissance des débats survenus depuis que CNN suscita des ripostes telle qu’al-Jazeera, tout en exposant depuis l’Allemagne une vision des méprises occasionnées par la confusion entre échanges culturels et communicationnels et transferts culturels et identités culturelles : « globalisation et médias – que de confusions sont issues de cet accouplement ».

Michael Palmer

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 11, hiver 2008-2009, p. 264-66.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Ouvrage-Kai-Hafez-The-Myth-of.html

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