Recensions d’ouvrages
Ouvrage : Jürgen Wilke, Éléments de l’histoire des médias et de la communication. Depuis les origines jusqu’au XXe siècle (Böhlau, 2000). Recension par Ursula E. Koch.
En 2000, Jürgen Wilke fait suivre un manuel richement illustré, paru sous sa direction à l’occasion du cinquantenaire de la fondation de la République fédérale d’Allemagne (Mediengeschichte der Bundesrepublik Deutschland, d’un ouvrage qui commence par l’évocation de l’imprimerie au moyen de lettres mobiles, invention que l’on doit à Gutenberg (vers 1450), et qui se termine avec l’évocation des années Vingt du xxe siècle. Ce faisant, l’auteur s’oppose intentionnellement à la définition du terme « média » par Marshall MacLuhan, pour ne citer que lui. Ce livre volumineux, agrémenté de 13 diagrammes et 5 tableaux, est le fruit de la vaste expérience de l’auteur, acquise grâce à ses nombreux cours magistraux, articles et lectures (la bibliographie de 62 pages comporte plus de 1 200 titres). Son objectif principal consiste à retracer, en sept chapitres, l’histoire de la communication de masse, telle qu’elle évolue avec un dynamisme croissant. Le chapitre très court qui suit l’introduction, est consacré à la « pré-histoire » de la communication de masse durant le Moyen Âge. Puis, les chapitres 3, 4 et 5 (p. 13-77) traitent les xvie et xviie siècles, à savoir l’ère des feuilles volantes et des premiers imprimés périodiques : annuaires, mensuels, bimensuels, hebdomadaires (à partir de 1605) et même quotidiens (2 ballons d’essai, à Leipzig, en 1650 et 1660). Tous ces organes de presse – il faut encore y ajouter les correspondances et les bulletins manuscrits – se complètent ou s’influencent mutuellement. Dès 1700, on compte, sur le territoire allemand morcelé, entre 50 et 60 journaux qui avaient conquis plusieurs milliers de lecteurs. L’auteur a raison de souligner que bien des caractéristiques du paysage médiatique allemand actuel (notamment sa grande diversité selon les différentes régions) ne s’expliquent que par l’histoire.
Dans les chapitres 6, 7 et 8, la « communication de masse » est traitée sous les aspects « de l’expansion et de la diversification » (le xviiie siècle, p. 78-154) et ensuite sous l’angle « du retardement et du déclenchement » (xixe siècle) ou encore sous l’angle de la « plurimédialité » (début du xxe siècle). Très adroitement, le xixe siècle (147 pages), de nos jours souvent sous-estimé par les historiens allemands de la presse, est subdivisé en trois époques : 1. les années de 1819 à 1848 (époque appelée « l’avant-mars 48 »), 2. le temps depuis la révolution de 1848 jusqu’à la fondation de l’Empire allemand et 3. le règne des empereurs Guillaume Ier (avec le « chancelier de fer », Bismarck) et Guillaume II (1871-1918). Toutefois, les journaux illustrés et la « poussée de la visualisation » qui en résulte ne seront mentionnés qu’au chapitre 8. Ce dernier chapitre (pp. 303-353), qui nous laisse un peu sur notre faim, concerne les 14 années de la République de Weimar et le rôle prépondérant de Berlin en tant que ville des médias (dont la radio et le cinéma) et des groupes médiatiques.
Afin de faciliter la lecture et les comparaisons, Wilke a recours à des constantes qui réapparaissent dans chacun de ses chapitres ou sous-chapitres : 1. L’esquisse des sources, 2. les conditions juridiques (censure préalable ou postérieure ; liberté de la presse), 3. l’analyse des effets d’ordre politique ou social, 4. la présentation, en ordre séparé, des trois différents types de médias : journaux (Zeitungen), revues (Zeitschriften) et « avises » (Intelligenzblätter). Remarquons que les « parents pauvres » de bons nombres d’historiens de la presse (journaux illustrés, organes satiriques et la presse féminine) ne sont nullement négligés. En fin de chaque chapitre, il y a des coups d’œil sur la presse étrangère (anglaise, française, américaine). Saluons cet élargissement de l’horizon qui dépasse « l’histoire nationale ». Il était, bien sûr, inévitable que quelques erreurs se glissent dans ce texte très dense ; l’auteur mérite d’en être excusé.
Ursula E. Koch
Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 5, automne 2005, p. 239-241.