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Ouvrage : Isabelle Garcin-Marrou, Des violences et des médias (L’Harmattan, 2007). Recension par Claire Blandin.

Issu du mémoire élaboré pour l’obtention de son habilitation à diriger des recherches, le nouvel ouvrage proposé par Isabelle Garcin-Marrou analyse plusieurs séries de discours médiatiques portant sur des phénomènes de violence. Partant des théories de la construction de l’État de Hobbes et Spinoza, l’auteure commence par montrer l’importance symbolique des violences et les enjeux de leur médiation. La conception fortement normative de l’État chez Hobbes est opposée à la pensée spinozienne, qui pose la relation entre État et individu en termes de progrès. Pour Spinoza, en effet, la liberté de jugement et d’expression est le moyen de faire reculer la violence individuelle aux marges de l’État-société. La première partie de l’ouvrage s’attache à montrer comment violence et transgression sont liées à la pratique du secret et à l’absence de processus de communication établi entre l’État et les citoyens. Elle constitue un fondement théorique solide pour la démonstration qui suit.

C’est dans la perspective de cette étude de la construction de l’État et de la société que plusieurs séries de corpus de presse sont ensuite analysés. L’élaboration des valeurs morales par le fait divers est envisagée à deux époques différentes dans une première série d’articles. Les comptes rendus donnés par les quotidiens des violences des « apaches » au début du xxe siècle éclairent le discours sur les « sauvageons » un siècle plus tard. Après avoir donc analysé de manière précise la construction des figures de ces jeunes délinquants, l’auteure opère un premier glissement et s’intéresse, dans un deuxième corpus, contemporain, aux discours des médias sur les auteurs des violences routières. En montrant ainsi les variations de l’élaboration des figures, elle souligne que l’injonction des médias ne vise pas la même action du politique : dans les quotidiens étudiés, seule L’Humanité assume un rôle de porte-parole social et enjoint l’État de jouer son rôle d’instance punitive. Le 3e corpus permet un dernier déplacement astucieux et porte l’analyse vers une violence sans auteur : la pauvreté. L’étude met en évidence le caractère dépolitisé du discours des journaux sur les morts de froid de l’hiver 1954. En revanche, lorsqu’en 2004, ils marquent le 50e anniversaire de l’appel lancé par l’abbé Pierre, ces mêmes journaux ont abandonné le registre de l’émotion pour celui de l’injonction.

Isabelle Garcin-Marrou apporte au final de précieux éléments sur la construction par les médias des figures de délinquants ; elle montre par exemple les stratégies d’évitement des journaux lorsque l’infracteur ne correspond pas au portrait robot pré-établi (comme lorsque c’est un notable lyonnais octogénaire qui cause la mort de cinq pompiers dans un accident de la route). Instaurée par les récits, cette figure de l’auteur joue en effet sur la représentation de la société comme entité remise en cause, ou non, par la violence. L’ouvrage montre comment les discours des médias indiquent la tolérance de l’ensemble social confronté aux violences. L’intéressante analyse proposée ici montre que les médias présentent alors des représentations dans lesquelles prédomine une conception sécuritaire de l’État et de la société.

Claire Blandin

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 9, hiver 2007-2008, p. 236.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Ouvrage-Isabelle-Garcin-Marrou-Des.html

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