Recensions d’ouvrages
Ouvrage : Gérard Streiff, Adam Saulnier journaliste d’art à l’ORTF, biographie (L’Harmattan, INA, 2008). Recension par Jean-Max Méjean.
La collection INA-L’Harmattan est décidément précieuse pour les amateurs d’histoire des médias. Quant à cet ouvrage, il est intéressant à une époque où l’on reparle de plus en plus de l’ORTF du Général pour la comparer à l’ère sarkozyienne. Pour les ménagères de plus de cinquante ans, et même pour les hommes au foyer retraités, le nom d’Adam Saulnier évoque encore quelque chose. Il n’a d’ailleurs pas d’équivalent dans le paysage audiovisuel contemporain car les émissions d’art sont de plus en plus rares, sauf sur Arte qui diffuse « Palettes », d’Alain Jaubert[1] [1] On trouve, dans cette même collection « Mémoires... suite. Dans les années 1960, la télévision comptait moins de chaînes et les émissions culturelles connaissaient un grand succès, aidées sans doute par le prestige d’André Malraux, alors ministre de la Culture. C’est soi-disant vers cette télévision d’État-là que veut retourner le gouvernement actuel avec sa toute récente réforme du service public audiovisuel.
Adam Saulnier (1915-1981) fut donc le journaliste d’art à la télévision et l’on peut dire qu’il a marqué durablement les esprits et beaucoup contribué à l’épanouissement des arts dans cette « étrange lucarne ». Tous les dimanches à midi, son émission « Les Expositions » (1960-1968) fit entrer l’art avec un grand A dans les salles à manger de France, et ce sans indigestion ni crise de foie, au même titre que la « Séquence du spectateur » y fit pénétrer, un peu avant, le cinéma.
En se servant d’un fonds d’archives passionnant, Gérard Streiff (docteur en Histoire, journaliste et romancier) nous propose en fait une fine analyse des médias, à travers l’observation méticuleuse d’un cas culturel. A travers cette réflexion sur la télévision gaullienne, sur la vie politique et sur le monde des peintres, on voit bien qu’Adam Saulnier fut un admirable passeur d’idées, une figure qui manque cruellement dans le paysage audiovisuel contemporain. Construit un peu comme un reportage, ce livre sur « le peintre de la télévision » rapporte aussi de nombreuses anecdotes sur des génies aussi connus que Man Ray, Le Corbusier, Picasso, Fujita, etc. C’est dire qu’alors le monde des arts était en perpétuelle effervescence, et qu’Adam Saulnier savait mieux que quiconque en extraire la substantifique moelle. Ce livre savant se lit (presque) comme un roman.
Jean-Max Méjean
Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 12, printemps-été 2009, p. 249-250.