Recensions d’ouvrages
Ouvrage : Daniel Cefaï, Dominique Pasquier (dir.), Les sens du public. Publics politiques, publics médiatiques (PUF, 2003). Recension par Etienne Tassin.
Fruit des recherches menées au sein de deux séminaires de l’EHESS aux thèmes croisés : Sociologie des médias : recherches anthropologiques sur les publics, pour l’un, Qu’est-ce que le public ? Les formes de l’expérience publique, pour l’autre, les contributions rassemblées dans cet ouvrage sont sollicitées par un même questionnement sur les publics politiques et les publics médiatiques : comment se constituent ces publics, quelles formes d’expériences recueillent-ils, quel type de communauté induisent-ils, sur quels modes s’imbriquent-ils l’un dans l’autre ?
Intitulée « Qu’est-ce que le public ? », la première section s’attache à définir la notion selon ses multiples approches, en s’efforçant de nouer toujours ensemble les deux dimensions, politique et médiatique, à partir soit de l’action collective (J. Gusfield), soit du reportage télévisé (D. Dayan et E. Katz), soit du public littéraire (H. Merlin-Kajman), soit de la forme et des modalités d’expérience (L. Quéré). Dans le même souci, la deuxième section, « Arènes publiques : acteurs et médiations », examine les collectifs d’acteurs et les médiations de leur action face au pouvoir public (en Chine, I. Thireau et H. Linshan), dans les arènes communautaires, civiles ou publiques (au Mali, M. Leclerc-Olive), à travers l’audiovisuel numérique (L. Allard) ou dans le contexte européen de la démocratie technique (M. Callon). Consacrée aux « Publics associatifs et délibératifs », la troisième section interroge les modalités de l’action publique dans la vie associative (N. Eliasoph), les communautés locales (P. Chanial), la démocratie dite délibérative (dont P. Dahlgren rappelle les attendus) ou dans les expériences de participation locale (L. Blondiaux). C’est aux « Epreuves urbaines du public » que s’affrontent les contributions de la section suivante. Isaac Joseph présente ce que la sociologie de l’urbain qu’il a développée doit à Simmel, à l’école de Chicago et à Goffman. Les rapports du passant au résidant (J. Stavo-Debauge), l’organisation de l’expérience publique de la ville (M. Relieu et C. Terzi) et les troubles et tensions en milieu urbain (M. Breviglieri et D. Trom) font ensuite l’objet d’analyses précises. La dernière section, « Médias, engagements, publics », est entièrement consacrée au public médiatique saisi in situ : dans ses coulisses à l’occasion d’une enquête sur le travail des programmateurs du Téléthon (D. Cardon et J-P. Heurtin) ; dans la presse locale à l’occasion d’une mobilisation d’agriculteurs en Bretagne (E. Neveu) ; à Avignon à propos de l’offre du festival « in » (E. Pedler et D. Bourbonnaud) ; à la télévision, enfin, à l’occasion de l’examen de la figure du témoin dans les reality shows (D. Mehl) ou de la réception de séries télévisées centrées sur des publics spécifiques : L’Instit et Urgences (S. Chalvon-Demersay).
L’ensemble est précédé d’une longue introduction très documentée et suggestive, de Daniel Céfaï et Dominique Pasquier, qui à la fois retrace l’itinéraire conceptuel de la notion de public dans ses deux aspects, politique et médiatique, et suggère les passerelles qui lient les deux problématiques. Cet ouvrage est un document de travail précieux qui fait date dans ce domaine de recherches.
Etienne Tassin
Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 3, automne 2004, p. 223-224.