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Ouvrage : Annie Lenoble-Bart, André-Jean Tudesq, Connaître les médias d’Afrique subsaharienne. Problématiques, sources et ressources (Karthala, 2008). Recension par Scylla Morel.

À la fin des années 1980, A.-.J. Tudesq a coordonné la création du Groupe de recherche et d’étude sur les médias africains (GREMA), constitué au sein du Centre d’études des médias de l’Université Bordeaux 3. Grâce à la collaboration de chercheurs africains et aux échanges permanents entretenus avec le Maghreb comme avec l’Afrique sub-saharienne, un grand nombre de travaux ont déjà vu le jour. Il faut donc savoir gré aux auteurs d’avoir rédigé sur les médias d’Afrique noire l’ouvrage de synthèse en langue française qui manquait. En outre, ils se démarquent de l’ouvrage pionnier de William A. Hatchen Mass communication in Africa : an annotated bibliography (Madison, University of Wisconsin, 1971) par leur souci de respecter une règle d’or, annoncée dès le préambule, selon laquelle « les situations décrites ou analysée doivent toujours être datées avec précision pour éviter les anachronismes. » (p. 10)

L’ouvrage est ventilé en trois grandes sections – structures, contenus, audiences –, et distingue à l’intérieur de chacune d’elles les études historiques, elles-mêmes réparties entre période coloniale, premières décennies de l’indépendance et études du temps présent à partir des années 1990. Le rappel historique pointe le fait que les médias en Afrique sont le résultat de transferts culturels et technologiques réalisés pendant la colonisation ou – pour la télévision – au début des indépendances. Les premières recherches sur les médias locaux se sont intégrées dans l’analyse d’activités plus vastes (administration coloniale, missions chrétiennes) et sont des monographies historiques ou des études concernant le statut et le rôle de la presse au lendemain des indépendances.

Les médias sont à la fois source d’information et miroir, souvent déformant, des aspirations et des mentalités des populations. Leur utilisation et leur étude nécessitent une approche pluridisciplinaire dans laquelle l’histoire tient une place stratégique car elle rend compte à la fois des caractères spécifiques des supports en Afrique (histoire de la radio en Afrique comme média primordial et dominant, histoire des influences étrangères sur la télévision, histoire de la presse en Afrique, dont la diffusion reste élitaire et citadine). La place de chaque média dans l’Afrique contemporaine doit ainsi être définie. Cette dernière résulte à la fois du poids de l’histoire, qui a accentué les différences au sein des pays africains, et des contraintes du présent.

Les auteurs expliquent, exemples à l’appui, que le travail de recherche en matière de médias suppose d’accentuer les dimensions relevant de l’histoire sociale, de celle des mentalités et de la vie quotidienne. Si bien que cet ouvrage explore diverses perspectives reflétant les positions des producteurs, des utilisateurs et les attentes des publics. D’où une nécessaire étude de la réception et donc d’un retour à une analyse historique qui puisse rendre l’atmosphère d’une époque.

Enfin, les auteurs insistent sur un point méthodologique fondamental : les théories occidentales des médias s’adaptent mal aux réalités africaines ou enferment ces réalités dans des cadres préétablis ne s’appuyant que sur un domaine d’investigation restreint. Les outils méthodologiques forgés pour l’analyse des médias occidentaux semblent souvent inopérants, par exemple le concept d’« espace public » pour des sociétés dans lesquelles la séparation entre privé et public, entre ce qui est religieux et ce qui est laïc, est souvent inexistante.

Utilement complété d’une abondante bibliographie – hélas non commentée – et d’un précieux index géographique, cet ouvrage gagne à être dans les bibliothèques de tous les chercheurs intéressés par les enjeux des médias en Afrique. On peut enfin penser que les plans de numérisations en cours comme le Plan Images Archives du Ministère des Affaires étrangères, la généralisation des rubriques « Archives » sur les sites des médias africains inciteront les études, dont le chemin est désormais balisé par ce guide.

Scylla Morel

Recension publiée dans Le Temps des médias n° 13, Hiver 2009-2010, p. 245-246.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Ouvrage-Annie-Lenoble-Bart-Andre.html

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