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17 - Communiquer le sacré

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Agnès Bernard

Les Vierges noires : un média complexe et singulier

Le Temps des médias n°17, Automne 2011.

L’expression « Vierge noire » – inconnue au Moyen Âge – apparaît dans la seconde moitié du XXIe siècle. Le Massif central en compte une soixantaine. Cet article formule l’hypothèse que leur couleur, associée aux effigies mariales sert le discours de l’Église du XIVe siècle à nos jours. Aujourd’hui, en quoi ces images noires favorisent-elles la communication de l’Église ? Les Vierges noircies sont-elles un instrument de conversion ? Expriment-elles la diversité des identités ? Peut-on évangéliser par l’art ? Du point de vue du récepteur, quels sont les mécanismes psychologiques mis en jeu dans la relation entre la Vierge noircie et le paroissien ou le pèlerin ? Au bout du compte, les Vierges noires se révèlent être – entre autres – un instrument de propagande de la foi, un outil de communication commerciale commerciale, un objet de médiation avec le divin, et un support de rituel favorisant la dimension interpersonnelle du lien social. englishflag

Par BERNARD Agnès  [1]

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On trouve dans la caisse à outils de l’iconographie religieuse bien des ressources qui nous sont aujourd’hui familières : communication interpersonnelle, communication des organisations, communication médiatique, relation au texte avec les théories de la réception. Si l’on part du principe que « la communication est au cÅ“ur de la mission des Églises », on verra dans les lignes qui suivent que les Vierges noircies en sont une des modalités par laquelle le discours de la religion se fait médiatique [2]. » Elles tendent à combler un vide conceptuel : « En SIC, c’est un objet oublié, négligé, refoulé. Il y a un impensé religieux dans notre discipline. Un religieux convoqué pour des célébrations communicationnelles, ou au contraire refoulé sans être pensé. » (Riondet, 2007, p. 1).

L’expression « Vierge noire » est inconnue au Moyen Âge, elle apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le positivisme a consacré cette expression pour rompre avec les traditions médiévales fondées sur l’imaginaire de cette époque. Le Massif central compte une soixantaine de statues mariales brunies, tapies dans la pénombre d’églises séculaires. Il s’agira d’évoquer ici les Vierges en majesté, brunies, noircies, mâchurées – et tout particulièrement celle de Notre-Dame du Puy-en-Velay. Bien que les « Vierges noires » soient un objet ressortissant traditionnellement à l’histoire de l’art, elles sont ici envisagées d’un point de vue informationnel, en sorte de mieux comprendre le statut de la couleur noire, dès lors qu’elle est associée aux effigies mariales pour servir le discours de l’Église du XIVe siècle à nos jours. Formulons l’hypothèse que c’est leur couleur qui leur confère leur statut de puissant média de communication.

Pour la valider, nous avons mené une enquête [3] auprès de Sylvie Vilatte, historienne spécialiste de la Vierge de Notre-Dame-du-Puy et auteure de nombreux articles relatifs aux Vierges noircies ; de Monseigneur Simon, archevêque de Clermont-Ferrand ; du père Emmanuel Gobilliard, recteur en charge de la cathédrale du Puy-en-Velay [4] ; du père Philippe Piollet, recteur de la Cathédrale et chanoine titulaire de la cathédrale de Clermont-Ferrand [5] ; du père Jean-Michel Roger-Bérubet, responsable de l’église Notre-Dame-du-Port [6] et ancien chapelain de Notre-Dame-de-Vassivière (dotée d’une Vierge au visage noir) ; de paroissiens et de touristes croyants, fréquentant Notre-Dame-du-Port et la cathédrale de Clermont-Ferrand.

Une première partie s’intéresse à la littérature relative au noircissement des Vierges, à leur réception hier et aujourd’hui : couleur voulue par l’Église – couleur perçue par les fidèles, comment le noir, dès lors qu’il est appliqué à la Vierge, sert (ou non) le discours de l’Eglise ; la seconde partie tente de démontrer qu’elles sont un média de propagande ; la troisième partie recense les multiples formes qu’elles adoptent : commerciale, spirituelle, discursive.

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1. Vierge de Notre-Dame-du-Puy.

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2. Vierge de la cathédrale de Clermont.

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3. Vierge de Notre-Dame-du-Port.

Les Vierges noircies

Le noircissement des Vierges

Examinons, très classiquement, la chronologie de l’apparition du noircissement, sa localisation et son insertion dans le milieu historique, à partir des documents écrits et iconographiques. Nous ne mettrons pas sur le même plan le Jésuite Odo de Gissey et les auteurs plus tardifs, qui n’ont pas les mêmes références. Aussi bien, faut-il évoquer d’abord le rôle de l’Église dans la légitimation de cette pratique. « Odo de Gissey [7] est clair sur la finalité de l’image noire : cette couleur est merveilleusement agréable aux Égyptiens et aux Sarrasins. Elle est donc destinée à les attirer dans le but de les pousser à la conversion. » (Vilatte, 1996, p. 752). Étienne Médicis écrit que la couleur de Notre-Dame est massiarada, soit mâchurée, noircie, en ancien français. Les protestants insultent l’image : « Idole, tronçon de bois, massiarada », ils parlent des « images faites en papier appelées torche-culs » ; ils demandent de faire porter les chapelets des catholiques à leurs chiens en guise de colliers ; ils disent « qu’il faudrait traîner la statue dans les immondices de la ville [8]. »

Au XVIIe siècle, les Jésuites diffusent le passage du Cantique des cantiques (« Nigra sum sed formosa », « Je suis noire, mais belle »), pour renforcer le phénomène de noircissement de Marie et de Jésus, qui s’était développé sur les reliquaires romans et les statues gothiques, à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne.

Depuis, les théories relatives à la couleur noire des statues foisonnent, riches, nombreuses, souvent contradictoires… et parfois ésotériques. Scientifiques ou farfelues, en voici un échantillonnage évocateur… Conformément à l’engouement de la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour l’Antiquité, en voyant une statue emmaillotée à la manière d’une momie, le volcanologue Faujas de Saint-Fond penche pour une origine égyptienne, alors qu’il ne s’agit que d’un simple marouflage. Il déduit que cette « effigie d’Isis » aurait été ramenée d’Orient par un croisé (Faujas de Saint-Fond, 1778).

Au XIXe siècle, c’est aux fumées, cires, bougies et oxydations des couleurs que l’on attribue le noircissement de ces Vierges. Émile Saillens en cherche l’origine dans l’Antiquité. L’écrivain d’art Louis Bréhier perçoit dans ces Vierges noires le symbole de la mélancolie du Moyen-Âge. Jean Ajalbert soutient que les sculpteurs les ont peintes en noir pour s’adapter à la pénombre des églises de montagne (Ajalbert, p. 72). Pour Louis Réau, les Vierges noires, survivance du paganisme, ont hérité des divinités « détrônées : Isis, Astarté et des divinités chtoniennes » (Réau, 1965, p. 59).

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde sur un point. Conformément aux remarques du chanoine Craplet (Craplet, 1972), à l’origine, les statues romanes de la Vierge étaient polychromes, elles n’ont été peintes en noir qu’entre la fin du Moyen-Âge (des chroniques font mention de cette couleur) et la fin du XIXe siècle.

Mais tous s’interrogent. Sophie Cassagnes-Brouquet, suivant en cela Émile Saillens, évoque une possible origine celtique ou gauloise : « Notre-Dame-du-Puy est devenue brune progressivement sous un effet double : chaque année, elle était plongée dans l’huile de noix et au début du XVIIe, elle est peinte en noir. On lui a attribué des pouvoirs miraculeux, cette teinte s’est accentuée jusqu’à devenir noire [9]. » Cette historienne d’art prétend qu’on ne peut formuler une théorie générale, chaque statue ayant son histoire propre. Pour Xavier Barral, ce phénomène n’a pas pu encore trouver d’explication convaincante, mais l’absence de textes médiévaux relatifs aux représentations noires des visages dément les origines païennes de ces représentations noircies (Barral, 2000, p. 158 et 164). Sylvie Vilatte a cherché les raisons de ce noircissement secondaire. Pour elle, rien ne le justifie dans la théologie non plus que dans la liturgie, et le phénomène ne relève pas de l’histoire de l’art : aucun artiste célèbre n’a sculpté des Vierges noires.

Si l’on examine les sources bibliographiques de la première moitié du XIXe siècle, on constate que les auteurs ont forgé un cadre fait de mystère et créé de toutes pièces un concept, une typologie inédite : les Vierges noires. Or, leur mode d’investigation ne tient pas compte des textes médiévaux et modernes et attribue le noircissement à la préhistoire ou à l’antiquité, alors qu’il n’existe pas d’image comparable. Sylvie Vilatte conteste ainsi l’origine païenne de ces statues assombries. La première représentation de Notre-Dame-du-Puy noircie date du XVe siècle sur le Livre d’heures de Marguerite d’Autriche [10]. Le noircissement, à la fin du XIVe siècle, des visages de Marie et de Jésus, est le premier réalisé sur une oeuvre mariale, laquelle est datée du Xe ou XIe siècle. Il s’inspire d’un récit médiéval [11], transmis par écrit par l’Église du Puy, à propos du prophète Jérémie. Le reliquaire noirci de Notre-Dame-du-Puy est le prototype des Vierges noircies : « Le discours, en latin d’abord, puis en français dès le XVe siècle, signifiait que l’image avait été conçue par Jérémie pour l’incitation à la conversion de tous les idolâtres et infidèles » (Vilatte, 1996, p. 753).

Le noircissement de la statue à la fin du Moyen Âge est lié à l’échec des croisades et à la volonté, pour l’Église du Puy, très impliquée dans la conquête, de répondre à la perte des royaumes latins en Terre sainte. Le noircissement offrait symboliquement, par la vertu de cette image, un espoir de christianisation des infidèles. C’est une couleur ethnique qui permettait de présenter aux Maures une Vierge à leur ressemblance. Cette explication est propre au Puy, mais le phénomène n’en exclut pas d’autres, moins symboliques : intérêts communs obligent… Au XVIIIe siècle, on se désintéresse de la question et le positivisme du XIXe siècle tente d’expliquer ce phénomène sans prendre la précaution de le contextualiser. Quid de l’interprétation du clergé et des fidèles aujourd’hui ?

La réception de la couleur noire

En quoi la couleur noire de la Vierge a-t-elle un rôle particulier à jouer dans la réussite de la diffusion du message de l’Église ? Pour comprendre l’origine de ce noircissement nous avons pris le parti d’invoquer la médiation (du clergé) et la réception (des fidèles). Il existe peu de textes [12] d’époque pour témoigner des représentations du clergé et de leurs ouailles au Moyen Âge, qui permettent de vérifier si le processus communicationnel est efficient. Quelles sont alors les interprétations possibles ?

Dans un ouvrage controversé, Émile Saillens affirme que les dévots sont demandeurs d’images et le clergé obligé de noircir les Vierges pour les satisfaire. « La question se pose : le maquillage fut-il voulu par le clergé ou non ? Prenons un cas extrême, celui d’une image du XIe siècle noircie dès le XIe siècle : l’opération ne pouvait pas être ordonnée par le clergé ; il aurait suffi de peindre en noir directement. Situé très tard, le noircissement est encore moins probable : le clergé ne se serait pas risqué à modifier gravement l’aspect d’une image célèbre comme celle du Puy. Nous sommes forcés de penser que des images noires foncées avaient précédé nos créations romanes et que celles-ci durent, sous la pression du populaire et malgré le clergé, reproduire ce qui comptait le plus pour les pèlerins dans l’image antérieure, sa teinte. » (Saillens, 1945, p. 35). Quant à la représentation des fidèles : « Pour le pèlerin, elle était la noire ou la brune. Sa couleur mystérieuse suffisait à l’identifier. Nous-mêmes, distinguons-nous dans une Vierge noire autre chose que sa couleur ? Le jour donc où le prêtre, lassé des plaintes, noircissait l’image, tout regret s’éteignait. » (Saillens, 1945, p. 35).

Pour Sylvie Vilatte, « le succès de l’innovation du Puy se mesure à l’extension de la mode du noircissement : essentiellement le Massif central, la Bourgogne, l’Alsace, la Provence, le Languedoc, le Midi pyrénéen, la Belgique, l’Espagne et l’Italie, l’Allemagne du sud, là où le chapitre de la cathédrale du Puy avait une influence (…). En dernier lieu, engagés dans la défense du culte marial contre le protestantisme iconoclaste, les Jésuites contribuèrent par l’écrit à faire connaître et à justifier le noircissement. C’est alors qu’Odo de Gissey, pour renforcer le discours tenu à la fin du Moyen Âge par le chapitre de Notre-Dame-du-Puy sur l’image, évoqua la citation du Cantique des cantiques [13] » (Vilatte, 1996, p. 757).

S’agissant des fidèles, « il est significatif de constater que la seule copie acceptée par les habitants du Puy pour remplacer la statue détruite à la Révolution était conservée sous la protection du ‘saint maure’ Maurice. » (Vilatte, 1996, p. 758). Un témoignage peut éclairer notre propos : au XVI siècle, deux étudiants protestants visitent le monastère de Notre-Dame de Montserrat en Catalogne espagnole et décrivent sa statue romane noircie : « L’église primitive est très obscure ; sur le maître-autel, également très sombre, se trouve la statue miraculeuse. Les femmes maures se font un sujet d’orgueil de sa couleur noire, prétendant qu’elles sont plus belles que les blanches, du moment que leur teint, disent-elles, était celui de la mère du Christ [14]. » Au XVIe siècle, en Espagne, la majeure partie des musulmans et des juifs ont déjà quitté le pays pour émigrer en Afrique du Nord (fin XVe - début XVIe) ; quant à ceux qui sont restés, ils se sont convertis. Il s’agit certainement, dans cet exemple, de femmes d’origine maure et converties, qui rendent hommage (comme quelques individus au Puy au XVe siècle) à l’image de Notre-Dame qui leur était destinée, après noircissement.

Il convient de s’arrêter un instant sur la signification du noir à l’époque médiévale, terme générique qui désigne une couleur indistinctement sombre : marron foncé, gris foncé. C’est une teinte difficile à définir. D’aucuns, parmi les historiographes, voient dans le noircissement de la statue un symbole : « Le noir évoque le deuil impliquant le concept de régénération de l’humanité par le sauveur » (Roussel, 1954). Pour d’autres, le noir est « l’occultisme, l’alchimie » (Huynen, 1972) ou encore le symbole des « croyances païennes » (Durand-Lefebvre, 1937) ou de l’Orient. Pour d’autres encore, à l’opposé de la blancheur synonyme de distinction, « les Vierges brunes se rapprochent du peuple des humbles » (Barral, 2000, p. 161 à 164). Symbole par excellence, la couleur noire traduirait la mélancolie du Moyen-Âge finissant (thèse soutenue par Louis Bréhier) et la destinée douloureuse de la Vierge, ou bien son appartenance à la race des pécheurs (Cassagnes-Brouquet, 1990, p. 161).

L’historien Pascal Blanchard montre combien « on a pu appréhender les couleurs comme insignifiantes ou dangereuses » : « Noire était la peste, bleu le choléra, blanche la phtisie et les peurs qui les accompagnaient » (Blanchard, 2008, p. 48.)

L’anthropologue Dominique Chevè insiste sur le côté obscur du signe : « La couleur noire représente l’âme des damnés et deviendra à la fois le symbole du péché et de l’ignorance », « le noir est la couleur non seulement de l’atteinte, mais de toute atteinte possible, celle des corps et celle de l’âme. » (Chevé, 2008, p. 21.) Michel Pastoureau n’est pas éloigné de cette thèse : « Le noir est le contraire du blanc, symbole de pureté et de virginité et la couleur de ce qui est sale et souillé (crasse et poussière) », (Pastoureau, 1992, p. 131). Mais ce noir couvre pourtant le visage et les mains (sauf au Puy) de la Vierge conçue sans péché [15] et de l’enfant Jésus.

Aujourd’hui, en quoi ces images noires favorisent-elles la communication de l’Église ? Selon le recteur de Notre-Dame-du-Puy, « la couleur noire est importante pour les pèlerins. Cette Vierge noire les attire parce qu’elle leur ressemble et ils lui confient leurs souffrances. Elle est touchée symboliquement par cette fumée des péchés qui la brûle comme nos prières pénètrent dans son cÅ“ur. La couleur induit plus de ferveur envers cette Vierge. Si on prie une Vierge au teint clair, on lui trouve une ressemblance ou une dissemblance, on la trouve plus ou moins jolie. Le rapport à la Vierge noire c’est une réalité symbolique ; en effet, elle ne peut pas s’incarner dans une personne connue, ou un style social, elle est pour nous tous. Chacun peut s’y retrouver. En revanche, les pèlerins ne connaissent pas l’origine de cette couleur. Je pense que c’est parce que Saint-Paul dit que Jésus est conçu sans péchés et prend sur lui nos noirceurs. Ainsi, la Vierge est-elle représentée noire. C’est un rapport de dévotion ; cela peut être aussi en référence au Cantique des cantiques, mais les pèlerins n’y pensent pas, ils n’ont pas cette culture. Marie dit aussi dans l’Évangile, “il m’a couverte de son ombre”… [16] »

Pour le responsable de la Commission d’Art sacré « la dévotion est à la Vierge, qu’elle soit noire ou blanche. Je suis né au Puy et je ne me suis jamais posé la question. Au Puy, les sÅ“urs expliquent aux pèlerins sa teinte par le Cantique des cantiques, mais je ne sais pas si celui qui a fait cette statue a pensé à cela en la sculptant. D’ailleurs, était-elle noire ou sombre ? On n’en connaît pas l’origine. En tout cas, le noir du Cantique des cantiques représentait une couleur bronzée par le soleil. C’est la Vierge noire du Puy que je prie et que j’aime aller voir sans me poser toutes ces questions : fumée des cierges ou lavage au vin… chacun peut ajouter sa version. Les pèlerins ne sont pas choqués. »

Selon la personne en charge de l’accueil des pèlerins du Puy [17], « ce phénomène intrigue les pèlerins qui s’interrogent. Le noir de la statue les attire… donc cette couleur a un effet. Cela les fait réfléchir. Quant à moi, je suis né au Puy, je suis habitué à cette couleur, mais je comprends que ce noir soit surprenant pour les pèlerins. Je m’occupe d’eux dans le cadre de la découverte spirituelle du sanctuaire. Lorsqu’ils me demandent une explication, je leur cite l’évangile de l’Annonciation et le Cantique des cantiques pour les amener sur un terrain spirituel. Je les renvoie aux livres de référence sur le sujet… et chacun retient ce qu’il veut… Au Puy, on se sert de ces questions relatives à la couleur pour ouvrir vers autre chose ». Le sculpteur spécialisé dans l’art sacré ne dit rien d’autre : « Je n’ai pas de vénération particulière pour la statue, ce qui compte c’est qu’elle ait porté le Verbe. La Vierge est la mère du Christ. Je suis belle, mais noire ? Bougie ou ivoire ? Était-elle noire à l’origine [18] ? »

L’archevêque de Clermont-Ferrand affirme de son côté : « Je ne me place pas sur le plan de l’histoire, les théories sont nombreuses si l’on se situe sur le plan de l’histoire ou de l’histoire de l’art, mais je n’ai aucun moyen de les vérifier. Je n’ai aucune idée : ce n’est pas la statue que je prie… C’est un signe qui renvoie vers autre chose qu’elle-même. Vous connaissez l’adage ? “Quand le doigt montre la lune… le fou regarde le doigt”. J’essaie d’avoir un rapport simple et filial avec la Vierge. Qu’elle soit noire ou blanche, peu importe. Si on focalise sur le signe, on oublie le signifié. Les pèlerins sont attachés au sanctuaire, au lieu de pèlerinage. Je ne sais pas si la couleur de la Vierge a une incidence sur la piété. A l’époque, si les fidèles repeignaient les visages peut-être étaient-ils plus sensibles au signe qu’au signifié, mais je ne permettrais pas de porter un jugement sur l’expression de la piété populaire [19]. »

Le recteur de la cathédrale de Clermont-Ferrand : « Noire ou claire, je pense que le plus important s’incarne dans la piété à l’égard de la Vierge. Je suis très sensible à cet élan de piété populaire, une piété, simple de confiance. C’est Notre-Dame de la confiance de tous, et particulièrement des pauvres, qui se retrouvent plus en Marie qu’en Dieu. La Vierge a une bonne intercession par rapport à nos demandes, à nos faiblesses. Je pense que la couleur de la Vierge n’a pas d’incidence sur les fidèles. Cela relève plus d’une interrogation, c’est un petit mystère. [20] »

La directrice des pèlerinages du Centre diocésain : « Ce qui compte pour moi, c’est l’ancienneté de la Vierge. La couleur ne compte pas, c’est plus profond ; je voyais à peine que Notre-Dame-du-Port était noire. C’est comme pour les gens, j’ai gardé une âme d’enfant, noir ou blanc, je ne vois pas de différence [21]. »

Un touriste parisien à la cathédrale : « Son expression est terrible et dure, mais cela n’a pas de rapport avec la couleur. Elle est triste [22]. »

Une touriste de Limoges : « La couleur noire c’est la profondeur, mais qu’elle soit noire ou blanche, cela ne change rien, ni en moins, ni en plus. [23] »

Le père responsable notamment de l’église Notre-Dame-du-Port et du pèlerinage de Vassivière : « La couleur noire n’a pas d’influence particulière sur la piété parce que les gens sont très attachés à la Vierge. C’est une curiosité artistique et historique. Je n’ai pas constaté une incidence de la couleur sur la dévotion. D’ailleurs, la Vierge d’Orcival qui n’est pas noire attire dix mille personnes pour l’Ascension contre mille pour la procession de la Vierge noire du Port. Les fidèles préfèrent la Vierge en plâtre de Lourdes à la Vierge noire de la cathédrale, sortie de l’ombre par le chanoine Craplet. Quant à la Vierge noire de Vassivière, c’est un bois foncé, elle date de 1820, les gens sont attachés plus à la mère, à la femme proche de leur vie quotidienne bien plus qu’à la Vierge noire. Ce bois foncé naturel évoque le teint basané des paysans [24]. »

Une touriste parisienne à Notre-Dame-du-Port : « La Vierge est noire pour montrer qu’elle est venue d’ailleurs, d’un autre pays, pour souligner l’étrangeté (elle est souvent blonde), la différence. C’est un objet extraordinaire, mais cela n’ajoute rien à ma foi. C’est une Vierge qui vient de l’autre coté de la mer, d’ailleurs on l’appelle “Notre-Dame-du-Port” et pourtant, il n’y a pas de port à Clermont-Ferrand [25]. »

L’animateur pastoral, chargé de l’art et de la foi en cette même Notre-Dame-du-Port : « Je ne sais pas pourquoi elles sont peintes en noir, il se dit tellement de choses… Qu’elle soit noire ou blanche ne change rien au niveau de ma foi. D’ailleurs, le noir de son visage ne ressemble pas à la couleur d’une peau noire. Pour moi, le noir n’est pas une couleur, c’est comme le blanc [26]. »

Le média « Vierge »

Les Vierges noircies : un instrument de conversion par la propagande ?

La conversion religieuse par l’image est un objet d’étude complexe qui appelle l’attention des historiens, des anthropologues, des psychologues, des sociologues, etc. Si l’adhésion religieuse au christianisme peut s’envisager sous l’aspect de l’évangélisation des masses, ce n’est plus une adhésion volontaire – elle relève de la technique de propagande [27]. Toutefois pour Odile Riondet, la question de la propagande ne peut pas être juste une question d’influence, mais elle dépend des conditions qui engagent la conviction, les relations interpersonnelles à l’intérieur des groupes.

Les Vierges attirent encore chaque année des dizaines de milliers de fidèles dans les églises auvergnates. Par ce biais, l’Église catholique a largement bénéficié de reconnaissance dès la fin du Moyen Âge ; elles ont contribué aux modes de construction identitaire et de représentations de l’altérité. Elles nous offrent aujourd’hui l’occasion de poser nombre de questions : l’art est-il médiation ? Peut-il rassembler la diversité des identités ? Peut-on évangéliser par l’art ?

Pour Jean Delumeau, le clergé augmente ses pouvoirs en instrumentalisant la culpabilité absorbée ou tempérée par les sacrements et les rituels (Delumeau, 1981) comme dans le cas présent, la mise en place d’un culte de la Vierge noire [28]. Si l’on considère que « le christianisme résulte d’un marketing extraordinairement habile. Le succès de l’Église s’explique par sa capacité à créer un besoin et à en commercialiser la solution : vous convaincre que vous êtes pécheur et qu’il faut adhérer pour être sauvé [29] (Testot, 2006, p. 75)… par une Vierge noire par exemple ! Le publicitaire Bruno Ballardini explique d’ailleurs que c’est l’Église qui a inventé le marketing et les procédés publicitaires, avec un logo (la croix) et une charte graphique (le Roman, puis le Gothique) [30] (Ballardini, 2006). La Vierge noire, allégorie de l’œcuménisme, serait dans le cas présent un objet promotionnel de marque.

Le cardinal Poupard, préfet de la congrégation pour la Culture à la Curie romaine, explique, au micro de Radio Vatican, pourquoi la « voie de la beauté » est nécessaire à l’annonce de l’Évangile. À la question du journaliste : « Pensez-vous que l’on puisse se convertir devant une Å“uvre artistique ? », le prélat répond : « C’est le secret des consciences. La conversion est toujours l’œuvre de l’Esprit Saint qui se sert de tant de moyens, que personne, souvent, n’aurait pu imaginer. Les conversions qui semblent foudroyantes ont elles aussi une préparation et nous pouvons dire que la "via pulchritudinis", la voie de la beauté représente un de ces chemins privilégiés [31] ». Si l’Église a catéchisé en s’appuyant sur l’art, peut-on parler pour autant de « propagande par l’image », notamment au XIV siècle, alors que le terme n’existait pas encore ? Comment évoquer alors le concept de propagande avant sa légitimation historique ?

Sans refaire une histoire connue, signalons qu’à l’époque du Concile Vatican II (1962), l’Église utilisait encore le terme de « propagande » dans le sens de « propagande politique ». Aujourd’hui, elle préfère « Ã©vangélisation des peuples » à « De propaganda fide ». On trouvera à alimenter le débat historiographique dans les travaux de F. d’Almeida. Il écrit très justement qu’« avant la création du mot propaganda, par la papauté en 1622, à l’occasion de la fondation de la Congregatio de propaganda fide, il existait un ensemble de pratiques considérées comme distinctes et renvoyant chacune à des sphères d’activités séparées. Des stratégies symboliques passaient par la création de types monétaires à l’effigie d’un souverain, des stèles votives », il aurait pu inclure les Vierges noires à sa liste [32] (Almeida, 1999).

La propagande : une « action psychologique pour faire passer de l’émotion à l’action »

En 1967, Jacques Ellul utilise cette expression dans son Histoire de la Propagande. A partir du moment où la papauté est une puissance politique, évêques et curés se transforment en « agents de propagande », parce qu’ils utilisent la foi au service du souverain pontife. « Ils détiennent des instruments psychologiques de pression (la menace de l’Enfer). » En revanche, il serait simpliste de voir dans la liturgie un instrument de propagande (Ellul, 1967, p. 36). D’autre part, toutes les croisades ne peuvent pas être assimilées à un outil de propagande, on peut aussi les voir comme l’expression d’une foi spontanée.

Du point du vue du récepteur, quels sont les mécanismes psychologiques mis en jeu dans la relation entre la Vierge noircie et le paroissien ou le pèlerin ? L’Église crée un objet de propagande qui fonctionne dans une relation de communication : puisque la Vierge peut faire naître le sens du sacré pour les fidèles, elle devient un objet de culte par le truchement de la figuration peinte en noir. Pour les Maures, la Vierge noire peut répondre à un besoin religieux et fournir un principe d’intégration sociale. Ces Vierges agissent-elles alors comme des images de propagande ? C’est à cela que servent ces images, qui ont une puissance toute particulière pour évoquer la réalité et la présence immédiate d’un stéréotype. Le visage qui reproduit la couleur de peau noire est immédiatement identifiable par le futur converti (catéchumène ou impétrant) et lui rappelle son origine. C’est ainsi que « l’iconique caractérise une communication dans laquelle le médium (dans notre cas la statue noire) est un signe “ressemblant” qui évoque la chose communiquée par son apparence sans passer par la médiation du discours » (Donnadieu, 2006, p. 206).

La propagande fonctionne par un triple système : image/projection/identification

Le mécanisme de réception de l’image correspond à une projection-identification dans la personne de la Vierge. On a là l’une des raisons possibles pour lesquelles, au XVIIe siècle, les Jésuites ont invoqué le Cantique des cantiques pour légitimer cette couleur. On vient de voir que l’Église s’est très tôt appuyée sur l’image pour communiquer auprès des « Infidèles ». Les exemples abondent. Au XVIIe siècle, les missionnaires ont inventé une écriture dédiée à l’apprentissage des prières et des textes liturgiques, qui reprenait la tradition pictographique des Indiens Micmacs de Gaspésie au Canada pour mieux les convertir [33] (Déléage, 2009). On trouve également des statues du Bénin datant du XXe siècle, reproductions de statues européennes avec un visage africain. Ce ne sont pas des objets de commande, mais réalisés après le travail d’évangélisation des missionnaires. Leurs yeux dits « Yoruba » sont en amande, légèrement exorbités. Marie est représentée en sÅ“ur et Joseph en prêtre, avec Jésus dans les bras. Pour montrer son caractère hors du commun, la Vierge a six doigts de pied [34].

1. Vierge du Bénin, sans date, Musée Africain de Lyon.

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2. Saint Joseph et Jésus, sans date, Musée Africain de Lyon.

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Les Vierges noircies : un outil de communication protéiforme et complexe

Les Vierges noircies, un patrimoine culturel et cultuel

Aujourd’hui, doit-on parler d’objets patrimoniaux de propagande, d’objets de communication patrimoniale ou de média patrimonial ? D’outils d’évangélisation ? Dans son propos sur l’Église et la monarchie créatrices de souvenirs, Pierre Nora explique qu’il existe une source non juridique mais symbolique de l’idée de patrimoine, liée à la perpétuation d’objets sacrés essentiels à la communauté. Les sanctuaires, des reliques et des images ont été considérés comme le fonds patrimonial de la chrétienté [35] (Nora, 1997, p. 406). Les miracula expriment la vénération du sacré et les mirabilia renvoient à l’admiration esthétique ou intellectuelle. Le « double caractère dévotionnel et artistique » des Vierges noircies relève du souci politique de l’Église de faire vivre aujourd’hui ces « objets sacrés essentiels à la communauté ». Prosélytisme ? Propagande ? Communication religieuse ? On peut s’interroger…

Dans le champ disciplinaire des SIC, on pourrait également envisager les Vierges noircies, patrimoine culturel et cultuel, comme objets de communication touristique. Sans doute est-il abusif de les désigner comme objets des produits marketing, « produits d’appel ». D’aucuns disent qu’elles s’ancrent dans la société auvergnate pour lui donner une part de son identité, même si l’Auvergne n’est qu’une terre parmi bien d’autres à abriter les Vierges brunies [36]. Mais il serait naïf d’oublier que pèlerinages et processions de saints et Vierges constituent une source de revenus pour l’industrie du tourisme et favorisent le développement régional : le pèlerinage du Puy rassemble régulièrement 20 000 fidèles. L’animateur pastoral de Notre-Dame-du-Port a accueilli un « tour operator » américain « spécial Vierges noires » ! Le directeur de l’office de tourisme du Puy-en-Velay convient que « la ville connaît une embellie le 15 août, lors de la procession de la Vierge noire. Il est difficile toutefois de chiffrer les bénéfices financiers pour la ville puisque la dimension spirituelle du tourisme est diluée dans le tourisme vert, lié au renouveau des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. (…) Notre cathédrale, classée au patrimoine de l’Unesco, est un objet de communication commerciale, je n’en dirais pas autant de la Vierge noire, même si son origine mystérieuse participe à sa communication, ce n’est pas un outil de marketing, cela fait partie d’un ensemble [37]. »

Les Vierges noircies ne semblent malgré tout pas être un atout stratégique des campagnes de communication touristique des sites étudiés. Du côté des récepteurs ou destinataires, l’objet d’étude peut être aussi considéré comme un objet de médiation avec le Divin (de communication spirituelle), hier et aujourd’hui – comme n’importe quelle représentation de saint ou de Vierge. Gérard Donnadieu appelle cela la « communication humano-divine ». En effet si l’on envisage la possibilité d’une rencontre entre l’homme et la transcendance, une telle rencontre se doit de respecter les lois générales de la communication (Donnadieu, 2006, p. 215).

Il convient de s’arrêter un instant sur la représentation du croyant relative à l’image de la Vierge et des saints : avec l’alternance d’époques d’iconodulie et d’iconoclasme et notamment la « Querelle des images », les représentations ont divisé les Églises, les images se substituant parfois aux reliques, devenant des objets de vénération et d’idolâtrie. « Pour le chrétien, il y a deux univers, le monde visible et le monde invisible : la statue permet d’accéder à ce monde invisible. » Attention toutefois, « l’Église romaine, les catholiques, reconnaissent la présence divine dans l’hostie consacrée, mais en principe ne vénèrent pas l’image de la Vierge comme chargée d’une certaine présence réelle de la divinité et de la grâce divine, la présence d’énergies venues de Dieu [38] » (Chédozeau, 2007). Si la Vierge noircie peut être un objet « sacré » pour les fidèles, pour le clergé interrogé, il s’agit d’une simple statue. « L’Occident croit de moins en moins en Dieu et au surnaturel. Pourtant, les Å“uvres d’art et le respect qu’elles continuent d’inspirer redessinent aujourd’hui la carte du sacré » (Cena, 2008, p. 16). D’autant que le visage est le lieu par excellence du sacré dans le rapport de l’homme à soi et à l’autre. Le visage mâchuré de la Vierge correspond aux phénotypes des populations (Sarrasins ou Maures, Juifs) à convertir, ou en tout cas à la représentation que les hommes du Moyen-Âge ont des « Infidèles ».

Enfin si l’on se place du point de vue des sciences sociales, la Vierge brunie pourrait être un média de communication interpersonnelle. Conformément à la thèse avancée par Émile Durkheim sur le rôle de la religion dans la cohésion sociale, par le truchement de processions, des pèlerinages cette statue noircie serait créatrice d’un lien social, « dans le cadre duquel l’individu entre en contact avec d’autres individus, qu’il apprend à connaître au sein de groupes et d’institutions divers » (Paugam, 2009, p. 75). Les Vierges noires seraient donc un instrument de propagande de la foi, un média de diffusion du patrimoine, un outil de communication commerciale, un objet de médiation avec le divin, et un support de rituel favorisant la dimension interpersonnelle du lien social.

Ce qu’en pensent les récepteurs

Pour l’historienne spécialiste de la Vierge de Notre-Dame-du-Puy « Est-il légitime d’envisager les Vierges noircies comme objet de communication du pouvoir spirituel, en l’occurrence l’Église, à la fin du Moyen Âge ? Les médiateurs, le clergé, créent avec le noircissement des visages du Puy un objet de « propagande », de conversion dès le XIVe siècle et jusqu’à la fin du XVe siècle. Mais, il convient d’employer le concept de propagande avec mesure. En fait, la conversion des Amériques, au XVIe siècle, a fait oublier la conversion des Infidèles de Terre sainte. Tout l’effort s’est concentré sur le Nouveau Monde et l’Extrême-Orient (dans une moindre mesure). Il est évident que protestantisme, jansénisme, incroyance au XVIIIe siècle ont occupé l’Église, bien plus que la couleur noire des statues. De surcroît, il ne faut pas commettre l’erreur du XIXe siècle consistant à croire qu’on venait au Puy uniquement pour l’image noircie, mais pour les reliques comme le dit Faujas de Saint-Fond : “le manteau de la Vierge est surchargé de reliquaires [39]”. Toutefois, la Vierge pourrait être un média de communication pour la ville du Puy… mais ce n’est pas le seul… »

Selon le recteur de Notre-Dame-du-Puy, « Aujourd’hui comme à l’époque médiévale, la communication de l’Église n’était pas pensée, mais récupérée par l’ambition personnelle de certains de ses ministres ou par le pouvoir politique. Aujourd’hui, l’Église n’a plus de pensée politique, elle ne cherche pas à orienter la pensée des gens par de la propagande, mais elle délivre un message spirituel : l’autre reçoit un message en fonction de ce qu’il est. C’est de la communication transcendantale. Nous nous contentons de dire – “venez au Puy et vous serez apaisés”. »

Pour le responsable de la Commission d’Art sacré, « la Vierge noire est un objet de communication qui nous dépasse… nous échappe, et tant mieux. Par sa maternité, par sa couleur, les gens pensent des choses différentes. Une Africaine dira –“elle me ressemble”, un ouvrier –“elle est le signe de ma condition ouvrière”, un repris de justice –“elle porte mon péché elle est noire”. »

Selon la personne en charge de l’accueil des pèlerins du Puy : « La Vierge n’est pas et n’a pas été un outil de propagande. Je ne retiens pas le terme de propagande, car il ne me plait pas. L’Église propose la foi, elle ne matraque pas comme dans la publicité. En revanche, la Vierge noire est un instrument de communication dans le sens où elle est le support d’un enseignement spirituel. Quant à la Vierge comme média de conversion, c’était juste de l’acculturation, peut-être dans l’histoire, mais pas aujourd’hui. Les pèlerins viennent au Puy pour autre chose. Le processus de propagande peut se faire par un processus d’assimilation de la culture locale par des personnes venant d’ailleurs. »

Le sculpteur spécialisé dans l’Art sacré au Puy : « Dans la communication, il y a plus de sincérité que dans la propagande. À l’époque, la Vierge a pu être un objet de propagande comme l’étaient les ossements de saints. La Vierge du Puy est un médium, c’est-à-dire un support de communication comme celle de Lourdes dans sa dimension commerciale. »

L’archevêque de Clermont-Ferrand affirme qu’on ne peut pas parler de propagande pour l’image de la mère du Christ ni à l’époque médiévale, ni moderne ni contemporaine. « La propagande désigne un ensemble d’actions psychologiques, manipule des émotions, au détriment des facultés de raisonnement. Le prosélytisme de l’Église n’est pas très développé aujourd’hui. La Vierge est un médium entre le croyant et son créateur. »

Le recteur de la cathédrale de Clermont-Ferrand : « Les critères des médias sont fabriqués pour la communication actuelle, or l’Église est ancienne ! Ces traditions ne répondent pas aux critères de communication actuels notamment à cause du poids de la hiérarchie de l’Église. C’est ici que l’on voit les limites de nos concepts face à des traditions anciennes. »

Le père responsable notamment de l’église Notre-Dame-du-Port : « Je comprends qu’aujourd’hui on utilise le vocabulaire branché pour définir un objet de culte. Je ne sais pas si la Vierge fut un objet de propagande auprès des populations. C’est la Foi qui crée la Vierge pas le contraire. En revanche c’est un outil de communication, en tout cas celle du Puy, car elle est en contact avec un grand nombre de visiteurs. »

Une touriste parisienne à Notre-Dame-du-Port : « La Vierge noire est un outil de communication dans le sens mercantile, touristique, mais en aucun cas un objet de propagande. C’est un media comme un autre pour faire connaître une région. »

Conclusion

L’anthropologue René Girard affirme qu’on ne fera jamais de sciences humaines sérieuses si on ne s’intéresse pas au christianisme non pas comme croyance, mais comme révélation sur la nature humaine [40] (Girard, 2005, p. 53). Dès lors, les Vierges noires ont toute légitimité pour être étudiées dans le champ des Sciences de l’information et de la communication, par le biais de textes anciens et de témoignages actuels.

Pour l’ensemble des répondants, la Vierge est un média de communication dont profite la ville du Puy. Elle favorise la médiation de la région. Si on s’en tient au rôle légitimé par les Jésuites de la Vierge noircie dans la conversion, on est dans une propagande irrationnelle qui privilégie le sentiment. Et l’on est fondé à penser que la communication par l’image de la Vierge relève bien du concept de « propagande » décrit par Jacques Ellul. Pourtant, pour les répondants, en aucun cas les Vierges noires ne sont des objets de propagande, un terme connoté négativement pour le clergé comme pour les laïcs. N’en déplaise à ceux qui pensent que la propagande est « une activité ecclésiastique par excellence [41] » (Hugon 1993, p. 1), aucune des personnes interrogées ne fait allusion à l’étymologie du terme qui est ainsi privée de ses racines religieuses. La Vierge noire est perçue comme un média de communication pédagogique dans le sens de la diffusion de la Foi. Tous désignent la Vierge comme un média de communication « transcendantal ». Cette communication se nouerait entre le croyant et la statue, incarnation de la Vierge. L’Église n’a rien à voir dans cette sorte de communication entre un émetteur (la Vierge) et récepteur (le croyant) entre lesquels s’instaure un mystérieux dialogue.

La communication est au cÅ“ur de la mission des Églises, les Vierges noircies seraient une modalité par laquelle le discours de la religion se fait médiatique. Il semble qu’elles servent la propagation de la foi, le tourisme en région et la piété individuelle dans sa dimension surnaturelle. La diffusion de l’expérience religieuse dépend aussi des moyens de communication qu’elle met en Å“uvre, « elle résulte de la mobilité des gens, de la curiosité des voyageurs des emprunts qu’ils font à ceux qu’ils rencontrent et inversement, du travail des missionnaires [42]. » (Claval, 2008, p. 71) La vierge serait donc destinée à conquérir, comme autrefois les Sarrasins, les visiteurs du Puy ou de la cathédrale de Clermont-Ferrand. Qu’en est-il de la dévotion ? Les membres du clergé et les fidèles s’accordent sur un point : la couleur n’a pas d’incidence sur la piété : il n’y a aucune nécessité théologique ou liturgique au noircissement des statues. Seul le recteur de la cathédrale du Puy pense que la couleur induit plus de ferveur, parce qu’elle rend la Vierge plus humaine, par un processus d’identification symbolique (noire comme nous pécheurs, noire parce que Vierge multiculturelle ou transculturelle).

Notre hypothèse est vérifiée : la couleur noire « transforme » et complexifie une statue mariale au teint clair. Ainsi cet objet de recherche mérite-t-il un développement qui excède ces conclusions : il ouvre sur des concepts d’actualité et des phénomènes qui agitent les sociétés contemporaines – communication politique, question de « la différence », représentation de l’autre, communication par l’image, problème d’intégration par la religion, de l’identité plurielle.

Nous définirons volontiers, pour conclure, cette couleur comme utile à la communication de l’Église. Mais, peut-on malgré tout parler de marketing lorsqu’il s’agit de peindre le visage de la Sainte Vierge dans un but votif ? Ce phénomène de noircissement, dès la fin du XIVe siècle, ne touche pas le culte en profondeur et n’a aucun effet sur l’évolution de l’Église et sur ses fondements. La couleur noire des Vierges participe à la dévotion, puisque l’histoire et l’ethnographie montrent l’attachement des fidèles à ces effigies noires régulièrement repeintes. C’est ainsi que grâce au culte voué à ces représentations et à une tradition pseudo-historique, une sorte de typologie de Vierges sculptées à des époques différentes est soumise à la curiosité des chercheurs et de l’Église : « les Vierges noires », figures virginales baignant dans un mystère de bon aloi du fait de leur couleur originale.

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Crédits photo
Les photographies représentant les statuettes du Bénin et du Nigéria portent la mention : © Musée Africain de Lyon.
Les photographies des statues de Vierges portent la mention : © Rémi Boissau.

[1] Université Blaise-Pascal, Groupe Communication et Solidarité

[2] Appel à communication, Le temps des médias, 2011. http://www.histoiredesmedias.com

[3] Les propos des personnes interrogées – clergé, attachés à l’église et fidèles – représentent un témoignage spontané et brut, parfois sans références précises, dont on pourra apprécier l’éclairage qu’il apporte au sujet.

[4] La statue de Notre-Dame-du-Puy, date du XIXe siècle. L’originale d’époque romane a été brûlée en 1794.

[5] La statue de Notre-dame de la Bonne Mort est une vierge romane noircie au XIXe siècle.

[6] La statue de Notre-Dame-du-Port a été réalisée au XVIIIe siècle, à partir d’un modèle d’icône byzantine, et noircie au XIXe siècle. Elle n’est pas de style roman (comme l’objet de notre étude), mais elle permet d’élargir notre enquête de terrain.

[7] Odo de Gissey a recopié le texte en latin d’Étienne Médicis. Odo de Gissey, Discours historique de la très ancienne dévotion à Notre-Dame du Puy, Lyon, 1620, p. 123.

[8] Étienne Médicis né au Puy en 1475 et mort en 1565, son véritable nom est Mège ; il bénéficie d’une culture ecclésiastique. Il commence à écrire vers 1500 sur le Puy, et ce durant de nombreuses années, puisqu’il décrit les agressions verbales protestantes adressées à la statue. Édition de son texte : Chroniques de Estienne de Médicis, bourgeois du Puy, publiées par A. Chassaing, 2 tomes, Le Puy. 1869-1874. Tome 1, p. 512.

[9] Sophie Cassagnes-Brouquet, entretien le 2-7-2010.

[10] Marguerite d’Autriche : née en 1480 à Bruxelles, fille de Marie de Bourgogne et de Maximilien d’Autriche. Un projet de mariage avec le dauphin Charles est envisagé en 1482, un an avant la mort de son père le roi de France Louis XI, mais, devenu roi, Charles VIII rompt le projet, pour épouser Anne de Bretagne en 1491.

[11] Un récit recopié par Etienne de Médicis.

[12] Il existe un texte diffusé dès la fin du XIVe siècle, par le clergé du Puy (celui recopié par E. de Médicis, puis par O. de Gisey). Mais dès le XVIIIe siècle, on leur accorde plus d’importance, par exemple : Faujas de Saint-Fond, Saillens, etc.

[13] Il faut bien voir que les Jésuites ne sont ni des créateurs ni des inventeurs, ils doivent défendre la tradition catholique, ils recopient et publient tout ce qu’ils trouvent dans les archives ecclésiastiques ou autres pour défendre le catholicisme. C’est ce que fait Odo de Gissey avec les archives du Puy et les écrits d’Étienne Médicis. Le Cantique des Cantiques, dans la perspective jésuite, est simplement un moyen de plus pour renforcer ce qui s’est fait en dehors de toute référence à ce texte.

[14] Platter (F. et T.) à Montpellier (1552-1559-1595-1599). Notes de voyage de deux étudiants bâlois publiées d’après les manuscrits originaux appartenant à la bibliothèque de l’université de Bâle, avec deux portraits. Montpellier, chez C. Coulet, libraire, 5, Grand’rue, 1892, p. 143.

[15] Le dogme de l’Immaculée Conception n’est proclamé qu’en 1854 par Pie IX.

[16] Père Emmanuel Gobbiliard, entretien le 22-7-2010.

[17] Bernard Rouchon, entretien le 5-8-2010.

[18] Dominique Kaeppelin, entretien le 5-8-2010.

[19] Monseigneur Hyppolite Simon, entretien le 27-8-2010.

[20] Père Philippe Piaulet, entretien le 10-8-2010.

[21] Bernadette Queydon, entretien le 11-7-2010.

[22] Bernard Evain, Paris, entretien le 22-7-2010.

[23] Martine Jamet, Limoges, entretien le 22-7-2010.

[24] Père Jean-Michel Roger-Bérubet, entretien le 10-8-2010.

[25] Anne Marie Bertrand, Paris, touriste à Notre-Dame-du-Port, entretien le 22-7-2010. Port, à l’époque médiévale, signifie col ou passage.

[26] Didier Gracz, entretien le 22-7-2010.

[27] DORTIER J. F. (2005), « La Religion unité et diversité », Dieu et les sciences humaines, coordonné par Laurent Testot et Jean-François Dortier, Auxerre, éd. Sciences humaines, p. 15.

[28] DELUMEAU J. (1981), Le Péché et la peur : La culpabilisation en Occident (XIIIe-XVIIIe siècles), Fayard.

[29] TESTOT L. (2006), « L’origine des religion », Les Grands dossiers de Sciences humaines, n° 05.

[30] BALLARDINI B. (2006), Jésus lave plus blanc, Liana Levi.

[31] Le cardinal Poupard, Radio Vatican 9 novembre 2004, IXe session publique pontificale.

[32] d’Almeida F. (janvier 1970), « Propagande, histoire d’un mot disgracié », Mots. Les langages du politique, Chroniques, Chroniques, mis en ligne le 14 mai 2008. http://mots.revues.org/index10673.html.

[33] Déléage P. (2009), La Croix et les hiéroglyphes. Écritures et objets rituels chez les Amérindiens de Nouvelle-France, paris, Rue d’Ulm, Musée du quai Branly.

[34] Collection du musée Africain de Lyon.

[35] Nora P. Les lieux de mémoire, tome II, « La Nation, le territoire, l’État, le Patrimoine », Paris : Gallimard, 1997, p. 406.

[36] Pour les autres représentations noires (le mage et saint Maurice) antérieures aux vierges noircies, il faut aller ailleurs qu’en Auvergne. D’ailleurs la première image mariale noircie, celle de Notre-Dame-du-Puy se situe en Velay. L’Auvergne suit un mouvement, elle ne l’a pas initié.

[37] Paul Grimaud, entretien le 2-9-2010.

[38] Bernard Chédozeau, L’image orthodoxe, Académie de Montpellier, Séances du 20/03 et du 12/06//2006, Conf. n° 3938, Bull. 37, pp. 63-84, 2007.

[39] Faujas de Saint-Fond, op.cit., reproduit par F. Mandet, p. 206.

[40] Girard R. (2005), « Le christianisme est-il une science humaine » ? La Religion unité et diversité, coordonné par Dortier et Testot, Paris, éd. Sciences Humaines, p. 53.

[41] HUGON A. (1993), « La propagande missionnaire par l’image », in Images et Colonies, actes du colloque publiés sous la direction de P. Blanchard et N. Bancel, Paris, Syros, p. 1.

[42] CLAVAL P. (2008), Religion et idéologie, 2008, Paris, PUPS, p. 71.

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Les-Vierges-noires-un-media.html

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