Comptes rendus
Yves Lavoinne
Le fait divers : ironie et point de vue de classe. L’entrée d’Aragon à L’Humanité (1933)
Entré à L’Humanité fin mai ou début juin 1933, Aragon se vit confier les " chiens écrasés ", rubrique où il fut confiné dans l’anonymat. Cependant, en croisant ses souvenirs et des articles de L’Humanité, on peut lui attribuer une série de faits divers caractérisés par une ironie qui tranche avec le style habituel de ce type d’articles dans ce quotidien. Cette exception stylistique marque la contribution originale de l’ancien surréaliste à la défense et illustration d’une morale de classe. L’usage de l’arme du rire ne fut d’ailleurs pas sans entraîner des protestations de telle ou telle catégorie. Une autre composante de l’attitude d’Aragon est l’anticléricalisme, ce qui lui valut une critique de la part de Thorez, sans doute à la fin de 1933.
En revanche, lors de l’affaire Violette Nozières, dans L’Humanité comme dans Regards, Aragon adopta un traitement plus conventionnel qui scelle sa rupture avec ses anciens amis surréalistes. Le récit du fait divers vise alors exclusivement à construire et renforcer un " point de vue de classe ", à la fois analytique et affectif.
Toutefois, pour apprécier la situation d’Aragon, il faut noter qu’en juillet, il signe exceptionnellement 4 articles, qui plus est politiques. Au cours de ce semestre d’apprentissage du métier de journaliste " partisan ", Aragon fut donc conduit à se dépouiller peu à peu de son style brillant et provocant.