04 - Dire et montrer la guerre, autrement
Jean-Claude Gardes
La caricature en guerre : Allemagne, 1914-1918
Le Temps des médias n°4, printemps 2005, p.151-161La caricature allemande, puissamment structurée au sein d’une presse satirique florissante, prend bien note dès 1910 des grandes tensions internationales. Après la brève accalmie du premier semestre 1914, elle s’engage sans retenue dans la bataille dès le mois d’août 1914, soucieuse d’apporter son soutien à la patrie en danger. Même les artistes les plus critiques à l’égard du régime wilhelminien se rallient au célèbre appel à l’union sacrée lancé par Guillaume II, ils conçoivent la guerre comme un combat défensif de la culture germanique contre la barbarie ennemie. Dans l’enthousiasme du départ, ils ne cessent d’ancrer dans les esprits que l’ennemi va être rapidement pulvérisé, ils aiment ridiculiser l’ennemi, dont ils soulignent l’incompétence, la grossièreté, la bassesse et la cruauté. Des principaux belligérants ennemis, c’est la Russie et à un degré moindre l’Angleterre qui sont les cibles de leurs flèches les plus acérées ; la France ne fait bien souvent que suivre le mouvement, elle est même présentée à maintes occasions comme la victime de ses alliances. Au fil des mois, les représentations grossières du début évoluent quelque peu, les caricaturistes les moins engagés multiplient les dessins purement apologétiques, peu ou pas satiriques, mobilisateurs et incitatifs, ou se tournent vers une satire de mœurs anodine. Les dessinateurs politiques des journaux conservateurs continuent de faire preuve d’une grande virulence tandis que les artistes des organes libéraux ou socialistes, qui souhaitent de plus en plus ardemment la paix même s’ils soutiennent encore le combat allemand, proposent de plus en plus fréquemment des images nouvelles, telles celle du « poilu » pour lequel on éprouve malgré tout un certain respect ou celle des profiteurs de guerre.
>> Acheter cet article sur CAIRN