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20 - Nouvelles du monde

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Michael Palmer

Histoire – médias, journalisme, communication – et les Congrès internationaux des ‘communicologues’.

Le Temps des médias n°20, Printemps - été 2013.

Par Michael PALMER

Juin 2013 : deux associations internationales de « communicologues » tenaient leur congrès à Londres et à Dublin. Environ 2 000 chercheurs se sont donc rendus dans ces capitales ; certains d’entre eux ont même assisté aux deux manifestations : celle de Londres de l’ICA ; celle de Dublin de l’IAMCR/AIERI . Ils y ont présenté des communications, échangé et parfois noué des contacts susceptibles de favoriser leurs recherches et leurs carrières. Doctorants et chercheurs confirmés s’y sont retrouvés, de même que les maisons d’édition de ce champ.

Ici, on se penchera sur l’apport des travaux des historiens des médias, du journalisme et de la communication, et sur les mots-clés qui aident actuellement à baliser leurs démarches. On ne s’attachera pas à telle ou telle communication mais plutôt à leur intérêt global éventuel pour les recherches des historiens francophones.

Il faut en effet partir de la question de la langue. Non pas celle des « langages » numériques, « internautiques », qui ont, certes, leur importance. Mais tout simplement celle de l’anglais en tant que vecteur de communication internationale. L’ICA a eu la bonne idée de clore ses travaux par une séance sur « Le pont et la barrière : les défis de la pratique des langues dans la recherche en communication ». Les intervenants – du Royaume-Uni, des États-Unis, de la France et du Japon - et les congressistes dans la salle sont ainsi revenus sur les avantages et, surtout, les inconvénients de l’anglais comme vecteur privilégié de la recherche et de ses publications, en ligne comme sur support-papier. En tant qu’historien, assistant aux séances consacrées, soit dit en simplifiant, à l’histoire des médias, je ne pouvais que constater les éventuelles méprises nées de cet anglais lingua franca de la recherche. Tout en relevant son efficacité. Ces associations internationales peuvent afficher, voire pratiquer, un certain plurilinguisme. Dans les faits, il en est peu question. Norvégiens, Turcs, Brésiliens, etc. « communiquaient » donc en anglais. Parfois à leur corps défendant. On a beau préconiser l’exclusion de références culturelles par trop anglo- ou (nord) américano- centrées, elles reviennent au galop, notamment lors des communications orales. On ne peut trop en vouloir à leurs auteurs ; le plaisir de l’écriture, de la parole, est un peu lié aux registres et connotations pluriels de l’expression. Et l’on connaît aussi la lourdeur qui caractérise bien des tentatives d’explicitation des allusions culturelles dans une langue autre que « la sienne ».

Premier constat : aucune des communications présentées ne traitait d’une période antérieure à 1800. Pour l’essentiel, le XIXe siècle était déjà bien avancé avant qu’il ne trouve grâce, comme « terrain de recherche » aux yeux de la plupart des communicants. On peut en comprendre les raisons. Et l’on peut aussi relever un paradoxe : ce sont plutôt des chercheurs en rhétorique - mot-clé plus courant que « sémiologie » et aussi présent que « discours » - de la communication, ou en philosophie de la communication, qui se réfèrent aux « anciens », aux grands maîtres de jadis. Aristote revient plus souvent chez eux que Fernand Braudel ou Harold Innis chez les historiens. Certes, la notion d’espace public et Jürgen Habermas constituent des références pour de nombreux communicologues - et peut-être un peu moins chez les historiens.

Souvent reviennent, tels des leitmotive dans les communications effectuées par des historiens, les rapports avec tel ou tel média, la technologie, l’État, les genres et les formes d’écriture ou encore le journalisme. Le télégraphe électrique, la radio (plus encore que la télévision), l’image – de l’image fixe (la photographie) à l’image animée (jusque dans ses formes contemporaines), sans oublier le journal imprimé, servent de focale aux recherches conduites de par le monde. Une réflexion peut advenir à partir de « l’information-news » sur l’opinion et le débat. La notion de service public est également explorée sous plusieurs angles, dans de nombreux pays. Une loi qui fit date (comme celle du 29 juillet 1881 en France, par exemple) peut être au cÅ“ur de recherches croisées, dans une confrontation avec la loi de 1967 sur l’audiovisuel public aux États-Unis, qui porte sur une programmation éducative et non-commerciale, par exemple. On notera que la séance concernée était dominée par des chercheurs états-uniens, même si le discutant venait de Nouvelle-Zélande.

Sans doute la séance consacrée à la mémoire collective et l’histoire des médias aurait-elle trouvé le plus d’échos chez les chercheurs francophones. Intitulée « Images de guerre dans la mémoire collective », elle comportait des communications sur les photographies de Roger Fenton pendant la guerre de Crimée, et sur des photos sources de polémiques depuis les années 2000 : celles du conflit au Liban en 2006, ou de la guerre en Irak – les photos des détenus maltraités à la prison d’Abou Ghraib (2004), par exemple. On peut rapprocher de ces communications faites à l’ICA, celle de l’AIERI consacrée à la commémoration dans la presse de la Libération de Paris en 1944, plusieurs décennies plus tard. On relèvera que les chercheurs AIERI et ICA n’ont pas du tout fait écho aux travaux de François Hartog et à la notion de « présentisme », si familiers des plumes francophones.

Néanmoins, les chercheurs « communicologues » qui ont participé à ces deux congrès ont interrogé la question des « sources » dans des optiques complémentaires de celles des historiens des médias. Dans leurs interventions, la notion de « sources » renvoie aussi bien à celles de ceux qui informent – les journalistes, et, par leur truchement, les publics - qu’aux « ressources » dont disposent les historiens des médias. Leur contribution est notable sur le thème de la numérisation des supports et des données, des archives de journaux imprimés ou de ressources audiovisuelles, par exemple. Quant aux sources d’information des journalistes, la question est récurrente, comme en témoigne – source d’une controverse toute récente, abordée dans une session qui n’était pas, il est vrai, animée par des historiens des médias - le thème de la surveillance et de l’exploitation illicite de la part des journaux britanniques de la News Corporation de Rupert Murdoch de « sources » d’information dans des affaires transformées en faits divers prééminents par lesdits journaux. Constat désabusé de ceux qui voudraient faire en sorte que de telles pratiques n’aient plus cours : « Aujourd’hui, nous sommes peut-être mieux entendus que par le passé, nous savons mieux nous organiser pour être écoutés par le législateur, mais de là à dire que nos propositions soient mises en Å“uvre… ». Et les historiens des médias de pointer à cette occasion l’échec des projets de réforme par le passé...

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Histoire-medias-journalisme.html

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