Atelier doctoral 2003
Andreas Laska : Ecrire pour l’ennemi, La Gazette des Ardennes
La thèse d'Andreas Laska porte sur une période plus large que celle évoquée ici, et ne s'intéresse pas seulement à La Gazette des Ardennes.
Pendant l'été 1914, personne ne prévoit que le conflit sera long. La propagande est mal coordonnée. Le quartier général allemand de Charleville-Mézières coordonne cette propagande, mais l'administration civile française reste officiellement en place. Pour ce qui est de la politique de la presse, on note que les parutions sont suspendues lors de l'invasion ; il n'y a donc pas de presse en France lorsque les Allemands arrivent. Par la suite, par manque de coordination, les Allemands tentent parfois (c'est le cas à Saint-Quentin) de convaincre les Français de faire reparaître les journaux.
A partir du mois d'octobre 1914, le service des renseignements de l'armée allemande cherche à coordonner toutes les initiatives en matière de propagande, et crée La Gazette des Ardennes. Pour faire fonctionner le journal, un journaliste français est nécessaire. C'est René Prévôt, un Alsacien, qui devient ce propagandiste pour les Allemands. La Gazette est généralement hebdomadaire. Elle publie de nombreuses photographies. Une des difficultés est de faire lire par la population le journal de l'ennemi. Les Allemands souhaitent que La Gazette soit en situation de monopole, et interdisent donc les autres publications. Ils choisissent aussi d'annoncer que le journal est le journal officiel de l'armée allemande.
Au niveau du contenu, il s'agit de faire un journal le plus complet possible. La rubrique régionale est très importante. Surtout, La Gazette publie la liste des prisonniers français détenus en Allemagne (elle a un monopole sur ces listes car la Croix rouge allemande ne les publie plus).
La propagande est perceptible dans les événements choisis, l'idéologie de la publication et dans le regard porté par La Gazette sur la France et les Français. Au niveau des événements, l'étude se concentre sur les grandes batailles de la guerre, l'entrée des Etats-Unis dans le conflit ou le regard porté sur l'URSS (on trouve un surprenant éloge de Lénine). Sur le plan de l'idéologie, c'est la lutte contre l'image d'une Allemagne peuplée de Barbares qui frappe. On trouve en effet beaucoup d'articles sur les relations aimables entre les militaires allemands et la population française (offices religieux, concerts...).
Le succès de La Gazette est important. On peut le mesurer avec les chiffres de tirage (175 000 exemplaires en 1918). Dans certaines communes, le taux de pénétration est alors d'un journal pour huit personnes, ce qui est énorme. De nombreuses traces de l'influence de la publication sont par ailleurs perceptibles dans les journaux intimes, les textes de l'époque. Enfin, La Gazette des Ardennes semble avoir été une réussite économique.