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"L’héroïque cinématographe comment filmer la Grande Guerre ?"
DVD documentaire
SCEREN / CNDP-CRDP. Un film de Laurent Veray et Agnès de Sacy.

Soldats dans les tranchées, assauts meurtriers, explosions : ces images, nous les connaissons, ce sont celles des champ de bataille pendant la guerre de 1914-1918. Mais en les observant de près, on s’aperçoit que ce ne sont pas des images prises sur le vif. Comment, en effet, les cameramen auraient-ils pu occuper une position aussi privilégiée entre les deux lignes ennemies, filmant de face les assauts des troupes, tenant le no man’s land sous leur objectif sans être eux-mêmes atteints par les tirs croisés des canons ? C’est que la plupart de ces images sont des scènes reconstituées après la bataille, parfois même à la fin des hostilités, sur des terrains de manoeuvres. Les véritables combats, eux, sont le plus souvent restés invisibles. L’horreur de la guerre avait lieu loin des caméras. Pourtant, de chaque côté du front, des dizaines d’opérateurs ont filmé tout au long du conflit. Mais ils ont tourné comme ils pouvaient et ce qu’ils pouvaient, entre censure et propagande : les autorités militaires, méfiantes au début, ont très vite compris que le cinéma pouvait devenir une véritable arme de guerre.
Puisant dans les fonds d’archives européens, ce film reconstitue le journal de guerre fictif de deux opérateurs, un Français et un Allemand, entre 1914 et 1918. Tout en filmant le conflit de part et d’autre de la ligne de front pour le compte des actualités cinématographiques de leur pays respectif, chacun consigne ses réflexions sur ce qu’il tourne. Les images “héroïques” que l’on voit sont ainsi très différentes de celles auxquelles le cinéma et la télévision nous ont habitués par la suite. Certes, il y a les scènes fameuses des foules en liesse le jour de la déclaration de guerre et des premiers départs pour le front, la fleur au fusil ; celles, véritables mises en scène dirigées par le cameraman, de la vie ordinaire d’un régiment dans les Vosges ou d’une visite de Pétain aux poilus, destinées à réconforter l’arrière ; celles également de colonnes de prisonniers filmées sous leur meilleur angle ou encore de grands blessés exhibant leurs plaies cicatrisées à la gloire de la science chirurgicale.
Mais surtout, on assiste à la prise de conscience des opérateurs (à l’origine, côté français, de la création du Service cinématographique des armées) peu à peu hantés par un lieu inaccessible situé “au-delà des barbelés”… À travers ces carnets d’hommes d’images est ainsi posée une question devenue d’une actualité permanente : comment filmer la guerre ?