Comptes rendus
Ludivine Bantigny
Appelés et rappelés en Algérie vus par L’Humanité
Dans un contexte de guerre qui ne dit pas son nom, où la censure menace et où les correspondants sur le terrain manquent, comment L’Humanité peut-elle rendre compte de la situation vécue par les soldats du contingent en Algérie ? Comment concilier l’antimilitarisme, de tradition dans le mouvement ouvrier, et la défense républicaine de l’armée et de la nation ? L’usage d’une chronologie fine offre de mieux cerner l’inflexion des positions et des revendications portant sur les appelés et rappelés et défendues dans L’Humanité. En étudiant notamment la rubrique consacrée au contingent, " Le Coin du soldat ", on peut tenter de saisir la manière dont elle est conçue et de comprendre pourquoi, d’hebdomadaire et de très régulière qu’elle était au début du conflit, elle s’étiole pour disparaître en 1960. Seul le putsch des généraux factieux en avril 1961 donne encore l’occasion de mettre en valeur l’action des jeunes appelés. Un triple constat s’impose dès lors : au temps de la guerre d’Algérie, L’Humanité est un journal de dénonciation : dénonciation des brimade, des s conditions de vie des appelés, et bien sûr de la guerre elle-même (L’Humanité est l’un des tout premiers journaux à parler de " guerre ", dès le début de l’année 1955). Le journal est également organe de vigilance, qui met ses lecteurs en alerte, par exemple sur le cas des soldats insoumis refusant d’aller combattre en Algérie. Mais L’Humanité n’est guère, pour les soldats du contingent, un journal de proposition ; essentiellement descriptif, il dessine finalement fort peu de perspective politique.