SPHM Infos

envoyer l'article par mail title= envoyer par mail Version imprimable de cet article Version imprimable Augmenter taille police Diminuer taille police

Appel àcontribution, revue Semen N° 36, "Les nouveaux discours publicitaires"

Dans les années 1980-2000 considérées comme l’une des périodes florissantes de la publicité, le discours publicitaire a donné lieu à de nombreux travaux, qu’ils adoptent une perspective sociologique (Cathelat, 1987), sémiologique (Floch, 1990), sémantique (Grunig, 1990), psychologique (Jouve, 1991) ou rhétorico-pragmatique (Adam & Bonhomme, 1997). Or avec l’épuisement des modèles publicitaires traditionnels (accéléré par certaines campagnes radicales, comme celles de Benetton) et en dépit de la diminution d’ensemble des budgets affectés au marketing, la publicité s’est profondément renouvelée au tournant du XXIe siècle.

Ce renouvellement tient d’abord à la diversification des supports publicitaires, avec le développement des médias électroniques (voir Hussherr, 1999). D’un côté, on assiste à l’explosion de la publicité sur Internet qui recourt à des formats spécifiques (bannières, pop-up…) et à de nouveaux vecteurs médiatiques (e-mailing, blogs comme ceux de La Redoute ou de LVMH), tout en fragmentant la communication publicitaire et en la rendant plus participative. D’un autre côté, la publicité par SMS – dite « marketing mobile »  joue un rôle croissant, avec les ciblages individualisés qu’elle permet (cf. la campagne de contraception du Ministère de la Santé en 2008).

Par ailleurs, comme le notent Klein (2001) ou Lewi (2009), les stratégies publicitaires privilégient progressivement la promotion des marques au détriment de celle des produits. Une telle forme de médiatisation se traduit par la construction d’univers imaginaires autour de marques-cultes porteuses de valeurs spectaculaires (voir les campagnes Nike, Levi’s ou Kookaï). Axées sur la performance, la liberté ou la spontanéité, ces valeurs créent une communion étroite des consommateurs avec les marques ainsi idéalisées.

Parallèlement, les publicités récentes tendent à brouiller leurs messages commerciaux, en les parasitant par des messages a priori étrangers à la pratique du marketing. En particulier, certaines campagnes épousent la cause écologique (Leroy-Merlin, Renault…). D’autres suivent une démarche politique, à l’instar de la publicité « citoyenne » de Leclerc. Ou s’inscrivant dans une mouvance dite « aspirationnelle » (Declerck, 2007), diverses campagnes militent en faveur de groupes sociaux, à l’exemple de celles de Dove à l’adresse des femmes âgées ou jugées disgracieuses. De tels brouillages contribuent à une « dépublicitarisation » des annonces (Berthelot-Guiet & de Montety, 2009) et à leur flou interprétatif.

Plus généralement, le langage publicitaire lui-même subit d’importantes mutations depuis quelques années. D’une part, sous l’influence du « post-modernisme » (Riou, 1999), il évolue vers le second degré et l’autodérision (voir les campagnes Go Voyages), tout en radicalisant les détournements des formations discursives les plus variées, qu’elles soient artistiques ou religieuses (Lugrin & Molla, 2008). En jouant avec la culture du public, ces pratiques métadiscursives instaurent une forte connivence dans la communication publicitaire. D’autre part, rompant – dans la foulée des campagnes Benetton – avec la teneur consensuelle de la publicité classique, le langage publicitaire n’hésite plus à choquer. En témoignent les slogans provocateurs exploités par les sous-genres publicitaires que sont le « shockvertising » (Cf. Candia : « Quand je vois Babette, je sors le fouet ») ou le « glam trash » (Versace). Dans un tout autre registre, les campagnes institutionnelles pour les grandes causes, comme celles contre le tabagisme ou contre les violences conjugales, durcissent de plus en plus leur expression.

Basées globalement sur des stratégies de rupture – la « disruption » de Dru (2007) – ces évolutions dans la publicité récente ont été analysées selon des approches éthiques (Teyssier, 2004), socioculturelles (Lavanant, 2007), sémiologiques (Lebtahi & Minot, 2009) ou mercatiques (Mucchielli, 2010). Mais leur dimension proprement discursive, avec ses implications linguistiques, rhétoriques et iconiques, a encore nourri peu d’études. Parmi celles-ci, on peut mentionner les analyses de Lugrin (2006) sur l’intertextualité des publicités de presse, celles de Liénard (2009) sur le langage des annonces par SMS ou celles de Bonhomme (2009) sur les avertissements anti-tabac. L’objectif de ce numéro de Semen est de pallier ces lacunes, en proposant un dossier consacré aux répercussions que les nouvelles tendances de la publicité vues précédemment ont sur les composantes verbo-iconiques des annonces : en quoi ces nouvelles tendances affectent-elles la rhétorique des messages publicitaires ? Quelles incidences ont-elles sur leur fonctionnement communicationnel ? Comment se concrétisent-elles dans la production des slogans, des textes ou des images ? En somme, l’accent sera mis sur les mutations récentes des configurations publicitaires, en relation avec leurs contextes socio-médiatiques.

À partir de ce cadrage, on encouragera les propositions d’articles consacrés en priorité aux questions suivantes :

 Les influences des médias électroniques sur le fonctionnement discursif des messages publicitaires.

L’étude portera sur l’une des formes de ce type de publicité : sites Web, blogs, e-mails, jeux publicitaires en ligne, marketing viral, SMS… Elle s’intéressera aux particularismes tant visuels que scripturaux de ces publicités électroniques (oralisation, figures morphologiques, idéogrammes…) et /ou à leurs procédures interactives/rétroactives qui font du public un « consommacteur » (de Barnier & Joannis, 2010). On pourra du reste se demander si, à travers ces procédures interactives, la publicité n’entre pas dans une sorte d’« altermodernisme », avec une reconstruction permanente du rapport à l’autre.

 La rhétorique des publicités de marque actuelles.

On s’attachera, selon les cas, à une campagne caractéristique ou à l’examen comparatif de plusieurs campagnes développées autour d’une marque, à travers les rapports textes/images. On étudiera, au choix, les procédés rhétoriques mettant en évidence l’idéologie et l’axiologie de la marque, sa spectacularisation ou sa dimension autoréférentielle. L’analyse pourra aussi se concentrer sur l’éthos manifesté par ces publicités de marque : quelles images donnent-elles de l’annonceur et du public ciblé ?

 La dilution et l’hybridation des discours publicitaires récents.

On examinera, exemples significatifs à l’appui intégrant la dimension verbo-visuelle, dans quelle mesure les pratiques de plus en plus fréquentes de l’intertextualité, du pastiche et de la parodie conduisent ou non à un éclatement du genre publicitaire lui-même. Ou encore, on considérera comment la récupération commerciale de messages non publicitaires (littéraires, philosophiques ou autres) engendre un double discours fondé sur l’ambivalence isotopique, la polyphonie et le mélange de points de vue. Plus largement, on réfléchira sur les nouvelles formes de l’énonciation publicitaire, avec le privilège accordé à l’humour, au recyclage ironique et au contre-emploi.

 Le durcissement discursif des campagnes institutionnelles.

L’étude portera sur l’évolution, depuis quelques années, des campagnes sanitaires (lutte contre le sida, l’obésité…) ou préventives (contre les accidents de la route…) dans le sens de la dramatisation et de l’hyperréalisme. On pourra cerner le fonctionnement argumentatif de ces campagnes, à travers leurs composantes langagières (slogans, textes…) et/ou iconiques, ainsi que leur rhétorique centrée sur le pathos.

Quel que soit le média retenu (Internet, publicités de presse écrite, affiches…), les corpus concerneront impérativement des publicités ou des campagnes publicitaires diffusées depuis 2000.

Pour les reproductions éventuelles de publicités, des demandes d’autorisation seront nécessaires et elles seront effectuées en collaboration avec les Presses universitaires de Franche-Comté. Échéancier

Propositions d’article, avec résumé (environ 2500 signes, espaces compris) : 15 septembre 2012.

Signification aux auteurs : 15 novembre 2012.

Remise des textes à l’éditeur pour évaluation interne et navette : janvier 2013.

Remise des textes à la revue pour expertise : mars 2013.

Publication prévue : octobre 2013.
lien : http://semen.revues.org/9535

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Appel-a-contribution-revue-Semen.html

Dans la même rubrique