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Appel Journée d’études "La télé-réalité, une fabrique télévisuelle entre réalité et fiction, Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle , 3 mai 2011.

Organisée en partenariat avec le laboratoire CIM (Communication, Information, Médias), l’école doctorale Arts et Médias et l’Institut de la Communication et des Médias de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3.
En 2001, M6 importe le concept innovant de télé-réalité à la télévision française avec l’adaptation de l’émission anglo-saxonne Big Brother. En produisant Loft Story, M6 ouvre un nouveau créneau de production dans le paysage télévisuel français et propose un archétype de la télé-réalité. Prise comme une forme d’ « idéal type » de la télé-réalité, l’émission Loft Story suscite l’attention du public et des médias en cristallisant de nombreuses controverses, participant à la « panique morale » suscitée par la télé-réalité à travers l’Europe (Biltereyst, 2004). Entre concept libérateur des contraintes télévisuelles traditionnelles et nouvel avatar de la trash tv, son implantation en France est sanctionnée par la construction d’une image négative du genre (Segré, 2008) dans les médias : les écrits dénigrant la télé-réalité se multiplient, remobilisant les arguments académiques classiques de la théorie critique d’une télévision « abrutissante » voire « aliénante », de faible qualité esthétique. Le foisonnement des discours pourtant incite à prendre en compte l’ampleur du phénomène dès sa diffusion et à reconnaître son statut d’objet scientifique à part entière ouvrant la question des modes de réception (Mehl, 2003) et de socialisation (Duret, de Singly, 2003) qui lui sont liés. Il invite également à interroger les codes ou les règles caractéristiques qui ont pu donner naissance à un genre télévisuel singulier. Loft Story ouvre la voie à d’autres émissions qui reposent sur les mêmes logiques. La télé-réalité semble se décliner au début des années 2000 sous plusieurs formes, toutes ayant pour trait commun d’isoler les candidats du monde extérieur pour les mettre dans une situation reproduisant la réalité, sous l’œil des caméras. Des émissions telles la Star Academy ou Koh Lanta ajoutent à ces codes la fibre compétitive, qui allie réalisation et dépassement de soi des candidats.
Aujourd’hui, après une première vague apparemment homogène, il semble que la télé-réalité s’oriente vers une hybridation du genre. D’une part, des émissions non catégorisées télé-réalité – comme la Nouvelle Star, icône de la télé crochet – intègrent des éléments de télé-réalité en isolant leurs candidats et en proposant des reportages sur leur vie quotidienne hors plateau. D’autre part, les émissions de télé-réalité « classiques » font montre d’une scénarisation croissante, qui leur donne un aspect feuilletonesque, rapprochant sensiblement leur construction des séries télévisées. Parmi les émissions récentes, Secret Story se distingue par des rebondissements permanents, engrangés par la production de l’émission, qui mobilisent la participation active des candidats. Cette hybridation se caractérise par un trouble dans les frontières séparant télé-réalité et autres genres télévisuels proches. Comment, dès lors, peut-on identifier la téléréalité ? Les codes fondateurs des premiers temps ont-ils perduré et sous quelle forme ? Cette hybridation invite à l’analyse des transferts entre les genres télévisuels, notamment avec la mise en scène de plus en plus commune de l’ « intimité » (Mehl, 1996) et la mise en situation réelle dans les émissions auparavant non classées parmi la télé-réalité. Elle encourage par ailleurs à interroger la manière dont la scénarisation redessine la dichotomie fiction/réalité au sein même des émissions de télé-réalité « classique ».
Dès lors, dans cette évolution que nous pourrions qualifier de « seconde vague » de la télé-réalité émerge l’enjeu paradigmatique des dispositifs : face à l’hybridation des contenus, les dispositifs sont-ils devenus les garants du cadrage du genre ou ont-ils eux aussi été sujets à des fluctuations ? La place de l’ « animateur de télévision » (Chalvon Demersay, Pasquier, 1990) semble sous-tendre cette tension : l’animateur des émissions de télé-réalité n’est en effet pas sans rappeler celui des talk-shows, assurant une fonction entre médiation et thérapie. Comment se distingue alors la télé-réalité des autres genres télévisuels, notamment des talks shows dont l’émergence a précédé l’éclosion de la télé-réalité sur les écrans français ? En exergue de la question du présentateur, émerge naturellement celle de la place et du statut des candidat.e.s. Ces derniers semblent pris dans un jeu de plus en plus complexe entre les logiques de peopolisation ou starification (Holmes, 2004) qui ouvrent les « boulevards de la célébrité » (Chenu, 2008) à chacun et, à l’inverse, les modalités de mise en scène du « quotidien » voire du « banal » (Jost, 2007). Être candidat n’apparaît plus relever seulement du hasard, mais d’un « art de faire » symptomatique d’un glissement de l’amateurisme vers une professionnalisation des candidats. La place des candidats suscite alors une interrogation sur les attentes de ces derniers : quel est le but final d’une participation à une telle émission ? Les nouveaux genres de télé-réalité qui s’incarnent dans les émissions de coaching –relooking, décoration, ménage etc. - fournissent une illustration et une voie d’observation de cette ligne de tension entre reconversion amateur et réinvestissement de sa vie quotidienne par le biais des services de télé-réalité. Ces nouvelles formules se font aussi les véhicules d’un certain nombre de normes – de la féminité, de la maternité ou encore de la relation amoureuse – auxquelles les candidat-e-s doivent tenter de se conformer, aidés par des animateurs « qualifiés ».
La ligne de fracture récurrente dans les réflexions sur la télé-réalité entre fiction et réalité prend de nouvelles dimensions et semble même récemment avoir atteint un paroxysme : suite au suicide d’un des candidats, M6 annule en juillet 2010 l’émission « Trompes-moi si tu peux ! », pourtant le plus gros investissement dans l’histoire de la télé-réalité en France. Enjeux commerciaux, enjeux humains, enjeux éthiques, la controverse vite étouffée est aussi à l’image d’une télé-réalité qui, tout en s’hybridant et se complexifiant, continue d’exploiter les limites émotionnelles et corporelles des candidats à des fins de divertissement. Elle interroge l’accoutumance au spectacle de la « performance » venant de l’individu ordinaire et sa réception. À l’heure actuelle, quels discours et quelle réception la télé-réalité suscite-t-elle ?
Cette journée vise à explorer les évolutions socio-historiques de la télé-réalité et à mettre au jour les nouveaux paradigmes référentiels pouvant éclairer ces changements. Nous proposons de réfléchir notamment autour de quatre axes de lecture de ce phénomène et privilégierons les communications s’inscrivant dans ces pôles de réflexions.
Nous nous intéresserons à la question de la définition de la télé-réalité : que recoupe ce terme ? Quelle est la nature de ces émissions et ont-elles des critères d’identification singuliers ? Nous nous attacherons ici à questionner les contours et les évolutions du genre en analysant les dispositifs, la place de l’animateur, les spécificités nationales, et les logiques de stabilisation du genre.
Le deuxième axe vise à explorer la tension classique entre fiction et réalité à la fois du côté des contenus et des individus. Seront soulevées ici les questions de l’ « authenticité » et de la scénarisation ainsi que les possibilités de repenser le diptyque récit/narration à travers la télé-réalité. Dans un tel cadre, les candidats subissent-ils la contrainte de la norme sociale, la pression du dépassement de soi ? Il s’agira alors de reformuler la problématique de la place du corps, notamment à travers les notions de « performance » et de compétition.
Le troisième axe se place du côté des publics : il valorisera les études de réceptions sur les spectateurs, les conditions et les caractéristiques socio-culturelles de visionnage. Il serait pertinent notamment d’étudier le rapport entre spectateurs et participants : dans quelles conditions les spectateurs deviennent-ils candidats ? Existe-t-il un phénomène d’ « acculturation » et d’acquisition de « compétences » des spectateurs amateurs des émissions de télé-réalité ? La réflexion sur les communautés de fans des candidats et des émissions et de leur moyen d’expression constituera également une piste à développer.
Le quatrième axe a pour objet les nouveaux enjeux de la télé réalité : quelles sont les thématiques émergentes qui deviennent sources d’innovation pour la télé-réalité – on pensera notamment au développement du thème culinaire ? Quels schémas suivent les complexifications des dispositifs ? Les nouvelles émissions de coaching qui renvoient à une offre de service via la télé-réalité sont-elles l’avenir du genre ?
Les communications prendront la forme d’un exposé de 20 minutes et composeront un panel pluridisciplinaire : sociologie, sémiologie, économie, cultural studies, histoire, etc. Nous sélectionnerons en priorité des propositions qui reposent sur un travail de terrain avancé sur des émissions françaises ou sur des comparaisons internationales. Les propositions de communications ne devront pas dépasser 500 mots et sont à envoyer pour le 28 février 2011 sous format pdf ou doc à l’adresse suivante : je.telerealite@gmail.com. Le choix des communications sera communiqué le 25 mars 2011.

Lieu :
De 9h à 19h à la Maison de la Recherche
Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle
4, rue des Irlandais, 75005 Paris

Comité d’organisation : Anne-Sophie Beliard (doctorante au CIM-Paris 3 Sorbonne Nouvelle), Sarah Lécossais (doctorante au CIM-Paris 3 Sorbonne Nouvelle, IEC), Nelly Quemener (docteur, CIM-Paris 3 Sorbonne Nouvelle, ATER UFR Communication Paris 3)

Contact : je.telerealite@gmail.com

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/Appel-Journee-d-etudes-La-tele.html

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