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AAC colloque "Religions et numérique : métamorphoses et conversions", Louvain

Date limite : 15 septembre 2018

Colloque international, Louvain-La-Neuve, 21 et 22 mars 2019

Réseau Relicom, Communication et espaces du religieux | The Relicom network

Organisation Andrea CATELLANI (PCOM, IL&C, Université catholique de Louvain) Olivier SERVAIS (LAAP, RSCS, Université catholique de Louvain), Belgique, David DOUYÈRE (Prim, EA7503, Université de Tours), France. Argumentaire En adoptant le principe que la religion constitue une forme de communication (par le langage, oral ou écrit, des images, des signes matériels visibles et des rites) qui vise à produire un échange relationnel avec différents types d’êtres et diffuser un sens, nous souhaitons penser dans ce colloque les formes actuelles de la relation entre pratiques numériques connectées et religions* – ou le religieux – quelles qu’elles soient, sous forme d’une triple interrogation :

qu’est-ce que les religions font avec le numérique connecté, et qu’est-ce qu’elles font au numérique connecté ? qu’est-ce que le numérique connecté fait aux religions ? Comment les formes religieuses réapparaissent, transfigurées et plus ou moins métamorphosées, dans les espaces numériques ? comment les pratiques religieuses se trouvent affectées, si elles le sont, par la digitalisation partielle de la production signifiante religieuse ? Par ces trois questions entrelacées, nous souhaitons examiner la réalité actuelle du numérique religieux et des religions numériques. Ce colloque ne se fonde bien entendu aucunement sur l’idée d’une séparation radicale entre monde off-line « réel » et monde on-line « virtuel » : il adopte au contraire une vision qui voit le numérique comme contexte de vie et d’expression de la réalité sociale à part entière, en interaction constante avec le reste de l’expérience humaine et sociale. Cette réflexion prend précisément ancrage dans la notion de « remédiation » (Bolter et Grusin 1998) : les formes religieuses communicationnelles numériques remédient celles qui lui précèdent ou sont externes au numériques – et vice-versa. D’un côté, le religieux traverse les espaces numériques, en les mobilisant et en provoquant la métamorphose et l’adaptation de ses formes ; de l’autre côté, les formes communicationnelles numériques deviennent des lieux d’incarnation et de métamorphose des religions.

Interroger ces interactions dans leur dimension expressive, formelle, mais aussi sociale, économique et politique, mobilise différentes disciplines scientifiques et différentes méthodologies, en sciences humaines et sociales : de la sémiologie à la sociologie des religions, de l’anthropologie aux sciences de l’information et de la communication et à la médiologie en passant par la philosophie et la psychologie.

Contexte scientifique Ce type de questionnement est présent depuis longtemps dans le monde de la recherche, et notamment dans le domaine des Digital Religion Studies (Campbell, 2017). Ce domaine de recherche, en évoluant à travers différentes « vagues » à partir des débuts de l’internet, a travaillé précisément sur la relation entre internet et religions, en passant de l’étude de la « digitalisation des religions » à celui de la « contribution du digital au religieux » (Hoover, 2012, p. ix). En manière de synthèse, « les Digital Religion studies étudient les implications en ligne et hors ligne de la reformulation des pratiques religieuses existantes et des nouvelles expressions de spiritualité en ligne » (Campbell, 2017, p. 17, notre traduction). Cela signifie analyser les formes religieuses qui apparaissent en ligne comme les modifications et évolutions des formes religieuses préexistantes (e.g. les grandes traditions religieuses) sur internet. Les recherches sur la relation entre numérique et religions ont débuté un peu plus tardivement dans la sphère francophone, notamment à partir de la fin des années 1990, concernant entre autres le christianisme et l’islam (avec notamment la notion d’ « oumma virtuelle »), mais aussi des cultes traditionnels afro-américains (Duteil Ogata et al., 2015). Après plusieurs articles et les ouvrages de Jean-François Mayer (2008) et Isabelle Jonveaux (2013), notamment, une série de numéros de revues et de volumes parus pendant les années 2010 (entre autres, Duteil Ogata et al., 2015 ; Douyère, 2015 ; Bratosin, Tudor, 2016), a manifesté une croissance de l’intérêt pour ces thèmes et un certain essor de ce domaine au niveau de différentes disciplines des sciences humaines et sociales. De manière fondamentale, l’immixtion d’internet sur la scène religieuse, et de la scène religieuse sur internet, reposent des questions de champs et de frontières du religieux lui même. En effet, déjà depuis Mosco (2004), qui qualifie les mondes numériques de « digital sublime », les débats sur le statut du digital en termes métaphysiques pour les sociétés humaines a fait l’objet de nombreuses discussions. La question des articulations entre fonction du religieux et fonction du numérique apparaît à travers ce que d’aucuns appellent le religieux analogique (Servais, 2013). Pour informer ces articulations nouvelles, des ethnographies en ligne et hors lignes de groupes, phénomènes et dispositifs émergents sortent du cadre restreint des religions sans pour autant s’en distinguer clairement (voir les travaux rassemblés dans Liogier, Servais, 2016-2017). Ils invitent par l’empirie à re-problématiser à nouveaux frais la question religieuse et ses définitions multiples.

Perspectives scientifiques Ce colloque a donc l’ambition de croiser les approches de la sphère francophone avec les recherches des auteurs qui publient en anglais notamment (mais pas exclusivement) dans le cadre des Digital Religion Studies, sur le sujet de l’influence croisée entre religions et espaces numériques. Les propositions de communication pourront se tisser dans l’un ou plusieurs des axes suivants (sans toutefois exclure d’autres sujets en lien avec le thème principal) :

1. Analyse des supports et des dispositifs numériques religieux

Il s’agit en premier lieu de proposer des analyses de cas particuliers ou des comparaisons pour approfondir la connaissance des dispositifs numériques religieux. Cet axe inclut aussi l’analyse des contenus, des discours, des images et des sons, des musiques, des récits liés aux religions qui circulent dans le monde numérique. Cet axe ouvre donc sur l’analyse des formes de pédagogie, d’enseignement, de catéchèse, de support à la prière et à la méditation, d’étude, d’annonce et de prédication, etc. Les formes humoristiques de valorisation détachée du religieux (du type Ma femme est pasteure) pourront aussi être étudiées. Dans un sens moins unidirectionnel, on peut prendre aussi en considération les formes de débat, de discussion, d’interaction, de production relationnelle de sens autour des thèmes religieux, notamment dans les commentaires postés en ligne sur les applications dites de réseaux sociaux.

2. Discours, manuels et théorisations du numérique religieux

Il s’agit ici à la fois d’analyser les formes discursives, de type méta-communicationnel, qui présentent, justifient, critiquent ou défendent et soutiennent la communication religieuse numérique et d’examiner les supports d’incitation, discursifs ou illustrés, à la pratique numérique dans un cadre religieux. Les discours théologiques et spirituels, des doctrines et des catéchismes, ainsi que les manuels d’évangélisation numérique et de propagande religieuse en ligne peuvent être analysés.

3. Acteurs du numérique religieux

Il s’agit ici d’analyser les trajectoires, les compétences, les expériences, l’inscription institutionnelle des acteurs du religieux numérique : community managers, youtubeurs, évangélisateurs, prêcheurs en ligne, sages, exégètes ou référents doctrinaux et de conseil en matière de pratique (orthopraxie), webmasters, graphistes, gestionnaires de sites spirituels, etc., laïques ou clercs. En connexion avec l’axe 1, on peut aussi analyser les témoignages et les formes d’expression de l’intimité et du vécu religieux. Les dimensions organisationnelles et économiques dans lesquelles se trouvent prises ou que mobilisent ces acteurs peuvent également se trouver prises en compte. De même, les dimensions et réseaux politiques sont à prendre en considération (en lien avec les axes 5 et 6).

4. L’action religieuse en version numérique

Dans cet axe, il s’agit de s’interroger sur la transposition numérique des actes qui caractérisent les religions : la liturgie chrétienne catholique ou orthodoxe, les différentes formes de culte, la prière, l’aumône, le dépôt de cierge (« virtuel »), la pratique du rosaire, la contemplation ou dévotion à une image, le pèlerinage par délégation, l’étude, etc. Comment le numérique « remédie » les actions religieuses préexistantes ? Quelles actions sacrées « nouvelles » semblent apparaître en ligne ? Lesquelles disparaissent (quel rapport aux reliques en ligne, par ex. ?) ? Comment l’observance rituelle et la structuration des rites en général sont-elles modifiées par l’entrée dans (ou l’interaction avec) l’univers numérique ?

5. Institutions religieuses et monde du numérique

Cet axe entend interroger l’interaction entre les formes organisationnelles religieuses (Églises, mouvements et ordres religieux, sectes, groupes, communautés, associations) et le monde numérique. Comment ces organisations sont influencées par ou s’adaptent-elles au monde numérique ? Comment s’organisent-elles pour gérer ces nouveaux espaces, supports et formes d’interaction et d’échange, de culte, de prédication, de présence religieuse ? Comment est vécue la relation entre le « dedans » et le « dehors », l’appartenance ?

6. Religions et mobilisation socio-politique du numérique

Cet axe voudrait interroger la façon dont ceux qui se réclament d’une religion mobilisent le numérique dans une perspective socio-politique, par exemple dans la lutte contre certaines pratiques ou le combat contre le « blasphème », quel que soit le nom qu’il prenne, dans une logique de défense d’une « sensibilité blessée » (Favret-Saada, 2017), ou encore dans l’intervention sur la scène politique ou le soutien à des initiatives de type social, solidaire, écologique. Dans ces cas, c’est le numérique comme force de mobilisation en lien avec le domaine religieux qui pourra être considéré, dans les discours, les images, les formes communicationnelles et les outils qu’il emprunte (hashtag sur Tweeter, groupe WhatsApp ou Facebook, autres). Les stratégies communicationnelles numériques des institutions religieuses dans un contexte de controverse ou d’accusation sociale pourront également être étudiées.

7. Nouvelles religions sur internet

Avec internet ont émergé également de multiples formes et dispositifs religieux nouveaux. Que ce soient des courants religieux spécifiquement en ligne, particulièrement dans le bouddhisme ou le protestantisme, intégrant en mode majeur sur la toile la pratique spirituelle ou religieuse (médiation, prière, confession, accompagnement), ou que ce soient de nouvelles religions ou quasi-religions in extenso, les émergences foisonnent. De multiples supports, du site web ou du forum jusqu’aux mondes numériques, voire aux jeux vidéo, servent de réceptacles et d’incubateurs à ces pratiques innovantes et ces imaginaires religieux en création. Au delà du farfelus momentané, ce type de déploiement a tendance à s’ancrer et à s’épanouir dans la longue durée. Il s’agit ici de décrire, d’analyser mais aussi de comparer ces modalités originales du croire ou du pratiquer...

8. La critique des religions : parodies et détournements

Religions fictives (Fake Religions) et détournements polémiques ou artistiques jouant du kitsch religieux (hindouiste ou catholique sulpicien, par ex.) mobilisent le religieux en ligne. Quelles en sont les formes d’expression et les intentions ? Comment penser également les circulations religieuses détournées – quand des sites identitaires s’approprient et remettent en circulation vers d’autres publics des discours jugés « absurdes » d’autorités religieuses musulmanes ou que des médias rediffusent des séquences de prédicateurs, des scènes de guérison ou d’ « exorcisme » (Gonzalez, 2015), par ex. ? Comment la circulation numérique facilite ainsi la critique du religieux « sur pièces », « preuves » à l’appui de l’absurdité et du non-sens religieux (l’ « obscurantisme ») supposés ? Quelles formes empruntent la critique numérique du religieux en ligne et l’expression athée militante ?

Les contributions comprendront, outre un exposé de la méthodologie adoptée, du champ d’insertion scientifique et des contextes théoriques mobilisés, une présentation du corpus (sites webs, applications, vidéos, séquences sonores) ou du terrain étudié, ou de la proposition théorique et épistémologique effectuée, et – s’il y a lieu de lever une ambiguïté scientifiquement préjudiciable – une indication de la position du chercheur par rapport à l’objet ou à la confession étudiés, par souci d’intégrité scientifique. On accordera une importance particulière à la clarté de l’énonciation, notamment théorique et conceptuelle, à la précision des données (et aux modes d’acquisition de celles-ci) comme à la rigueur de leur traitement.

Procédure de participation Les propositions de contribution, sous forme d’un résumé de 6 000 signes espaces comprises au maximum (bibliographie non comprise), seront déposées sur la plateforme https://relicom2019.sciencesconf.org

avant le 15 septembre 2018.

La réponse concernant l’acceptation après évaluation en « double aveugle » sera transmise au plus tard le 15 novembre 2018. Le texte complet de la communication (maximum 40 000 signes espaces comprises, bibliographie comprise) sera déposé sur la plateforme https://relicom2019.sciencesconf.org au plus tard le 28 février 2019.

Les communications pourront être proposées en français ou en anglais.

Le colloque aura lieu les 21 et 22 mars 2019 à Louvain-la-Neuve (UCL), Belgique.

Une publication sélective est prévue, suite au colloque, sous forme d’un numéro de la revue Recherches en communication. Un nouvel appel à contribution sera lancé suite au colloque, et une nouvelle évaluation des articles sera effectuée pour accéder à la publication. D’autres possibilités de publication sont également envisagées.

Contact organisateurs : andrea.catellani@uclouvain.be, olivier.servais@uclouvain.be, david.douyere@univ-tours.fr.

Site web : https://relicom.hypotheses.org/

Citer cet article : http://www.histoiredesmedias.com/AAC-colloque-Religions-et.html

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