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Images

Ouvrage : Annie Renonciat (dir.), L’image pour enfants : pratiques, normes, discours (France et pays francophones, XVIe-XXe siècles) (La Licorne, 2003). Recension par Anne-Claude Ambroise-Rendu.

Comme objet d’étude scientifique, l’illustration pour la jeunesse est souvent tributaire d’une approche esthétique. Le colloque organisé par le Centre de l’écriture et de l’image de l’université de Paris VII qui rassemblait des chercheurs de disciplines variées (littérature comparée, histoire, histoire de l’art, sciences de l’éducation), proposait lui, en interrogeant les contraintes qui réglementent, influencent et stimulent les artistes, en analysant leurs visées pédagogiques et les représentations de l’enfant qui gouvernent leurs choix artistiques, une vision plus historique de cette production.

Les communications issues de ce colloque permettent de distinguer trois périodes dans l’histoire de l’image pour enfants (...) Lire la suite

Ouvrage : Christian Delporte, Annie Duprat (dir.), L’Événement. Images, représentation, mémoire (Creaphis, 2003). Recension par Anne-Claude Ambroise-Rendu.

Tout en prenant explicitement ses distances avec une histoire des représentations qui minorerait la question des faits et en s’inscrivant dans la perspective d’un retour à l’événement, ce livre appartient à un genre aux productions encore peu nombreuses. Parce qu’il interroge les rapports entre le fait et l’événement, parce qu’aussi l’image est ici approchée non seulement en tant quelle est un marqueur de l’événement mais aussi parce qu’elle construit et alimente la mémoire partagée, faisant du même coup la lumière sur ses oublis. L’image, via la caricature, le dessin de presse, le cinéma, la télévision, joue un rôle considérable dans la construction de l’opinion publique, dans celle de l’événement, dans son euphémisation ou son occultation, mais aussi, dans sa transmission, sa résurrection et les relectures qu’elle permet, et, bien sûr, sa sacralisation. L’Événement permet ainsi une lecture en profondeur des événements historiques majeurs — ceux dont on a coutume de dire qu’ils « ont fait date » — et des questions que soulève leur inscription dans la mémoire collective.

Annie Duprat évoque l’importance de l’image dans la construction de l’opinion publique, singulièrement avec l’affaire du collier de la reine. À partir de 1790, l’air du temps devient moins léger et persifleur nous apprennent les images qui multiplient les attaques contre la monarchie au prix de mensonges et d’exagérations. Même contribution à la construction d’un état de l’opinion entre 1914 et 1945 avec le thème de la 5 colonne analysé par Christian Delporte, qui fait la démonstration d’une adéquation totale du support à son objectif : rendre accessible à tous une idée. Le fantôme ou la réalité de la guerre offrent un terrain d’élection au thème de la 5 colonne qui pénètre grâce aux supports les plus divers dans la vie quotidienne et l’imaginaire collectif. Le recourt croissant à l’image en la matière témoigne éloquemment de son efficacité en tant qu’instrument de propagande.

La guerre d’Indochine, rappelle Pascal Pinoteau, fut un conflit occulté et réduit par la télévision à son dénouement. Mais l’écho rencontré par Diên Biên Phu dans les médias transforma ce qui aurait pu n’être qu’un épisode parmi d’autres d’un conflit oublié en bataille décisive d’une guerre d’actualité, enracinant du même coup le caractère inéluctable de la fin de la présence française en Indochine. À bien des égards la télévision joua, du reste, un rôle plus important encore dans le retour du Général de Gaulle sur la scène publique en juin 1958 (Évelyne Cohen), participant ainsi directement à l’événement lui-même.

Le rôle des images dans la valorisation ou la postérité d’un événement est plusieurs fois interrogé. Par Thomas Boucher, d’abord qui, avec les images des insurrections des années 1830, conclut à une euphémisation de l’horreur et par là même à une sorte d’occultation de l’émeute. Seule exception, la célèbre scène de la rue Transnonain de Daumier, chef-d’œuvre qui institue une rupture dans l’ordre des représentations. L’image peut aussi retrancher, effacer, contribuer à faire oublier. C’est le cas de celles du 4 septembre 1870 qui, rares, faiblement diffusées, reconstruites et mensongères ou encore décalées au profit de Sedan ou de la Commune, transforment la nature de l’événement et le système de significations dans lequel il s’inscrit. Le 4 septembre, masqué par d’autres images qui en ont neutralisé la dimension révolutionnaire et joyeuse, « n’a pas fait image » souligne Olivier Le Trocquer, à l’inverse de ce qui s’est passé pour le 18 brumaire, qui a engendré un lot d’images diversement appréciatrices mais assurant sa postérité. (Pascal Dupuy)

Avec « La torture dans Muriel ou le temps d’un retour d’Alain Resnais », Raphaëlle Branche interroge méticuleusement les notions d’indicible, d’inmontrable, d’infilmable et les mécanismes de la transmission. Le film de Resnais dit l’extrême violence qu’est la torture sans la montrer, allant jusqu’à cette expérience limite de cinéma qui consiste à filmer les pages d’un texte plutôt que des images. Ce faisant, il transforme l’impossibilité de faire un film sur la torture en élément de compréhension de ce qu’a été la torture, c’est-à-dire en film sur le traumatisme de la torture pour celui qui l’a pratiquée… Le personnage, ici central, est le truchement volontairement singulier de la transmission et de la compréhension de l’événement.

Auscultant Les derniers moments de Maximilien, de Jean-Paul Laurens, Nelly Archondoulis-Jaccard montre comment la peinture d’histoire use d’un prisme renouvelé — social et bourgeois — pour s’adapter au goût et à la sensibilité du public moderne. Tandis que Dimitri Vezyroglou souligne la connexion établie en 1928 par le cinéaste Marco de Gastyne entre la geste Johannique et la Grande Guerre. Brisant le silence qui régnait sur la violence extrême et interpersonnelle de la guerre, violence refoulée par les commémorations officielles, le cinéaste non seulement lui donne un sens mais ouvre aussi à la nation la possibilité du deuil.

Le divorce entre les « deux mémoires » de la guerre civile espagnole que révèle le film Por qué morir en Madrid dont l’historique est livré par Nancy Berthier est aussi celui qui règne sur l’image de Jean Moulin. Joëlle Beurier, examinant les dessins d’un Jean Moulin encore adolescent, cherche les signes de ce que sera le héros de la résistance. Mettant ainsi en lumière la dualité de l’homme — entre passion artistique et engagement patriotique — elle rappelle surtout à quel point la mémoire résistante a occulté la culture de la Grande guerre.

Enfin, les images sacralisent, c’est ce que nous montre Emmanuel Fureix avec les images contrastées de la mort de Napoléon qui renouent, entre 1821 et 1831, avec les rituels des commémorations. C’est vrai aussi des images officielles savamment orchestrées par la propagande fasciste et interrogées par Marie-Anne Matard-Bonucci. En simplifiant et en mythifiant la marche sur Rome, elles lui ont conféré une univocité fondatrice.

Anne-Claude Ambroise-Rendu

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 2, printemps 2004, p. 252-254.

Ouvrage : Françoise Denoyelle, La photographie d’actualité et de propagande sous le régime de Vichy (CNRS-Editions, 2003). Recension par Christian Delporte.

La photographie peut être une arme de propagande. De nos jours, l’affirmation relève de l’évidence. Mais tel n’était pas le cas dans la France des années sombres. À vrai dire, de Daladier à Pétain, la continuité l’emporte de façon troublante. La photographie, au mieux ignorée, au pire méprisée par les élites gouvernantes, n’entre pas dans le dispositif de mobilisation de masse construit par la République de la « drôle de guerre » ou le régime de Vichy. Pourtant — et c’est là tout le paradoxe mis en lumière par Françoise Denoyelle —, les circonstances de la collaboration poussent l’État français à en développer l’usage à des fins de propagande. Pourquoi ? Parce que dans l’entourage proche du Maréchal, à (...) Lire la suite

Ouvrage : Laurent Gervereau, Ces images qui changent le monde (Seuil, 2003). Recension par Christian Delporte.

Spécialiste de l’étude des images, auteur d’une remarquée Histoire du visuel au xxe siècle (rééditée en Points-Seuil, début 2003), l’historien Laurent Gervereau se livre ici à un exercice à la fois ardu et stimulant : retenir vingt images qui, chacune à sa façon, est symptomatique de l’évolution du regard contemporain et de la multiplication industrielle des images (timbre poste, photographie de presse, affiche publicitaire, film de fiction, feuilleton ou reportage télévisés, jeu vidéo, site Internet, etc.). Il ne s’agit pas de dresser une sorte de « hit-parade » iconographique ou de publier un énième ouvrage sur les plus célèbres images des xix et xxe siècles. Le propos de l’auteur est d’attirer l’attention sur des documents qui, à la fois, révèlent un basculement dans la manière de voir et éclairent sur un univers visuel en pleine transformation. En bon historien, Gervereau inscrit l’image sélectionnée dans son contexte et la place en perspective, avec science et doigté. Mais il fait davantage. En rapprochant l’image d’autres images, en démontant les logiques de création et les mécanismes de production de masse, il nous permet de comprendre pourquoi et comment les représentations visuelles caractérisent, et, parfois, uniformisent les cultures contemporaines.

Gervereau pointe, par l’exemple, l’origine du regard. Ainsi Chéret n’est-il pas seulement l’inventeur d’un style d’affiche commerciale, marquée par un modèle de composition bientôt communément imitée. Il est surtout l’initiateur d’une formule publicitaire qui se répand et qui dure, exclusivement fondée sur le désir d’achat. De même, lorsqu’en 1930, l’impertinent photographe Erich Salomon dérobe l’image des plénipotentiaires français de la conférence d’Aix-la-Chapelle, assoupis dans un sofa entre deux séances de négociations, il reflète une tendance nouvelle dans la transposition de l’actualité, appelée à se développer : la représentation périphérique de l’événement. Mais il est sans doute des moments plus fondamentaux dans notre manière de voir et de penser. « Je n’ai jamais, de ma vie, éprouvé un choc aussi profond », expliquera Eisenhower, en évoquant son entrée dans le camp d’Ohrdruf, en avril 1945. Les images terribles des camps de concentration codifient, pour longtemps, la façon de photographier ou de filmer l’horreur. Les charniers rwandais trouvent leur résonance dans ceux de Buchenwald ou de Dachau. Pourtant « l’image est un témoignage et non une preuve ». En 1945, les photos des camps ne peuvent exprimer la spécificité de la Shoah ni même révéler la complexité de l’univers concentrationnaire. L’image montre alors les limites de son éloquence. Et Gervereau de s’interroger sur les ambivalences du réel porté par les images. L’avènement du « direct » planétaire constitue, de ce point de vue, un test convaincant. Des premiers pas d’un homme sur la Lune, en 1969, à la tragédie du 11 septembre 2001, l’image télévisée crée les conditions du regard universel et d’une mémoire collective partagée par la masse des hommes. Dans l’un comme l’autre cas, la pauvreté des images est submergée par la force illusoire de vivre ensemble l’événement. Fouillant l’histoire de la télévision, il nous montre aussi la manière dont les États-Unis, dès les années 1950, dessinent les contours d’émissions standardisées qui s’appliquent à effacer les frontières entre la fiction et le réel. Les racines des « téléréalités », si caractéristiques du début du xxie siècle, sont ici, sur les plateaux de NBC, avec This is your life !, où la vie de « vrais gens » s’identifie soudain à celle des familles nageant dans le bonheur et la consommation, que les feuilletons télévisés ont érigées comme modèles absolus. Bref, par ce livre, Laurent Gervereau poursuit un projet engagé depuis une vingtaine d’années : nous fournir les outils indispensables à la maîtrise de l’univers iconique qui nous entoure. Projet salutaire pour résister à la peur, à la naïveté ou au désenchantement.

Christian Delporte

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 2, printemps 2004, p. 255-256.

Ouvrage : Marie-Anne Matard-Bonucci (dir.), ANTISÉmythes, l’image des juifs entre culture et politique (1848-1939) (nouveau monde éditions, 2005). Recension par Laurence Corroy.

C’était faire œuvre utile que de publier un ouvrage collectif concernant l’image des juifs de 1848 à 1939, mettant ainsi en relief à la fois la palette de supports utilisée pour propager l’antisémitisme et les flux internationaux qui caractérisent sa circulation. Courants catholiques, antimaçonniques, fascistes ou d’extrême gauche sont relayés par un large arsenal médiatique, littéraire et scientifique qui alimente sur la scène européenne une « intoxication idéologique », selon l’expression de Marc Angenot. La démultiplication des approches nationales et transnationales fait apparaître un certain nombre de thèmes récurrents, qui seront repris par le nazisme des années 1930. L’atavisme racial, la « dégénérescence » (...) Lire la suite

Ouvrage : Jacques Walter, La Shoah àl’épreuve de l’image (Puf, 2005). Recension par Isabelle Veyrat-Masson.

La solution est donnée page 269. Ce livre est un recueil d’articles. Ils ont été réunis pour notre plus grand intérêt, par leur auteur, Jacques Walter, sociologue, professeur à l’Université de Metz. Pour le lecteur qui n’a pas eu la curiosité de lire la fin, ce n’est pas une évidence, tant le propos est cohérent : il s’agissait pour l’auteur de s’interroger sur les diverses rencontres entre plusieurs types d’images : télévision, cinéma, photographies et la mémoire la Shoah. Chaque chapitre, donc chaque article, possède son autonomie et comme dans certains films, on y croise plusieurs fausses fins. En revanche, l’ouvrage ne souffre pas trop de répétitions, au contraire, s’y déploie une enrichissante curiosité à propos de plusieurs (...) Lire la suite

Ouvrage : Eric Van Essche (dir.), Le Sens de l’indécence. La question de la censure des images àl’âge contemporain (La Lettre volée, 2005). Recension par Laurent Martin.

Les 19 et 20 novembre 2004, l’Institut supérieur pour l’étude du langage plastique (ISELP) réunissait des chercheurs et des artistes pour une réflexion collective sur le thème de la censure des images à l’époque contemporaine. Ce sont les actes de cette rencontre qui viennent d’être publiés par les éditions de la Lettre volée sous une forme élégante et soignée mais dépourvue, hélas ! d’images, ce qui est quand même un peu frustrant. Tous les contributeurs appartiennent à l’espace francophone (l’ISELP est elle-même une institution de la Belgique wallonne). En dépit de cette relative uniformité des origines culturelles des auteurs, une réelle diversité des points de vue est assurée par la présence de représentants de diverses disciplines (...) Lire la suite

Ouvrage : Sarah Howard, Les images de l’alcool en France, 1915-1942 (CNRS éditions, 2006). Recension par Eric Godeau.

Sarah Howard, historienne britannique, interroge l’identité française à travers l’image des vins, des vins aromatisés -du type Dubonnet –, des apéritifs industriels -comme l’absinthe – et des apéritifs distillés. Elle défriche un terrain pratiquement vierge de tout travail historique pour la période 1915-1942, en centrant son étude sur Paris (et non sur la France entière comme le suggère le titre de son livre). L’auteur adopte un découpage chronologique original : entre 1915, année d’interdiction de l’absinthe, et 1942, année d’interdiction des apéritifs et de leur publicité, les images de l’alcool foisonnent. Affiches, insertions publicitaires dans la presse ou au cinéma, références explicites dans l’art et la littérature…, les images de l’alcool se multiplient dans une France qui boit de plus en plus.

En 1915, « la fée verte », l’absinthe alors si populaire, est interdite. A l’origine de cette mesure, l’idée selon laquelle l’alcool distillé est dangereux, qu’il y a les bons et les mauvais alcools. L’auteur passe vite sur l’élaboration de la loi du 10 novembre 1915 et sur les résistances qu’elle suscite chez les producteurs, les distributeurs ou les consommateurs. Elle consacre l’essentiel de son étude à la période faste de l’entre-deux-guerres, marquée par une multiplication sans précédent des images de l’alcool, à une période où publicité et marketing sont en plein essor. Variées, les images de l’alcool sont bien analysées par Sarah Howard : aux images traditionnelles -la famille, le terroir, la bonne table, la « France éternelle », la sensualité- viennent s’ajouter des images plus modernes liées au sport, à l’hygiène de vie ou à la lutte contre le pessimisme dans les années 1930. Durant cette décennie, alors que l’État encourage la consommation d’alcools, le mouvement de tempérance renaît, exploitant le thème du « péril national ». Cocktails et apéritifs anisés sont particulièrement visés, tandis que le vin reste, comme à l’accoutumée, au dessus de tous soupçons. Sans doute faut-il y voir un effet d’un lobbying efficace de la part de ses producteurs, un thème maintes fois évoqué au cours de l’ouvrage mais jamais véritablement traité, à défaut de sources sans doute.

Convaincu de la nécessité de désintoxiquer une France vaincue et décadente, le régime de Vichy met en place un arsenal législatif imposant. Pour la première fois, c’est aux images de l’alcool que le législateur s’attaque : ainsi, en juillet 1942, toute publicité pour l’alcool est interdite. Là encore, nous pouvons regretter que l’auteur passe vite sur les réactions des producteurs et des consommateurs. Au terme d’un ouvrage dynamique et bien illustré, il faut regretter sans doute le manque d’ambition de l’auteur qui étudie les images de l’alcool sans s’intéresser véritablement à leur création et à leur réception, regretter en somme l’absence d’archives d’entreprises dans le corpus de sources.

Eric Godeau

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 7, hiver 2006-2007, p. 265-266.

Ouvrage : Annie Duprat (dir.), Révolutions et mythes identitaires (Nouveau Monde éditions, 2009). Recension par Claire Blandin.

Réunies par Annie Duprat, les contributions proposées ici ont été présentées lors d’un colloque organisé à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Si la Révolution française est centrale dans la réflexion des auteurs, les lieux et moments étudiés sont multiples. L’ouvrage s’ouvre sur la force des mots dans les épisodes révolutionnaires. Ces moments d’accélération de l’histoire, sont en effet bien souvent des périodes de création pour les langues : néologismes et nouveaux usages se développent, les qualificatifs pleuvent sur les acteurs. Mais pour comprendre ce qui se cache derrière les mots, l’historien doit saisir les cultures et les imaginaires politiques locaux. La chronologie fine est alors importante car, dans les révolutions, les événements se succèdent à un rythme accéléré, et les mots se démodent, comme les slogans.

Dans la suite de cette première partie de l’ouvrage, l’historien des médias peut faire son miel de la contribution, originale et novatrice, de Marina Bujoli-Minetti, comparant les estampes anglaises et françaises représentant les enfants royaux à la prison du Temple. Les variations des décors ou des légendes renseignent sur les différences d’instrumentalisation de ces figures d’un côté et de l’autre de la Manche. L’usage des citations bibliques permet ainsi aux Anglais d’accentuer la violence politique des scènes représentées. L’ouvrage présente plus généralement des analyses fines et variées des discours sur et autour de la Révolution française. Il permet ainsi d’identifier des formes pamphlétaires derrière des apparences qui semblaient plus neutres.

Revenant sur la fondation des mythes identitaires par les révolutions, la deuxième partie s’ouvre sur un rappel de l’historiographie de la Révolution française depuis les années 1960. Le renouvellement opéré par Jean-Clément Martin autour de la question de la violence révolutionnaire est souligné. On peut dès lors se demander comment la représentation de la violence révolutionnaire a servi de matrice à l’écriture des histoires nationales ; comment elle a forgé des mythologies (propres à chaque pays, mais qui peuvent être comparées). Plusieurs types d’approche théorique de cette élaboration du mythe identitaire sont présentés (en analyse de discours, en philosophie politique), mais les phénomènes de représentation et de diffusion ne sont pas oubliés ; presse, affiches et cinéma sont étudiés, comme dans la communication de Sylvie Dallet, « La violence révolutionnaire, pudeur et ostentation filmiques ». Au sein d’une production abondante, elle propose un parcours thématique qui permet de souligner les spécificités du cinéma et l’importance de l’évolution des conditions de production et de diffusion des œuvres. Conçue pour le petit écran, l’épopée révolutionnaire n’a plus les mêmes caractéristiques qu’en cinémascope. Analysée comme figure fondatrice, la Révolution lui permet également de mettre en place une typologie de la violence dans les fictions historiques au cinéma.

Intitulé « Les ombres portées des révolutions », le troisième volet de l’ouvrage permet de rappeler encore que l’histoire est narration. On demande bien souvent au récit historique de fabriquer le mythe national, dans un récit fondateur qui relève du « storytelling » et où les hauts faits des personnages révolutionnaires sont les événements majeurs. On retrouve ici le rôle des médias dans les événements révolutionnaires (Bettina Frederking présente des journaux « agents de la discorde et de la violence » dans les premières années du xixe siècle), mais surtout dans la fabrication de leur récit. Dans une large étude (« Mythes et violence dans la presse israélienne (1920-1982) »), Ouzi Elyada montre comment les médias de ce pays fabriquent les images de la violence. Grâce à une recherche sur un temps (assez) long, il montre que la presse construit une succession de récits mythiques d’Israël, qu’elle réutilise ensuite selon les critiques formulées par les médias étrangers. Ce regard d’un spécialiste de la Révolution française sur le très contemporain démontre, comme l’ensemble de l’ouvrage, la pertinence de cette interrogation sur les implications de la violence révolutionnaire dans la construction des mythes nationaux.

Claire Blandin

Recension publiée dans Le Temps des médias n° 13, Hiver 2009-2010, p. 222-224.

Ouvrage : Christian Delporte, Laurent Gervereau, Denis Maréchal (dir.), Quelle est la place des images en histoire ? (Nouveau monde éditions, 2008). Recension par Géraldine Poels.

Quelle est la place des images en histoire ? rassemble les actes d’un colloque organisé en avril 2006 par le CHCSC, l’INA et l’Institut des images (AgroParisTech), qui a réuni une trentaine d’historiens pour dresser un état des lieux de la recherche sur l’image, objet historique encore délaissé il y a vingt ans. Avec la multiplication des travaux, un bilan des avancées devient possible et nécessaire : c’est ce que propose ce recueil, en articulant réflexion théorique, méthodologie et études de cas.

La première partie revient sur la reconnaissance de l’image par les historiens. Cet aperçu historiographique offre une synthèse inédite des apports des spécialistes de chaque période à l’appropriation de l’iconographie (...) Lire la suite

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