Cette thèse ambitionne de traiter la question des rapports entre musique et pouvoir et partant, de la responsabilité des musiciens en période de crise nationale. Choisissant d’inscrire cette interrogation liminaire dans le cadre d’une pratique professionnelle, nous avons étudié la période musicale de la radiodiffusion française entre 1939 et 1953. Le coeur de cette recherche sonde les nouvelles fonctionnalités politiques assignées à la musique en guerre, durant la "drôle de guerre" tout d’abord, avec l’invention d’une musique patriote, puis dans les rapports occupants-occupés, alors que la Radiodiffusion nationale est devenue en 1940 le relais indispensable d’un régime cantonné dans le sud de la France après la victoire allemande, soumise par surcroît à la concurrence du poste allemand Radio-Paris. Aux logiques de sujétion d’une radio ouverte aux quatre vents de la Révolution nationale, de la collaboration européenne, des extrèmismes de la Milice et d’un antisémitisme déchaîné, se sont combinées, paradoxalement, quelques niches de liberté relative. Ainsi, la Radiodiffusion nationale a maintenu un espace protégé pour la musique française et abrité une enclave de créativité originale, le Studio d’essai de Pierre Schaeffer, devenu en 1943 un lieu de sociabilité résistante tout à fait singulier où se sont rencontrés musiciens, écrivains et techniciens de radio. Enfin, la thèse englobe le temps du jugement musicien, à la Libération, et cela jusqu’à la loi d’amnistie du 6 août 1953 qui clôt le chapitre des épurations. Se posèrent alors les questions épineuses de la responsabilité de l’artiste, d’un art "tour d’ivoire" ou au contraire d’un devoir d’engagement.
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